Lors des journées consacrées au travail de la CNTB, Mgr Sérapion Bambonanire a brossé un tableau idyllique de la situation. Le président lui a renouvelé son soutien.
<doc6537|right>Le président de la CNTB a profité de l’occasion pour fustiger tous ceux qui qu’il appelle "ses détracteurs": certains hommes politiques et les médias. « C’est l’heure de vérité », prévient Mgr Sérapion Bambonanire, président de la CNTB, lundi, 17 décembre 2012 au King’s Conference Center, lors de l’ouverture des cérémonies des deux journées d’information sur les activités de la Commission.
Ce moment, Mgr Bambonanire l’a longtemps attendu, on peut le lire dans ses yeux. Et quelle fierté d’accueillir le président de la République: « Vous êtes au milieu de nous ce matin, pour confirmer devant le monde entier que la CNTB vous est chère et qu’elle n’est certainement pas ce monstre horrible et sanguinaire, que certains organes de presse et certains milieux politiques intéressés se plaisent à dépeindre aux yeux de l’opinion tant nationale qu’internationale. »
Une Commission juste, persécutée, martyre de la vérité
Mgr Bambonanire indique que pendant les six ans de l’existence de la commission, le travail est quantitativement et qualitativement impressionnant.
Mieux, grâce à la campagne acharnée de ses détracteurs menée à travers certains médias, la CNTB est aujourd’hui mieux connue au pays, dans les coins les plus reculés et à l’étranger : « Nombreux sont ceux qui n’hésitent pas à nous appeler, des justes persécutés, des martyrs de la vérité, des prophètes de la paix, des défenseurs des pauvres, des veuves et des orphelins. »
Des films documentaires sur les activités réalisées par la commission à Rumonge, Nyanza-Lac et Bubanza ont été ensuite projetés. Différents corps consulaires et diplomatiques, représentants des organisations internationales, des partis politiques, des confessions religieuses, de la société civile, etc. suivent attentivement. S’en suivent trois exposés des experts.
Apparemment, tout est blanc. La CNTB a réussi partout, aucune plainte, tous les témoignages ne vantent que ses mérites.
Pierre Nkurunziza : « Vous êtes incompris »
Mgr Bambonanire a trouvé un appui auprès du chef de l’Etat. Pierre Nkurunziza semble en phase avec la politique de la CNTB. Pour le président de la République, « les problèmes que rencontre la CNTB dans l’exercice de ses fonctions sont essentiellement dus au manque d’information, de sensibilisation de différents intervenants, à l’exploitation politicienne de son travail ou tout simplement à une désinformation savamment orchestrée. »
Le Président Nkurunziza déclarera que ces deux journées « viennent à point nommé car elles permettront à tout un chacun d’être informé sur le rôle de la CNTB et des défis liés au rétablissement du sinistré dans ses droits. » Et le numéro un de souhaiter aux différents invités une attention particulière pour les thèmes développés : « Ils visent la réconciliation du peuple. »
Mgr Bambonanire charge
Le président de la CNTB a prévenu. Son discours, il le voulait « provocateur. » Et il ne s’est pas gêné. Pour lui, toute cette histoire d’une CNTB qui travaille tellement mal qu’elle risque de conduire le pays dans la violence ne tient pas debout. Et de désigner les coupables : les médias et certains hommes politiques.
Une conspiration contre la CNTB
Mgr Bambonanire pensait que la campagne « décidément hostile de ces derniers temps était dû essentiellement au fait que la plupart de ceux qui sont en train de s’exprimer négativement aujourd’hui sur la CNTB la connaissent mal ou ne la connaissent pas du tout. », mais selon lui, il n’en est rien. « Ceux qui, pour des raisons connus d’eux-mêmes, ont choisi de se livrer systématiquement à un lynchage médiatique impitoyable », le font sciemment d’après lui : « En réfléchissant sur les idées développées par les uns et les autres, nous venons de comprendre qu’il y a quelque chose de bien plus inquiétant derrière leurs déclarations apparemment innocentes. »
Dans le collimateur …
Ancien homme politique, premier ministre de la Défense du Burundi, aujourd’hui actif dans l’institution des Bashingantahe, Zénon Nicayenzi a essuyé les attaques de Monseigneur. Le Mushingantahe avait indiqué [dans le journal Iwacu->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article4364] que le président de la CNTB constituait un danger pour l’Eglise catholique. Et Mgr Bambonanire de décrocher quelques flèches « contre ce porte-parole non mandaté par l’Eglise catholique » et les « les faux prophètes aux paroles mielleuses et les nombreux loups qui se font passer pour des agneaux. »
Puis viennent les « caisses de résonance choisies pour cet exercice de synchronisation mathématique », prenant à témoin la population burundaise contre le travail médiatique de ses détracteurs … Et de citer : la RPA, Bonesha Fm, TV Renaissance, le journal Iwacu, Net Presse, ainsi que « quelques sites internet de la même obédience. »
Il dénie même la qualité de « journaliste » à ceux qui parlent ou écrivent sur la CNTB car ils sont « désignés évidemment sur base de leurs capacités de déformer la réalité ou tout simplement d’inventer des titres injurieux tintés de sensationnalisme du type : « Le président de la CNTB, ange ou démon ? » ou « Mgr Sérapion ou la solution controversée ? », etc.
Il va plus loin. « La CNTB et son président sont devenus comme une drogue pour le public burundais à tel point qu’il n’y a pratiquement plus aucune émission radiophonique qui, pour se faire écouter, ne parle pas de la CNTB si possible comme d’un monstre ou au moins comme de la porte de tous les maux de la République.
<doc6536|left>Même un ancien chef d’Etat
Pour s’être exprimé, l’ancien président de la République Jean Baptiste Bagaza en prend pour son grade : « Sa signature repose éternellement sur la décision du 6 mai 1972 qui a condamné à mort des milliers d’innocents et en a envoyé des centaines d’autres en exil avec l’ordre de saisir leurs biens, meubles et immeubles », accuse le président de la CNTB.
Au cours d’une conférence de presse tenue il y a une semaine à Bujumbura, le sénateur Bagaza avait affirmé que la CNTB travaille mal aujourd’hui à cause d’une mauvaise loi qui lui permet d’exiger la restitution des biens sans tenir compte des droits de l’occupant. Selon le sénateur Bagaza, ce dernier est protégé par le principe juridique de la prescription trentenaire qu’il soit de mauvaise foi ou non.
Et bien sûr, l’Uprona
L’ancien parti unique n’est pas oublié. Le président de la CNTB soutient que « dans cette guerre à outrance contre la CNTB, il y a un parti qui, dès le début a donné le ton et a pris le flambeau. » Et d’ajouter : « Ce parti a porté des accusations contre nous. Il a exigé la démission du président de la CNTB même pour des fautes commises par certaines autorités administratives ou par ceux qui donnent des parcelles dans les villages de paix. »
Mgr Bambonanire accuse l’Uprona de l’avoir traité de « virus », « de psychopathe » qui devrait faire « une cure chez un neuropsychiatre. » Et de renchérir : « Voilà ce que nos détracteurs continuent de raconter jusque dans les grandes chancelleries de ce monde, qui malheureusement leur prêtent une oreille attentive et probablement tombent dans leur piège et les croient. »
… ainsi que l’actuel 2ème vice-président du Sénat
Je vais crever l’abcès. L’abbé Kana quand il a commencé, il avait 23 membres. De ces 23, il n’y avait pas d’équilibre. Ceux qui faisaient partie de son équipe peuvent me contredire. Combien d’Hutus et combien de Tutsis ? En tout cas, un déséquilibre frappant et tous le savent. L’abbé Astère Kana est tombé malade. Son vice-président, l’actuel 2ème vice du Sénat, a pris les affaires en main. A ce moment-là, la commission était sous la tutelle de la 1ère vice-présidence Uprona. C’est normal qu’on dise que M.Niyongabo travaillait très bien. Tandis qu’aujourd’hui, Mgr Sérapion n’est pas de l’Uprona, ni du Cndd-Fdd. Il est du parti de Dieu et la CNTB est sous la tutelle de la présidence de la République. Il doit nécessairement mal travailler. Vous comprenez le hic. De grâce, c’est un pieux mensonge. Nous deux, travaillons conformément à loi qui nous régit. Moi je travaille sous la loi 3ème version et lui, la 1ère version. La différence réside entre les deux lois qui nous régissent. »
L’impossible guerre
Pour le président de la CNTB, la seule guerre qu’il craint est « celle des sinistrés, dss laissés pour compte qui, après 40 ans d’injustice et de frustration, se voient refuser l’accès à leurs terres, leurs maisons et leurs biens. Cette guerre-là, elle est possible. » Mais, il s’est empressé de préciser que même si elle est possible, cette 2ème guerre n’aura pas lieu car la CNTB est en train de travailler d’arrache-pied et avec conviction pour que les sinistrés qui tenteraient de recourir à la violence soient rétablis dans leurs droits. « Les gens, même mes détracteurs, savent qu’aucune personne censée ne peut pas décider de mettre le pays à feu et à sang parce que la CNTB leur demande de restituer un bien qui ne leur a jamais appartenu », rétorque-t-il.
Il demande à ses détracteurs, présents sur les lieux, de lui démontrer au cas par cas, le fondement des accusations qu’ils ne cessent de porter contre la CNTB. « L’heure de la vérité, c’est celle-ci », assure-t-il.
Il a déclaré prêt à prouver, séance tenante, que la CNTB a « une explication pour chaque décision prise jusqu’ici. Nous avons la certitude qu’aucune d’entre elle ne pourra jamais justifier le recours à la violence ou le déclenchement d’une nouvelle guerre dans notre pays. Si donc comme l’affirment nos détracteurs, une nouvelle guerre est imminente à cause de la CNTB, il leur revient de dire à la nation, qui d’autre est en train de la préparer et contre qui elle est dirigée. »
<doc6538|right>Uprona : "CNTB oui, Sérapion non !"
Présent à l’ouverture des journées d’information sur les activités de la CNTB, Bonaventure Niyoyankana ne cache pas son amertume face au comportement de celui qu’il appelle "M. Sérapion, le président de la CNTB" et qu’il juge "très dangereux" : " Il veut présenter les problèmes dont il est l’auteur comme un conflit entre l’Uprona et la CNTB. Mais ce n’est pas le cas, parce que l’Uprona est parmi les partis politiques qui ont tout fait pour que la CNTB puisse exister", indique d’emblée Bonaventure Niyoyankana. Nous avons un problème avec le comportement de cet homme qui, finalement, ajoute-t-il, a changé, pour ses fins personnelles, les missions de la CNTB. Pour M. Niyoyankana, M. Sérapion s’est lui-même confondu à la CNTB qui est une institution républicaine respectée, qui doit fonctionner convenablement, pour le bien de toute la population. Selon lui, la seule contrainte à ce bon fonctionnement est la personne de Sérapion Bambonanire, qu’on ne peut plus qualifier de monseigneur ou de président.
« Avec son langage peu réconciliateur, il s’adonne à diaboliser les autres », remarque M. Niyoyankana. A commencer par un ancien président de la République du Burundi, Jean Baptiste Bagaza, et le vice-président du Sénat qui fut également celui de la CNTB, Pontien Niyongabo. Celui-ci, d’après Mgr Bambonanire, aurait profité de la maladie de son supérieur, l’abbé Kana, pour prendre des décisions illégales. Pourtant, souligne M. Niyoyankana, ce sont, en fait, les litiges tranchés par l’abbé Kana qui ont fait l’objet d’un recours orchestré par les agents de la CNTB. « A tel point que, maintenant, ces agents décident, sous l’instruction de M. Sérapion, quel cas doit être revu. » La majorité de ces cas avaient été réglés par un arrangement à l’amiable. Mais, poursuit le député uproniste, Sérapion a déjà affirmé qu’il roule seulement pour les rapatriés.
"L’intimidation comme arme"
« Il a dévié complètement de l’objet de la réunion et a lu plus de 10 pages pleines d’intimidation, d’insultes, de diabolisation à l’égard de l’Uprona et d’anciens dirigeants de ce pays, dans ce qu’il a lui-même qualifié de discours provocateur », indique Bonaventure Niyoyankana. Il ne comprend pas un Sérapion qui ose dire que le mushingantahe Zénon Nicayenzi n’a pas le droit de s’exprimer sur la question des terres et autres biens, et lui demande d’avoir la procuration d’une partie ou de l’autre.
Pour l’ancien dirigeant de l’Uprona, le seul vocabulaire que le président de la CNTB connaît est l’intimidation. Il indique qu’au niveau de la commission, les décisions sont, en principe, prises par consensus, mais ne pense pas que ce soit le cas maintenant. « Ce qui intéresse Mgr Sérapion, ce n’est pas ce consensus, mais l’orientation qu’il donne aux dossiers. C’est ainsi que, au niveau des provinces, tous les présidents des délégations sont des fanatiques qui suivent à la lettre son orientation de Sérapion. »
Pour M. Niyoyankana, c’est pour cela qu’on ne peut comparer la CNTB de l’abbé Kana et celle d’aujourd’hui : « Autant Sérapion a déclaré qu’il ne peut être comparé à quelqu’un qui est mort et qui n’a pas d’avis, autant ne peut-on comparer un ange à un démon, une personne juste à une autre qui veut diviser les gens. »
Ainsi, par exemple, se souvient le député uproniste, dans une discussion avec des déplacés où il leur demandait pourquoi ils ne veulent pas retourner sur leurs collines, ces derniers ont répondu qu’ils se sentent protégés par les forces de l’ordre présentes sur les sites. Et Sérapion de leur rappeler : « Ces gens qui vous protègent sont ceux que vous appeliez assaillants hier. Vous n’êtes donc pas protégés ! »
Vital Bambanze, sénateur et ancien membre de la CNTB : « Dès qu’on était nommé à la CNTB on devenait impartial, guidé par le seul esprit de réconciliation. Ce serai mentir que de dire qu’une seule personne, fusse-t-elle le président ou son adjoint, pouvait influencer les décisions de la commission. Quand les parties rejetaient les propositions de jugements des délégations provinciales, celles-ci amenaient ces dossiers traités à la CNTB où ils étaient analysés en plénière par tous les 23 membres de la CNTB, dans des débats présidés par le président ou son adjoint. S’il s’avérait que des éléments manquent au dossier, la délégation retournait sur le terrain, ou proposait aux parties la décision prise par consensus par la commission, avec le droit de faire appel en justice. Il est vrai que beaucoup de dossiers, sous l’abbé Kana, ont eu un jugement à l’amiable, à la joie de toutes les parties. Mais Pontien Niyongabo ne pouvait pas dicter ses desideratas, vu le fonctionnement de la commission et la façon dont les décisions sont prises. »