Ce mercredi 7 octobre, les présidents de la RDC, du Rwanda, de l’Ouganda et de l’Angola ont dialogué par visioconférence à l’occasion d’un mini-sommet. Une discussion à laquelle le Burundi a tourné le dos.
Les chefs d’Etat congolais, rwandais, ougandais et angolais se sont réunis par visioconférence pendant trois heures ce mercredi 7 octobre. D’après le communiqué final, lu par la ministre congolaise des Affaires étrangères, Marie Tumba Nzeza, les quatre présidents ont réaffirmé leurs engagements conjoints dans la lutte contre « les forces négatives » œuvrant à l’est de la RDC.
« Ils ont condamné l’activisme des forces négatives dans la sous-région des Grands Lacs et réaffirmé leur volonté de militer pour le renforcement des capacités de mécanismes existants dans la sous-région afin de couper les forces négatives de leurs sources de financement », précise une source à l’intérieur de la présidence congolaise.
Et d’ajouter que Tshisekedi, Kagame, Museveni et Lourenço se sont aussi promis de lutter conjointement contre les réseaux mafieux tant régionaux qu’internationaux qui contribuent à l’exploitation et au commerce illicite des ressources naturelles dans la sous-région des Grands Lacs.
Un mini-sommet objet d’un report à maintes reprises
Le chef de l’État congolais Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo a informé, à l’issue d’un Conseil des ministres, en date du 5 septembre, qu’un mini-sommet se tiendrait à Goma entre les chefs d’Etat congolais, ougandais, rwandais, burundais et angolais.
Au menu de ce sommet qui devait se tenir le 13 septembre :
– La paix et la sécurité dans la région ;
– Les relations diplomatiques et politiques entre ces Etats ;
– La relance des activités économiques dans le contexte actuel de lutte contre la Covid-19.
Dans une note verbale du 8 septembre, Gitega a décliné l’invitation du président congolais, Félix Tshisekedi, au sommet de Goma qui devait réunir les présidents de la RDC, du Rwanda, de l’Angola, de l’Ouganda et du Burundi. « Suite à leur calendrier chargé, les plus hautes autorités burundaises ne pourront malheureusement pas participer aux travaux de ce sommet important, prévu du 09 au 13 septembre 2020 ».
D’après ce document, le gouvernement du Burundi estimait prioritaire, dans un premier temps, « l’organisation d’une rencontre bilatérale au niveau ministériel ». Les points à discuter seraient : la gestion des questions de sécurité à la frontière commune entre le Burundi et la RDC, promotion des échanges commerciaux entre les deux pays, la gestion de la pandémie de la Covid-19 ainsi que d’autres questions d’intérêt commun.
Interrogée sur l’authenticité de ce document, la porte-parole du ministre des Affaires étrangères, Sonia Niyubahwe, n’a ni confirmé ni infirmé. Elle a botté en touche : « Le ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération au Développement communique par la voie des canaux diplomatiques autorisés et non par les réseaux sociaux ».
Signalons que dans sa conférence publique du 6 septembre dernier, le président rwandais avait émis des doutes sur l’organisation de ce sommet dans le contexte de la pandémie de la Covid-19. Du côté de Goma, on commence à douter de la tenue de ce sommet.
Dans une note publiée le 12 septembre, les présidents du Rwanda, de l’Ouganda, de la RD. Congo et de l’Angola ont décliné l’invitation « préoccupés par la préparation de la 75e Assemblée générale des Nations Unies ».
Le ministère des Affaires étrangères congolaises a officialisé, ce jeudi 17 septembre, le report du Mini-Sommet qui devait réunir à Goma dans la province du Nord-Kivu le 20 septembre prochain, les Chefs d’Etat et de gouvernement du Rwanda, l’Ouganda, Burundi et d’Angola.
D’après le communiqué signé par Marie Ntumba Nzeza, ce mini-sommet se tiendra par visioconférence « à une date prochaine en raison des contraintes dues à la Covid-19 ».
Visite de la cheffe de la diplomatie congolaise au Burundi
Les deux chefs de la diplomatie burundaise et congolaise sont unanimes : il faut à tout prix mettre hors d’Etat de nuire les groupes armés pullulant à l’est de la RDC et à la frontière commune afin de renforcer les échanges commerciaux. Une position exprimée ce lundi 7 octobre à l’issue de leur rencontre.
« Les relations ont été mises à rudes épreuves par des forces négatives qui, profitant de la porosité de nos frontières communes, s’adonnent à des actes de déstabilisation ou aux crimes divers à l’intérieur de nos territoires respectifs », a reconnu Mme Marie Tumba Nzeza, ministre d’Etat congolais et ministre des Affaires étrangères.
Et comme conséquence, a-t-elle poursuivi, « ceci a suscité des attitudes de suspicion et de méfiance en lieu et place de la coopération, de la réalisation de projets d’intérêts communs ».
Pour la cheffe de la diplomatie congolaise, la RDC est victime de l’activisme des groupes armés tant nationaux qu’étrangers dans sa partie orientale. « La RDC ne saurait servir de base arrière ni de sanctuaire à ces forces négatives notamment à celles d’origine burundaise », a-t-elle avoué.
« Nous sommes très préoccupés par ces ’’forces négatives’’ et par le fait que nous devons absolument les neutraliser. Il y va du devenir de nos deux peuples et il y va du devenir de la sous-région », a-t-elle indiqué.
Selon la ministre congolaise des Relations extérieures, l’examen sur la situation sécuritaire de l’est de la RDC et le renforcement de la coopération pour éradiquer ‘’les forces négatives’’ qui pullulent dans cette région, font partie des grandes questions sur l’agenda du mini-sommet des Chefs des Etats de la sous-région initié par le président congolais Félix Tshisekedi.
Pour Mme Marie Tumba Nzeza, cette rencontre est une opportunité pour les chefs d’Etat du Rwanda, de l’Ouganda, de l’Angola, du Burundi et de la RDC pour évaluer sans complaisance la situation générale en lien avec la stabilité dans la région des Grands Lacs. « Je renouvelle l’invitation de rejoindre ce forum ».
Le ministre burundais des Affaires étrangères et de la Coopération pour le Développement, Albert Shingiro a plutôt, lui, insisté sur le renforcement des échanges commerciaux.
« Nous devons travailler étroitement ensemble pour promouvoir le commerce et la mobilité de nos populations à la frontière commune. Tout cela pour le bénéfice de nos peuples », a-t-il indiqué.
Mais comme préalable, souligne le chef de la diplomatie burundaise, « il faut travailler ensemble pour éradiquer et neutraliser ‘’les forces négatives’’ qui pullulent dans notre sous-région afin de donner à nos populations la paix et le développement qu’elles méritent », a-t-il indiqué.
>>Réactions des politiques
Gabriel Banzawitonde : « C’est une perte pour le pays »
Pour le président de l’APDR, les Etats qui se rencontrent aujourd’hui en visioconférence ne s’expriment pas dans un cadre connu, mais dans un cadre amical. Avant de rétropédaler par la suite : « C’est une perte pour le pays, car c’était une occasion de débattre de questions qui fâchent notamment le mauvais courant qui existe entre le Rwanda et le Burundi.»
Phénias Nigaba : « Nouer des liens avec l’extérieur, c’est prendre part à ce genre de sommet »
Selon Phénias Nigaba, porte-parole du parti Sahwanya Frodebu, le refus de participation du Burundi à ce mini-sommet entre en contradiction avec les vœux exprimés par le ministre Shingiro. « Notre ministre des Affaires étrangères avait assuré que nous ferions tout pour entretenir de bonnes relations avec le monde extérieur ». Selon le haut responsable du Sahwanya Frodebu, il y a un gouffre entre les propos tenus et les actes menés. « Nouer des liens avec l’extérieur, c’est notamment prendre part à ce genre de sommet». Phénias Nigaba parle également d’un cadre politique, économique et social qui permet de « séduire les partenaires » pour sortir de « notre isolement »
Après avoir insisté sur les bienfaits du dialogue, le porte-parole du Sahwanya Frodebu a conclu par cette maxime : « Du choc des idées jaillit la lumière.»
Olivier Nkurunziza : « le Burundi a jugé bon de résoudre ce conflit avec le Rwanda dans des liens d’abord bilatéraux »
Même s’il se félicite d’une amélioration des relations entre le Burundi et le Rwanda – collaboration entre le Burundi et le Rwanda dans le rapatriement des réfugiés de Mahama -, le SG de l’Uprona accuse le Rwanda d’abriter « des putschistes ». « Ce pays a donné refuge à des politiciens qui ont trempé dans le coup d’Etat de 2015 et cela constitue une épine qui empêche la poursuite des bonnes relations entre nos deux pays ». Et d’expliquer que le Burundi a sans doute jugé bon de résoudre ce conflit avec son voisin dans des liens d’abord bilatéraux.
Tatien Sibomana : « Si nous poursuivons dans l’isolement, je ne vois pas dans quel cadre nous trouverons des solutions ».
Pour un des ténors de l’Uprona non-gouvernementale, il est incompréhensible que le Burundi, qui a des questions à mettre sur la table, s’absente à ce genre de rencontre. « Ce sont des pays avec qui nous partageons les mêmes communautés et là je pense à la CEPGL, on partage aussi l’EAC (exceptés l’Angola et la RDC), ce sont des pays avec lesquels nous partageons bien des choses. C’est vraiment une perte pour le pays».
Le juriste Sibomana considère qu’à chaque fois qu’une telle occasion se présente pour soumettre les questions du moment, il faut en profiter. « Sinon, si nous poursuivons dans l’isolement, je ne vois pas dans quel cadre nous trouverons des solutions».
Sur les problèmes entre le Burundi et le Rwanda, Tatien Sibomana est sans équivoque : « Le Burundi se plaint de problèmes avec le Rwanda, d’infiltrations en provenance de la RDC. Mais tout cela doit être discuté dans un cadre déterminé. » Selon M. Sibomana, si des cadres sont créés pour que ces questions soient analysées en présence d’un témoin ou d’un facilitateur, il n’y a pas meilleur moyen pour traiter de ces questions. « Si nous nous absentons, quel sera le cadre idéal, pour le Burundi, pour exprimer ces questions pour qu’une solution soit trouvée ? », questionne Tatien Sibomana.
Eclairage
Pour H.M., politologue et spécialiste en relations internationales, le refus du Burundi de prendre part au mini-sommet de Goma traduit la profondeur de la crise entre le Burundi et le Rwanda. « Pour moi, loin de justifier ce refus, ça aurait été surprenant que le Burundi aille s’asseoir sur la même table avec le Rwanda en compagnie d’autres chefs d’Etat compte tenu des antécédents de la crise entre les deux pays ».
Le spécialiste en relations internationales insiste ensuite sur l’isolement qu’une telle absence engendre pour le Burundi : « Je souhaite que les autorités sentent cet isolement comme une contrainte. Cet isolement doit gêner, car il a un impact sur la vie nationale.»
Pour le politologue, l’arrivée d’un nouveau pouvoir devrait signifier une avancée par rapport à cette question. « Lorsqu’on regarde la configuration de nos institutions, lorsqu’on regarde ceux qui occupent des postes à responsabilité, sont-ils vraiment capables de prendre la mesure des enjeux diplomatiques, ouverts à la discussion et ouverts à la coopération avec d’autres pays ? », s’interroge H.M. Revenant au mini-sommet, il explique que c’est le genre d’occasions à ne pas rater : « Quand on y va, on n’y va pas pour faire la paix, même quand on y rencontre le Rwanda, mais pour défendre ses intérêts. C’est la realpolitik.» De cela, l’universitaire déduit que les autorités doivent prendre en compte les enjeux diplomatiques du moment. « La chaise vide n’a jamais été payante ».
Enfin, il souligne que le pays ne va pas se relever sur des bases uniquement internes : « Il faut aussi que les enjeux internationaux soient pris en compte parce que tout est imbriqué. »