L’Accord d’Arusha engage tout le peuple burundais. Pourtant, International Crisis Group (ICG) estime que le gouvernement est sur le point de s’en écarter.
25 octobre 2012. International Crisis Group sort son rapport Afrique no 192 « Burundi : Bye-bye Arusha ? » L’ONG oeuvrant pour les droits de l’Homme fait remarquer que si l’on ne prend pas garde, le Burundi risque de se retrouver dans un monopartisme de fait. Or, l’Accord d’Arusha et l’Accord de partage du pouvoir signés en 2003 en Afrique du Sud préconisaient le système consociatif ou partage du pouvoir aux plans ethnique et politique. En effet, explique ICG, des élections de 2005 à celles de 2010, le CNDD-FDD a consolidé son contrôle sur l’administration et les institutions. Cette position, selon toujours ICG, confère au gouvernement une marge de manœuvre quasi totale donnant lieu à une gestion partisane de l’Etat, du processus de justice transitionnelle ainsi qu’une instrumentalisation des services de sécurité.
Pourtant, ICG nuance : « Le retrait du processus électoral des principaux partis de l’opposition a abouti à leur non-représentation au parlement et a rendu de facto caduques le système consociatif et ses mécanismes d’équilibre politico-institutionnel. » Ainsi, le parti présidentiel se renforce et dépasse largement la majorité requise pour l’adoption des lois.
Sur le plan juridique, International Crisis Group rappelle que la mise en place des mécanismes de la justice transitionnelle a été décidée lors des négociations d’Arusha. L’Accord de paix, quant à lui, prévoit la création d’une « Commission Nationale pour la Vérité et la Réconciliation » (CNVR), une Commission d’Enquête Judiciaire Internationale (CEJI) ainsi qu’un Tribunal Pénal International. La mission de cette dernière serait de « juger et punir les coupables, au cas où le rapport établirait l’existence d’actes de génocide, de crimes de guerre et autres crimes contre l’humanité ». Toutefois, ICG constate que depuis plus de dix ans, la promesse n’a pas été tenue. Pour ICG, il s’agit du manque de volonté des acteurs politiques burundais. De surcroît, ICG regrette ce comportement du pouvoir de vouloir capter le processus et imposer sa vision pour privilégier le pardon sur la justice en excluant la société civile et les Nations unies.
« La paix et la démocratie ne sont pas seulement l’affaire d’ingénierie institutionnelle et d’élection »
Sur le plan sécuritaire, ICG souligne des progrès en matière de sécurisation du processus électoral et de gestion des foules. Cependant, il fait savoir que des résultats ont été beaucoup plus mitigés dans la corruption et la dépolitisation des institutions de sécurité.
ICG de rappeler au gouvernement burundais que la situation actuelle rappelle que la paix et la démocratie ne sont pas seulement l’affaire d’ingénierie institutionnelle et d’élection mais aussi et surtout de respect pour la minorité politique et la règle de droit.
| ICG non loin de la vérité
L’Accord d’Arusha comprenait cinq protocoles à savoir les origines du conflit interburundais et les solutions, la démocratie et la bonne gouvernance, la sécurité pour tous, la reconstruction du pays et les garanties pour la mise en place du pouvoir.
Concernant le conflit interburundais, il est évident que les causes du conflit burundais, lequel a été qualifié de politique, commencent à ressurgir. Avec les élections de 2010, certains leaders politiques ont été contraints à l’exil. Ici, on se rappellera, entre autres, du départ d’Agathon Rwasa lorsque des jeunes de son parti ont passé plusieurs nuits à son domicile et aux alentours pour « protéger » leur leader qui, selon certaines sources, était recherché. On a même entendu que son mandat d’arrêt était sorti. On verra plus tard Léonard Nyangoma, Alexis Sinduhije,… fuir le pays. Où ils se sont exilés, ils ne cessent de réclamer le dialogue politique en vain d’où l’exclusion politique que dénonce ICG.
Quant à la sécurité, elle n’est plus pour tous. Des cadavres, qui jonchent la Rusizi, ne cessent d’être trouvés et leurs bourreaux restent impunis. Et point de reconstruction du pays sans mise en œuvre des principes démocratiques qui caractérisent un Etat de droit. Le rapport d’ICG est une alerte. Les Burundais devraient saisir la balle au bond pour faire nôtres les préoccupations d’ICG. E.N |