Réunion sécuritaire dans les provinces et communes, respectivement chaque lundi et mardi, suivi du prix de la viande, liberté de réunion pour les partis politiques, interdiction des ligalas, fermeture des bars et restaurants sans hygiène. Quelques-unes des mesures prises par le ministre de l’Intérieur. Les politiques les saluent mais doutent de leur respect et application.
« En vue de prendre en compte les doléances et les préoccupations de la population et dans le souci de faire respecter les mesures prises, j’ai l’honneur de vous rappeler pour actions, certaines de ces mesures assorties des échanges avec la population », indique Martin Ninteretse, ministre de l’Intérieur, dans une circulaire du 31 janvier adressée aux gouverneurs de province.
Ses mesures résultent de la recommandation issue de la retraite gouvernementale qui s’est déroulée au début de l’année 2023 dans la province de Kayanza.
Il avait été instruit à tous les ministres d’effectuer des descentes sur terrain pour recueillir les doléances et les préoccupations de la population, chacun dans son secteur.
Martin Ninteretse invite les gouverneurs de provinces et les administrateurs communaux à faire respecter les mesures prises.
Ainsi, d’une part, lit-on dans ladite circulaire, les gouverneurs et administrateurs doivent organiser des réunions de sécurité pour évaluer la situation dans différents secteurs de la vie nationale représentés dans les entités administratives, respectivement chaque lundi et mardi.
D’autre part, le ministre de l’Intérieur instruit tous les administrateurs communaux de ne plus quitter leurs circonscriptions sans l’autorisation préalable du gouverneur. Il en est de même pour la participation dans des réunions organisées par les partenaires.
Suivi et harmonisation du prix de certains produits
Ce membre de l’exécutif demande à ces autorités d’harmoniser le prix de la viande au kg en mairie de Bujumbura comme à l’intérieur, soit 11000 BIF pour la viande avec os, et 10000 BIF pour la viande sans os.
Il les invite aussi à rayer définitivement des listes toutes les personnes qui auraient affiché un comportement de spéculation des produits Brarudi, le ciment Buceco… pour lesquelles l’administration avait déjà fermé leurs magasins ou dépôts.
Par ailleurs, insiste Martin Ninteretse, il faudra démanteler tous les groupes qui rançonnent la population ainsi que tout type de commissaires. « Aucune personne ne peut faire payer de l’argent en dehors des agents mandatés par l’Etat ou ses démembrements », instruit-il.
En outre, poursuit M. Ninteretse, il faudra laisser les partis politiques organiser librement leurs réunions. « Dans l’exercice de leurs libertés de réunion, ils informent les autorités, mais ne demandent pas l’autorisation », martèle-t-il.
Le ministre de l’Intérieur demande aux autorités provinciales et communales de combattre le phénomène des ligalas et de réserver la tolérance zéro aux maisons en pailles. « Plus de mariage dans ce genre de maisons ».
Concernant les marchés, poursuit-il, ils doivent être aménagés de façon à laisser le passage aux camions anti-incendie, et ceci endéans 7 jours à compter dès la réception de la circulaire.
De la collaboration entre l’autorité administrative et policière
L’autorité provinciale est appelée à collaborer avec le commissaire provincial de la police nationale pour procéder à la fermeture de tous les bars et restaurants sans hygiène ni latrines, y compris les hôtels ne remplissant pas les conditions d’hygiène et de salubrité.
Il invite ces autorités à respecter les nouveaux postes de contrôle de la sécurité routière et éviter la confusion entre les unités de la Police de sécurité routière, de la protection et celles de l’Office burundais des recettes.
Enfin, le ministre de l’Intérieur demande aux gouverneurs de collaborer avec les commissaires provinciaux de la police pour encadrer les Officiers de la Police Judiciaire (OPJ) de sorte que ces derniers ne clôturent plus à leur niveau les dossiers instruits. « Ils doivent les transmettre obligatoirement au procureur de la République de leur ressort qui se chargera de la suite à y réserver », exige-t-il.
Réactions
Léonce Ngendakumana : « Ce ne sont que de demi-mesures, des demi-solutions.»
« D’emblée, ce sont de bonnes mesures. Mais dans la pratique, je les qualifie de demi-mesures, de demi-solutions », fait savoir Léonce Ngendakumana, vice-président du Frodebu. Ces mesures, doute-t-il, ne vont pas répondre aux attentes de la population en ce qui concerne cette flambée des prix, la liberté de réunion et de manifestation des partis politiques.
M. Ngendakumana suggère la révision de la loi pour qu’il y ait respect de la mesure concernant la liberté de réunion et de manifestation des partis politiques. « Il faudra réviser l’arsenal juridique en la matière pour déverrouiller l’espace politique verrouillé par l’administration et les Imbonerakure qui empêchent les partis politiques d’exercer leurs droits civils et politiques ».
Concernant l’harmonisation des prix de certains produits fondamentaux, il recommande une planification et programmation des actions du gouvernement et non pas des mesures ou des solutions prises isolément par chaque ministre.
Pour lui, l’harmonisation des prix doit impérativement passer par l’augmentation de la production et la lutte contre la pauvreté.
« Pour lutter contre la pauvreté et augmenter la production, il faut passer du budget de fonctionnement au budget d’investissement, aux projets générateurs de revenus », avant de marteler : « Si le pays n’est pas développé, on ne pourra pas harmoniser les prix. »
Simon Bizimungu : « Certaines mesures nécessitent d’autres mesures d’accompagnement.»
Pour Simon Bizimungu, vice-président du Cnl, certaines de ces mesures, si elles sont mises en application, pourront aider dans le développement de la population.
Cependant, il tient à préciser que certaines de ces mesures ne sont que des rappels : « A titre d’illustration, la mesure en rapport avec la liberté de réunion des partis politiques figure dans la loi régissant les partis politiques.»
Il se réjouit de la mesure qui appelle les uns et les autres administratifs au respect de loi. « Certains administratifs ont empêché le Cnl de tenir des réunions. Il y a eu toujours une violation délibérée de la loi ».
Par ailleurs, il fait remarquer que d’autres mesures nécessitent des mesures d’accompagnement comme celle interdisant de construire des maisons en pailles : « Vue la pauvreté qui s’observe dans certains ménages, il faut l’intervention de l’Etat pour améliorer la vie de ces citoyens.»
Kefa Nibizi : « Pour certaines mesures, il fallait une concertation.»
Kefa Nibizi, président du Conseil pour la démocratie et le développement durable au Burundi (Codebu), salue l’instruction que le ministre de l’Intérieur a donnée aux gouverneurs de laisser les partis politiques faire librement leurs activités. Pour lui, c’est un rappel qui va dans le sens de renforcer la liberté d’expression pour les partis politiques.
Il fait observer que certaines mesures nécessitaient un peu de concertation, notamment celles qui parlent de la fixation des prix pour la viande : « Il aurait dû consulter les bouchers ou leur représentant, le représentant des consommateurs pour que le prix soit fixé de commun accord dans l’intérêt de tout le monde.»
M. Nibizi se réjouit aussi de la mesure de fermer les bars ou les maisons de vente des produits dont les prix sont fixés par le gouvernement mais dont les vendeurs outrepassent les prix déjà fixés.
Concernant les bars, les restaurants et les hôtels qui ne remplissent pas les conditions d’hygiène, suggère-t-il, il ne fallait pas passer directement à la fermeture. Pour lui, il faudrait plutôt accorder un certain délai pour que les tenanciers puissent corriger et après ce temps passer faire la vérification.
Le président du Codebu se dit étonné par la mesure interdisant de construire des maisons en pailles. Il se demande si on a tenu compte du niveau de pauvreté d’une partie de la population burundaise : « Il n’y a aucune personne qui vit dans une maison en pailles de sa propre volonté. Mais il y vit parce qu’il a manqué les moyens financiers pour se construire une maison décente en tuiles ou en tôles.»
M. Nibizi propose d’exhorter les gens à vivre dans des maisons décentes mais de ne pas interdire à un jeune de se marier quand il a une maison en pailles.
Aloys Baricako : « Il est difficile d’appliquer certaines mesures.»
« J’ai des inquiétudes sur la mesure concernant l’harmonisation des prix de certains produits tels que la viande, les produits Brarudi, le ciment Buceco», fait remarquer Aloys Baricako, président du Rassemblement national pour le changement (Ranac).
Pour lui, il est difficile d’harmoniser le prix pour la viande sur tout le territoire national. Il fait observer que le coût des vaches n’est pas le même sur le territoire national.
Et de faire savoir qu’à Bujumbura, il faut y ajouter le coût du transport, de la main d’œuvre et la location des maisons. « C’est une mesure qu’il faut analyser dans tous ses angles. Il y a risque que les bouchers puissent résister à une telle mesure », prévient-il.
De surcroît, il déplore que la vente des produits Brarudi reste un casse-tête. Et que des mesures pour harmoniser les prix de ces produits ont toujours été prises sur toute l’étendue du territoire, mais que ces prix ne sont pas toujours respectés.
M. Baricako évoque la rareté de ces produits et la spéculation de certains commerçants. « Pour que les prix soient uniformes, il faut que ses produits soient disponibles, conclut-il.