Samedi 23 novembre 2024

Editorial

« Memento mori»

07/11/2014 26

Antoine KaburaheOn raconte que dans la Rome antique, les généraux de retour de leurs expéditions victorieuses, paradaient en ville mais prenaient soin de mettre à leur côtés, un esclave, qui murmurait à leur oreille « Memento mori» (Rappelle- toi que tu mourras). Une façon d’éviter que le pouvoir leur monte trop la tête …
Apparemment, il a manqué à l’oreille de Blaise Compaoré une voix pour lui susurrer « raccroche, 27 ans, c’est assez, c’est trop, tu n’es pas irremplaçable…»

Hier comme aujourd’hui, c’est cette voix de la raison qui manque à nos princes. Souvent coupés de la réalité, retranchés dans leurs palais où ils ne manquent de rien, ils vivent entourés de courtisans prédateurs qui leur répètent qu’ils sont les meilleurs, que sans eux le pays s’effondrerait…Aveugles, ils comprennent trop tard que la patience d’un peuple a des limites.

Blaise Compaoré pensait avoir affaire à des « moutons » 27 ans de pouvoir lui ont donné cette illusion. Aujourd’hui les analyses rivalisent pour « expliquer» théories politiques à l’appui, les raisons du succès du « printemps » burkinabè

Mais un journaliste de ce pays m’a donné une explication très simple. D’après lui, cette « révolution» a réussi parce qu’elle n’était pas … préparée ! Personne n’a vu le coup venir parce que justement il n’y avait pas de plan, de stratégie arrêtée. D’ailleurs, d’après mon collègue Burkinabè ; s’il avait eu des préparatifs, la machine répressive de Compaoré aurait fonctionné. « C’est une prise de conscience soudaine qui s’est imposée pour devenir une évidence : les gens ont dit « il doit quitter». Le mouvement était tellement fort que rien ne pouvait l’arrêter. On connait la suite…

Dans plusieurs pays d’Afrique, surtout ceux où les présidents ont cette fâcheuse tendance à vouloir s’éterniser au pouvoir, la « révolution des balais » a frappé les esprits.
Tous ces peuples se sont pris à rêver. Les mêmes causes produisent les mêmes effets? Pas toujours. Pas partout. Chaque peuple est différent. Mais avec le désespoir, la misère, les horizons bouchés, surtout pour la jeunesse, le ras-le bol peut jaillir et, comme une lame de fond, emporter même un système réputé imprenable. Désormais, nous savons que c’est possible, qu’une force sommeille en nous.

C’est à mon avis la plus grande leçon de nos frères Burkinabès
Les princes africains aux mandats présidentiels élastiques, à l’instar des généraux romains ; devraient toujours se souvenir de cette petite phrase : «Memento mori»

Forum des lecteurs d'Iwacu

26 réactions
  1. leopold NZORIJANA

    Merci de nous rappeler les lettres classiques et le latin! C’est bien de se ressourcer dans une langue que les paresseux litteraires qualifient de langue morte alors que le latin se metamorphose dans toutes les langues.j’ai ete stupefait de retrouver le mot impedimentum et impedimenta en anglais. Monsieur Kaburahe, merci.

  2. Sentare Clemence

    Ndabaramukije.
    Tugire clemence en faveur des dirigeants actuels comme nous en avons donnee a leur predecesseurs, duce dutangura a zero hanyuma tugire amahoro iyindi myaka 20. Car 20 ans d’accalmie vallent mieux que 0.

    N’oublions pas qu’ils sont menaces, par eux memes malheureusement, a cause des actes qu’ils posent chaque jour.

  3. Ndayambaje PC

    Tres bien dit Tony. Mais il faudrait aussi, a mon avis, saluer la « complicite » des forces de l’ordre au Faso. Rappelez-vous de ce qui se passe en Syrie, ou ce qui s’est passe en Libye, avant que le Leader ne tombe

  4. Jean-Pierre

    La démocratie a mis 2 siècles pour s’installer dans le monde occidental. Les erreurs et autres faux pas sont normaux pour nos peuples. Le problème c’est quand nos princes se prennent pour des fils unique de Dieu alos que Jésus pour les croyants a existé voilà déjà plus 2000 ans. Les Burkinabés l’ont bien compris. On leur doit du respect.

  5. Uwarugwanye

    Il n’y a pas de peuple- moutons. Encore moins au Burundi. Un exemple? Octobre 1993, le peuple burundais a surpris les officiers putschistes par sa réaction spontanée, même si l’irréparable était déjà commis (assassinat du président). Je préviens ceux qui rêvent un putsch constitutionnel. On les tient à l’oeil.

    • Jac Sentore

      @Uwutarugwanye,

      Memento mori!

    • Bayaga

      Surpris par sa réaction spontanée ???? On verra bien si c’était spontané ou planifié à l’avance par le Palipehutu et le Frodebu-aile dure de Nyangoma, et enseigné dans toutes les contrées où il y avait des tutsis mais sans base militaire tout proche. Voilà pourquoi on ne veut pas la Commission Vérité-Réconciliation, beaucoup de nos dirigeants ont le sang sur les mains. Et ils continuent d’égorger quinconque ose s’opposer à leur enrichissement illicite. Si Minani est candidat, on sortira la cassette. Avec les médias sociaux aujourd’hui, on verra comment il va expliquer cet appel aux massacres des tutsis pour résister à l’armée.

    • Vuvuzela

      Uwarugwane,
      Waruvuze neza nuko uhereje kuri un seul « irreparable » alors qu’il y’en a eu 2 suite a la reaction « spontanee » du peuple.

      Quand on parle d’irreparables, ayons le courage de les denoncer tous sans discrimination.

  6. Mutima

    Tous ces sous-entendus, ces insinuations et ces élevations aux titres de « princes » sont-ils là pour viser Nkurunziza et le CNDD-FDD? Parce que je crois que dans un contexte autre que celui de le dénoncer, certains vous auraient crucifié pour avoir osé considéré Nkurunziza parmi les princes! Et c’est là où réside tout cet égarement.

    Certains prennent leurs rêves et leurs souhaits pour des réalités. Sauf que ce sont des illusions! Les médias et les piliticiens créent et entretiennent ces désorientations chez leurs fidèles parce que, sans doute pour des intérêts aussi variés qu’obscures, ils (médias et politiciens) jugent que c’est ce qu’ils (les fidèles) ont envie et besoin de savoir.

    Mais ils oublient que la réalité n’est ni un besoin, ni une envie : c’est un ensemble de faits observables qu’il faut mettre le plus tôt possible en évidence…

    Si on se limite à une seule comparaison de Nkurunziza et Compaoré, voici la principale différence : l’illusion. Et je donnerai un seul exemple, qui je pense est le fondement même de cette chute du président burkinabé… Compaoré a peut-être perçu que son peuple l’aimait et qu’il était encore populaire, mais c’était une illusion! Quant à Nkurunziza, même si on est sûr qu’il y a des gens qui ne l’aiment point et crucifierait toute personne qui oserait l’appeler un prince, on sait également que la majorité de la population, faim dans le ventre et/ou soif dans la gorge, n’hésiterait pas à le réélire, que sa candidature soit légale ou pas!… Ça je peux vous garantir que c’est une réalité!

    Alors dans l’état actuel de cette illusion/ réalité, les gens qui pensent et/ou projettent de faire tomber le pouvoir actuel ont un long et ardu travail à accomplir pour convaincre cette population de les suivre dans leur bésogne!…

    Je voudrais quand même servir une mise en garde à ceux qui voudaient s’en prendre à notre prince « mal-aimé » autrement que par les urnes : je n’ai pas besoin de vous parler des conséquences qui ont découlé de l’assassinat de l’autre prince « mal aimé », en 1993!… Ne pensez donc pas uniquement aux causes, il y a aussi les effets et les conséquences!

    Comme vous aimez le dire, seule la population peut vous sortir de « votre » galère!… Mais ce sera seulement et seulement si vous parvenez à la convaincre! Et bonne chance!!!

    S’il y a des masses qui peuvent se soulever contre la tyrannie comme au Burkina Faso, il y a aussi des masses qui peuvent se lever pour défendre leurs héros, leurs acquis et … leur prince!

    C’était juste une part de ce que je pense être la réalité… Mais qui sait réellement! C’est peut-être aussi une autre illusion!…

    • uwubizi

      @Mutima
      Vous avez bien terminé votre assertion par ces mots: »….. Mais qui sait réellement! C’est peut-être aussi une autre illusion!… » et je crois que vous avez raison.
      En effet, Compaoré, s’il avait réussi à changer la constitution, le reste aurait été comme de l’eau à boire pour lui: la majorité des électeurs( des villages lointains allaient voter pour lui).
      Est ce que cette masse de paysans n’était pas présente au pays quand ce prince a été chassé?
      C’est cela l’autre illusion qui risque d’emporter un autre prince d’une république bananière: »j’ai le peuple avec moi… pensez à vos familles… » mon œil!
      Ces fameux princes sont chassés par une jeunesse citadine qui en a ras le bol et quand cela marche il n’y a plus rien à faire… Vaut mieux prévenir que guérir si vous voyez ce que je veux dire!

      • Mutima

        @Uwubizi
        Que ça marche ou que ça ne marche pas n’a aucune importance… Mais je vous garantis qu’il y aurait tout à refaire contrairement à ce que vous dites! Personne ne peut prédire la réaction de deux masses, en colère, opposées!…

        Quand ça ne marche pas, il y aura la tentative qui sera réprimée par ceux-là mêmes qui étaient dans le viseur; et si ça marche, rien ne garantit que les nouveaux responsables feront mieux que les anciens ou si ces anciens et/ou leurs fidèles ne voudront pas justement s’appuyer sur cette majorité fidèle et désillusionnée pour créer un autre « ordre chaotique ». Nous avons des références périodiques dans l’histoire du Burundi et ailleurs qui malheureusement le démontrent avec une impressionnante éloquence… 1972, 1988, 1993, Rwanda, Libye, Egypte…

        Ce n’est pas tant le pendant qui est plus important et plus difficile à gérer, mais l’après! Et l’après, ce sont les conséquences! Et elles sont toujours impitoyables, imprévisibles, et proportionnelles à la gravité des actes qui ont été commis!…

        Les mêmes actions produisent les mêmes effets!… Il serait peut-être temps de recycler ces vieilles idées ou de les jeter carrément aux rebuts au lieu de les enseigner à ces jeunes…

        On ne mesure pas le succès d’une action par son déroulement, mais par les effets et les résultats qu’elle produit!… Que ce soit à court, moyen ou long terme!…

        Si seulement on pensait à cela avant qu’il soit trop tard!… Là je crois que c’est moi qui me fais des illusions!…

    • M A S

      Frere/Soeur,
      Turi munsi y’ijuru, TOUT ce qui se fait ici n’est pas uniquement la volonte des princes…UN AUTRE TOUT TOUT PUISSANT veille sur tous (cette fois-ci) aussi.
      Masses deriere, il y en a a gogo c’est vrai…mais investir en machettes et armes pourquoi alors?????? Erreur de ma part plutot, qui ne risque rien n’a rien!!!! A Makamba, pleine de masse derriere. Le jour de planter les bananiers le long de la route Nyanza-Lac – Makamba (+/- 42 Km?? pas sur), toute la population etait la pour l’activite. Le jour de la fete, un match etait prevu comme d’habitude, huuumm, tres tres peu de spectateurs se presente. Surpris, le match n’aura pas lieu…..pourtant, la population locale est reputee etre grand-amateur du ballon rond. Tres complique cette histoire de controler les masses tout de meme!!!!

  7. di

    donnez vous 6mois et vous m’en direz des nouvelles.je le reaffirme le faso est entrain de perdre sa revolution faute de vrai leader qui mette en avant les interet des burkinabes avant celui des francais…meme l’opposition dans sa 1ere declaration a di qu’il devait prendre en consideration les partenaire qui oeuvre au burkina(sur rfi).est ce vraiment le moment opportun de venere ceux qui travaille avec leur bourreau???

  8. Terimbere

    On finira un jour par connaitre exactement ce qui s’est passe au Burkina!
    Pour l’instant, on peut seulement avancer certaines hypothèses!
    Compaoré, ami des occidentaux, s’était permis de critiquer voir ridiculiser le President Obama en affirmant que l’Afrique a besoin des hommes forts!
    Il a en plus ignoré les conseils de Hollande qui lui proposait de quitter le pouvoir et de prendre un poste international!
    Etant à la tête d’un pays pauvre, sa marge de manoeuvre était très étroite!
    Le President Hollande a déclaré que la France a tout fait pour trouver un compromis entre Compaoré et l’armée! Cela veut dire ce que ça veut dire, si vous comprenez bien cette langue!!!!
    Cette révolution, était bel et bien préparée, et était sure, mais les meneurs sont toujours discrets!!!
    Une chose est sure, Compaore, s’il l’avait pu, il n’aurait pas hésité à ordonner son armée pour liquider les manifestants afin de sauvegarder son pouvoir, heureusement il ne le pouvait plus! Mais alors pourquoi???!!!
    C’est là la question!!!

  9. KABURENTE Pierre

    Il manque cruellement ce « SAMANDARI ». Memento mori. Quelle belle phrase!!. Si et seulement si tout le monde prenait cette belle phrase pour maxime.

  10. Manamba Esdras

    Le pouvoir corrompt et c’est une realite. Pour eviter la corruption du pouvoir il faut s’en eloigner. Or la chair ne le peut pas. A qui la faute alors?
    Wawundi ati « irabweja igakonwa yakonwa ikabweja ». Le Saint esprit lui et lui seul peut guider la conscience des princes « libres  » pour leur dire qu’il est temps de partir, sinon….. Quand ce moment arrive la grande illumination est de ne pas demander avis aux quemandeurs!Ils remarquent ton depart quand c’est trop tard pour eux de s’y opposer>Prions.

  11. Jac Sentore

    « L’Union africaine aurait pu, à des moments cruciaux du pays, témoigner sa fraternité au peuple burkinabè mais elle n’a pas été à la hauteur », a ainsi déclaré Isaac Zida.

    Ce machine de l’UA devrait la fermer parce qu’elle ne serve à rien aux peuples d’Afrique!

  12. Jac Sentore

    « Memento mori » un très beau mot! J’en ai fait mon devise.
    Sinon; aux gars du CNDD-FDD; « MEMENTO MORI »

    • Memento

      Eh oui, on peut mourir de vouloir être immortel!

  13. totoza Saïd saleh

    C’est un édito super, bravo. Ntivyizana bien sûr , continuez à prêcher, je suis sûr que ce n’est pas dans le désert. « Il y a plus fort que la glaive, l’esprit. »

  14. Rufyirigufyina

    Bel édito. mais nos princes dévoyés lisent-ils? Je ne crois pas.

  15. Citoyen(2)

    hum….ikibwirwa ni icumva icerekwa ni ikibona.

  16. di

    malheureusement leur « printemps »n’a dure qu’un feu de paille.les realites politique et geopolitiques les ont tout 2 suite ratrappe.voila un general a la tete du pays.c’est comme si vladimir poutine se faisait chasse du kremlin par medved.rigolo…..

    • Democrate

      Est ce que tu suis l’actualité ou te le fais exprès histoire de montrer que toutes les révolutions finissent mal. Juste après les quelques jours de cacophonie (inévitables, à qui la faute?), la classe politique burkinabé, l’armé et la société civile se sont convenus sur une transition d’un an dirigé par un « ‘CIVIL » et des élections libres, transparentes et inclusives (vraiment, pas comme chez nous où c’est juste des slogans) . Alors ce pays connaît certes des problèmes (encore une fois à qui la faute?) mais on peut dire sans se tromper qu’il est sur la bonne voie!!! Tu as vu les images des ouagalais quand il sont descendus après la manifestation qui a chassé Compaoré?Tu as vu comment ils ont refusé que « leur » révolution » leur soit volé par l’armée? Un peu de respect pour le peuple burkinabé, l’Afrique noire entière est toute entière redevable à ce grand peuple. Si tu ne vois pas (ou ne veut/peut pas voir) l’impact de ce qui s’est passé ce 31 octobre 2014, tu le verras bientôt.

    • Sylvestre

      La transition avec à sa tête une personnalité de consensus se prépare à un rythme acceptable et sûrement. Que Dieu Bénisse le Burkina Faso et inspire la sagesse à nos princes!!
      Merci à Kaburahe pour cette leçon d’humilité et de réalisme qui manque malheureusement à certains présidents « Version Mamane de RFI ».

  17. di

    malheureusement leur « printemps »n’a dure qu’un feu de paille.les realites politique et geopolitiques les ont tout 2 suite ratrappe.voila un general a la tete du pays.c’est comme si vladimir poutine se faisait chasse du kremlin par medved.rigolo…

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.