Un salaire maigre qui est resté inchangé depuis 2009, des heures supplémentaires et les heures de nuit prestées qui n’ont pas été prises en compte par la nouvelle politique salariale, un diplôme non valorisé, un plateau technique et les infrastructures non adaptés pour certains médecins spécialistes. Quelques raisons qui poussent certains médecins à quitter les hôpitaux.
Le départ des médecins, tant généralistes que spécialistes à l’étranger reste une évidence et continue à une allure inquiétante. Répondant aux questions des députés, mardi 19 septembre, Dr Sylvie Nzeyimana, ministre de la santé a fait savoir que l’enquête menée dans 80 hôpitaux a montré que 130 médecins avaient quitté le pays en trois ans.
Ce départ massif des médecins laisse un vide dans différentes structures sanitaires. Et ce sont les patients qui en souffrent doublement. Pour certains, le nombre des départs donné par la ministre de la Santé est loin de refléter la réalité sur terrain.
« Hier, je me suis rendu à l’hôpital communal, mais je n’ai trouvé aucun médecin. C’est pourquoi je suis venu ici à Bujumbura pour me faire soigner », raconte, un peu désolé, V.N., un patient venu de la commune Mubimbi, dans la province de Bujumbura rencontré au Centre Hospitalo-Universitaire de Kamenge.
Pour d’autres patients, ce phénomène est inquiétant car, déplorent-ils, ils se retrouveront dans l’incapacité de se faire soigner. « Si des médecins spécialistes partent à l’étranger, nous serons obligés d’aller nous faire soigner à l’étranger, du moins pour ceux qui en seront capables », s’inquiètent-ils.
Ils demandent au gouvernement d’améliorer les conditions de vie et de travail de ces médecins afin que ces départs diminuent.
Les raisons sont diverses
Pour Dr Vincent Ndayizigamiye, président du syndicat national du personnel de la santé (Synapes), le départ des médecins est une évidence. Et de déplorer qu’il y a beaucoup d’hôpitaux qui n’ont plus de médecins. Il énumère les causes qui poussent ces médecins à s’orienter ailleurs « La cause majeure est ce maigre salaire qui ne parvient plus à les faire vivre du 1e au 30 du mois, compte tenu du coût actuel de la vie ».
Un salaire, déplore-t-il, qui ne tient pas compte des activités du médecin, des heures de prestations, de la complexité des risques de soins de santé. « Le salaire d’un médecin est resté stagnant, inchangé depuis 2009 et avoisine les 500 mille BIF ». Il précise que certains vont à l’étranger, dans les ONG, dans les hôpitaux privés, et d’autres font leurs propres affaires.
Même constat amer du côté de Mélance Hakizimana, président de la Fédération nationale des syndicats du secteur de la santé (Fdss). Il informe que ce ne sont pas les médecins seulement qui quittent, mais aussi les autres professionnels de la santé même si ce n’est pas senti de la même façon. Et de faire observer : « Tous les prix des biens de première nécessité ont monté exponentiellement, mais les services rendus par le fonctionnaire burundais ne sont pas valorisés, alors qu’en principe, les salaires devraient être fixés en fonction du coût de la vie. Avec le salaire actuel, les besoins fondamentaux ne sont pas satisfaits et on doit courir ici et là pour voir si on peut avoir le minimum pour la survie. »
Par ailleurs, ajoute Dr Ndayizigamiye, les médecins nourrissaient leurs espoirs par rapport à la nouvelle politique salariale. Mais il souligne que leurs espoirs se sont vite estompés : « Les heures supplémentaires et les heures de nuit prestées par le personnel médical n’ont pas été tenues en compte. Ces heures ne sont pas payées. Ce qui décourage les médecins. »
Mélance Hakizimana épingle lui aussi le nouveau statut général des fonctionnaires. Il observe que la spécificité du secteur de la santé n’a pas été prise en compte : « Les prestataires de soins sont rémunérés comme les autres fonctionnaires, malgré les heures supplémentaires prestés et le risque encouru reconnu internationalement. »
En plus, fait remarquer Dr Vincent Ndayizigamiye, avec le nouveau système académique BMD introduit au Burundi, la question du diplôme des médecins n’est pas encore tranchée. Pour cet activiste, il faut que les textes de lois clarifient les choses, sinon, regrette-t-il, le diplôme sera méprisé. Cela risque de décourager les lauréats en médecine.
Dr Ndayizigamiye évoque enfin le cas des médecins qui partent faire des spécialisations mais de retour manquent de moyens techniques pour mettre en pratique ce qu’ils ont appris. Une autre cause qui peut les amener à partir là où le plateau technique et les infrastructures répondent adéquatement à leurs spécialités.
De lourdes conséquences
« Là où il n’y a pas de médecins prestataires la population ne bénéficie plus des soins de santé. Les cas de décès augmentent, le système sanitaire se détériore, le développement stagne. Certains vont se faire soigner à l’étranger ou dans le privé, ce qui est cher », alerte Dr Ndayizigamiye.
De son côté, Mélance Hakizimana fait remarquer que les prestataires de soins sont obligés de prester dans trois ou quatre structures sanitaires pour pouvoir joindre les deux bouts du mois. Sans, toutefois, satisfaire les besoins fondamentaux. « On ne va pas trouver de prestataires qualifiés pour rendre des services de qualité à la population. L’ambiance d’empathie qui devrait régner entre le prestataire et le patient disparaît».
Et de faire remarquer que les patients se lamentent du fait que le climat qui règne est considéré comme un mauvais accueil. Par ailleurs, ajoute ce défenseur des droits du personnel de la santé, le personnel n’est pas motivé pour être régulier au service. D’où, conclut-il, il s’observe une mauvaise qualité des services rendus à la population.
Des solutions sont envisagées
Dr Ndayizigamiye estime qu’il faut des mesures incitatives pour stabiliser les médecins sur place et faire retourner ceux qui sont déjà partis : « Il faut que le gouvernement revoie à la hausse leur salaire pour stabiliser ces médecins et inciter ceux qui sont partis à regagner le bercail. » Et d’ajouter : « La nouvelle politique de salaire devrait être révisée en y intégrant le paiement des heures supplémentaires et les heures de nuit. »
Il suggère aussi la valorisation du diplôme du médecin au Burundi : « Il faut améliorer le plateau technique et les infrastructures pour que le médecin spécialiste puisse prester là où les conditions de travail sont réunies ».
Même son de cloche du côté de M. Hakizimana. Il invite le gouvernement au dialogue avec les syndicats : « Le gouvernement devrait accepter de négocier avec les syndicats du secteur de la santé en vue d’arrêter d’un commun accord des mesures incitatives permettant de retenir les prestataires de soins actuellement en fuite à la recherche de la survie. »
L’article ne précise pas si ces médecins s’en vont à l’étranger pour exercer le même métier. Parce qu’il faudrait en même temps constater 2 évidences :
– Les pays de destination ont les mêmes problèmes de pénurie de médecins que le Burundi ;
– La qualité de l’enseignement dans les facultés de médecine des universités burundaises est positivent perçue à l’étranger.
Augmentez leur salaire et améliorez leurs conditions s’il vous plaît! Mais cela ne garantira pas non plus qu’ils ne s’en iront pas.
Le salaire annuel moyen d’un médecin en Amérique du Nord dépasse les 200 000 USD. C’est l’équivalent d’environ 16 700 USD par mois.
Comment voulez-vous concurrencer cela? Et ce n’est qu’un exemple!
Il n y a pas que le manque de médecins , il s’ajoute le manque de médicaments . Un membre de ma famille est actuellement hospitalisé dans un des hopitaux de Bujumbura , il est obligé d’acheter des médicaments lui même, et lorsqu’il arrive qu’il en ait pas , eh bien le médecin passe à la chambre suivante . Et pourtant le patient dispose de la mutuelle . C’est cela le sort de la majorité des Burundais . Et la situation s’aggrave de jour en jour.