Les accusations gratuites entre groupes d’appartenance surtout en période électorale, portent préjudice à la cohésion sociale. Elles conduisent à la violence de masse. Mgr Jean-Louis Nahimana, chargé de la Commission Justice et Paix à l’Archidiocèse de Bujumbura s’exprime.
Que peut-on entendre par ‘’accusations gratuites’’ ?
Il s’agit d’un langage basé sur des prétextes pour écarter ou exclure les autres. Les membres d’un seul groupe ou d’une catégorie trouvent des prétextes fallacieux pour montrer que les autres ne valent rien, qu’ils sont à l’origine de leurs maux. Des propos qui déshumanisent l’autre catégorie.
Par exemple ?
Certains sont considérés comme des traîtres qui complotent contre le pays. Les membres d’un seul groupe montrent qu’ils sont les seuls patriotes. C’est souvent quand la société est en crise. Tout évènement trouve une explication.
Et les auteurs ferment les yeux sur leurs propres responsabilités. C’est un langage utilisé quand les gens sont à la recherche d’intérêts individuels. Il y a des séquences historiques où le Burundi a subi des violations graves des droits de l’homme. Citons les années 1965, 1969.
Et 1972 a été le sommet de la violence suivi de Ntega-Marangara en 1988. Et depuis 1993 à nos jours, nous avons connu une guerre civile fratricide. Les deux grandes communautés à savoir les tutsis et les hutus ne font que s’accuser mutuellement au lieu de regarder vers l’avenir et penser à la réconciliation.
Quand est-ce qu’un tel langage est souvent utilisé ?
C’est en période électorale dans des pays qui ont connu des divisions à grande échelle et de nature ethnique comme le nôtre. Les acteurs politiques ont peur de perdre leurs postes.
Comment procèdent-ils ?
Pour y parvenir, ils font recours à la discréditation des adversaires afin de les exclure. Tout cela pour leurs intérêts sans se soucier du bien de la nation.
Un prétexte pour confisquer la gestion du pays, de la société en montrant que les autres sont plutôt des vermines qui ne valent rien, qui n’ont aucun droit, des obstacles à éliminer.
En période de crise, la politique du bouc-émissaire est très pratiquée. Et ce, au lieu de regarder en face la situation et reconnaître notre propre responsabilité.
S’il y a des massacres, ces sont des Burundais qui s’entretuent. Mais vous entendrez souvent dire que c’est le colonisateur. Je ne les dédouane pas car ils ont aussi une part de responsabilité.
Qu’est-il des conséquences ?
Les membres d’un groupe indexés ne peuvent pas rester les bras croisés. S’ils ne réagissent pas dans l’immédiat, on considère que c’est fini. Mais, ils continuent à digérer ces accusations de façon qu’à la fin, la colère éclate.
Les gens marginalisés disent nous en avons assez. Des accusations infondées débouchent aux rebellions, aux révoltes, aux révolutions et la désobéissance civile. Ce qui fait naître des violences de masse et des crises cycliques comme on en a connu dans le passé.
Que faire alors pour prévenir des violences ?
Chacun a une part de responsabilité. Il faut regarder la situation en face pour trouver une issue. Si nous n’acceptons pas de faire l’introspection, l’autocritique pour dégager notre propre responsabilité, il nous sera difficile de ramener la paix et la stabilité.
Concrètement…
Il faut un respect mutuel et adopter les valeurs d’Ubuntu (humanité). Il est important aussi de s’abstenir de tout acte de violence. Ce qui nous permettra de construire un Burundi meilleur, une société juste et prospère.