Vendredi 27 septembre 2024

Politique

Ministère de la Fonction Publique : des dysfonctionnements dans la gestion budgétaire

Ministère de la Fonction Publique : des dysfonctionnements dans la gestion budgétaire
« Le ministère ne dispose pas de règlement d’ordre intérieur dans la cellule de gestion des marchés publics »

Lors de la séance plénière du 23 septembre 2024, la Commission permanente des députés a présenté le Rapport définitif d’audit de la capacité de gestion budgétaire pour la période 2020-2021 à 2022-2023 réalisé par la Cour des comptes. Ce dernier a mis en évidence plusieurs lacunes majeures affectant l’efficacité du ministère de la Fonction Publique.

« Le ministère ne dispose pas de règlement d’ordre intérieur dans la cellule de gestion des marchés publics. Certains membres de la cellule de la gestion du marché public ont participé à la fois à la commission de passation et celle de la réception d’un marché », note la Commission permanente des députés.

En matière de gestion des ressources humaines, la Commission permanente des députés a révélé également que le ministère n’a pas une maîtrise totale des effectifs de son personnel ni de ceux des autres ministères. « Ce manque de contrôle entraîne des retards dans la notification des départs, tels que les démissions ou les décès, ce qui provoque des paiements de salaires indus ».

Ce n’est pas tout : « Le ministère ne dispose pas d’une structure dédiée à l’élaboration budgétaire, ce qui complique la gestion des finances publiques, la double fonction de certains agents, l’accord des indemnités kilométriques à certains cadres disposant de véhicules de fonction », fait remarquer cette Commission permanente des députés.

Cet organe donne l’exemple d’un comptable du ministère occupant également le poste de conseiller au cabinet du ministre et d’un cumul de responsabilités qui compromet l’efficacité de l’exécution de leurs tâches.

Une autre lacune révélée par cette commission concerne les départs pour motif de désertion, qui ne sont pas notifiés en temps réel au ministère de la Fonction Publique par les ministères sectoriels. En conséquence, les salaires des agents concernés se retrouvent toujours payés.

Selon cette Commission permanente des députés, l’inadéquation entre les emplois et les compétences des agents constitue également une source de dysfonctionnements.

« Certains employés ne maîtrisent pas leurs fonctions ni les outils techniques à leur disposition, et ces derniers ne sont pas à jour ». De plus, déplore cet organe, les conditions d’archivage des documents administratifs sont jugées lamentables et il manque un service dédié à la gestion des stocks et à l’approvisionnement, ce qui aggrave la situation.

Appel à la refonte profonde de la gestion des ressources humaines

Selon Aloys Baricako, président du parti Ranac, ces lacunes et manquements au sein du ministère de la Fonction Publique sont très inquiétants. Il salue l’honnêteté du ministre d’avoir reconnu ces problèmes, tout en soulignant la gravité de la situation.

Selon lui, dire que le ministère ne dispose pas d’une structure capable d’élaborer un budget, c’est quand même grave. « Cela fait un temps que le président de la République a commencé à mettre en place la politique de budget-programme, le PTBA, où tous les ministères devaient faire leur budget en respectant justement ce nouveau système ».

Il a également pointé du doigt les problèmes de corruption:« Vous savez qu’il y a des travailleurs fictifs qui sont payés, des salaires qui sortent pour des gens qui n’existent pas. »

En fait, souligne-t-il, après les enquêtes, j’ai entendu qu’il y a eu un groupe de gens, justement qui travaillent avec les cadres de ce ministère, qui ont mis en place un système de fonctionnaires fictifs, où ils se partageaient le budget.

Le président du Ranac explique que cette situation était due en partie à la résistance à l’informatisation des systèmes :
« C’est pourquoi la plupart des fonctionnaires ne voulaient pas justement ou ne veulent pas informatiser le système. Parce qu’une fois que le système sera bien informatisé, il sera très difficile de faire des tricheries ».

Pour remédier à cette situation, il préconise une collaboration renforcée entre les différents ministères : « afin de centraliser les données sur le personnel et éliminer les doublons ».

Il plaide également pour une digitalisation accélérée des processus administratifs, une mesure qu’il estime « essentielle pour éradiquer le phénomène des travailleurs fictifs ». Il appelle également à une rationalisation des effectifs, en insistant sur la nécessité de ne conserver que « le personnel compétent et productif ».

Selon lui, un personnel pléthorique, ça consomme un salaire sans raison d’être alors que le salaire, ça sort de l’argent des contribuables. Ce sont les impôts qui augmentent de jour en jour, les taxes qui augmentent, parce que finalement, on va payer un personnel qui ne fait rien.

« C’est un fardeau sur les épaules du citoyen burundais sur sa colline, qui doit payer des taxes, des impôts, pour faire vivre un personnel qui ne produit pas, ou qui n’existe pas ».

De bonnes conditions de travail pour stabiliser les travailleurs

Pour Jérémie Ndihokubwayo, représentant de l’organisation CACEDEBU, Cadre d’accompagnateur pour la création d’emploi et le développement économique au Burundi, entendre qu’un ministère chargé de la Fonction Publique peut ne pas avoir des employés suffisants et capables est étonnant.

« Nous voyons que ceux qui ont été à la tête de ce ministère ont négligé leur responsabilité ou bien ceux qui y travaillaient ne voulaient pas que leurs erreurs soient dévoilées pour leurs intérêts personnels », note-t-il.

Le président du CACEDEBU demande au ministre de la Fonction Publique de suivre de près la politique salariale pour que les fonctionnaires puissent travailler dans de bonnes conditions tout en leur fournissant du matériel nécessaire.

« Une mise en place d’une commission indépendante auprès du ministère pour un recensement général de tous les travailleurs est nécessaire pour éradiquer le paiement de salaires aux fonctionnaires fictifs et des sanctions exemplaires à ceux qui sont impliqués dans ces tricheries ».

Le président du parti Alliance Nationale pour la démocratie, Gaspard Kobako a exprimé ses préoccupations cruciales concernant la situation actuelle du ministère de la Fonction Publique burundaise. En tant qu’ancien gestionnaire de ce ministère, il a souligné l’importance de l’expertise, de la continuité administrative et des réformes nécessaires pour revitaliser l’administration. « Il est essentiel que le ministère puisse recourir aux expertises nécessaires pour combler ses lacunes ».

D’après lui, il est regrettable de vouloir se débarrasser de professionnels expérimentés simplement en raison de leur âge. Au lieu de cela, fait-il remarquer, il aurait fallu les garder pour former leurs successeurs, afin d’assurer la continuité de l’administration et par conséquent, de l’État.

Pour lui, le fait que le ministère ne maîtrise pas l’effectif de son personnel est un grave problème. « Cela contribue à la présence de fonctionnaires fictifs et complique la gestion des recrutements et des départs à la retraite, ce qui nuit au trésor public ».

Cet ancien ministre de la Fonction Publique rappelle qu’il avait proposé l’informatisation : « Mais mes recommandations n’ont pas été prises en compte, ce qui a conduit à une dégradation des services ».

Il fait savoir qu’autrefois reconnue comme l’une des meilleures administrations d’Afrique par l’OFPRA, la Fonction Publique burundaise est aujourd’hui en péril. « Il est crucial d’agir avant qu’il ne soit trop tard ».

Et d’ajouter : « Vingt ans après nos suggestions pour numériser les documents, nous constatons des pertes catastrophiques, notamment des archives endommagées ou perdues ».

Concernant la compatibilité entre emplois et compétences, cet ancien ministre de la Fonction Publique affirme que c’est essentiel : « Il est déplorable de constater que certains employés ne maîtrisent pas leurs fonctions. Cela témoigne d’une défaillance du système éducatif actuel, qui nécessite une réforme en profondeur ».

Malheureusement, déplore M. Kobako, nos critiques sur la formation professionnelle ont été mal interprétées, alors que nous plaidions pour des kits techniques permettant un apprentissage pratique.

Selon lui, il est urgent de former les employés sur le terrain et de réformer le système éducatif en réintroduisant des pratiques méthodologiques efficaces.

« Des formations intensives et systématiques doivent être mises en place, tout en recherchant des financements adéquats. Un recrutement par concours, conformément aux dispositions du statut général des fonctionnaires, garantirait l’entrée en service de personnes réellement compétentes », fait-il savoir. D’après lui, le ministre doit agir pour sauver la Fonction Publique avant qu’il ne soit trop tard.

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