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Melchior Ndadaye : déni de justice

05/06/2013 Commentaires fermés sur Melchior Ndadaye : déni de justice

18 ans après l’assassinat du Président Melchior Ndadaye, la justice n’a toujours pas clôturé le procès. Comme si on voulait classer le dossier sans suite. Pour la partie civile et ses proches, il y a anguille sous roche. <doc1695|left>Dans la nuit du 20 au 21 octobre 1993, Melchior Ndadaye, le premier Président de la République du Burundi démocratiquement élu, est arrêté par des militaires pour être assassiné le lendemain, après trois mois passés à la tête de l’Etat. Le coup d’Etat est caractérisé par l’existence de conspirateurs plus ou moins actifs, en particulier dans le haut commandement de l’armée. Des poursuites sont organisées en 1996, sans convaincre la partie civile, constituée de la veuve de Ndadaye, du Frodebu et des personnalités qui avaient perdu les leurs dans le putsch. Un recours sera introduit, mais sans suite. Léonce Ngendakumana, président du Frodebu et ancien compagnon de Ndadaye, reste convaincu que le dossier sur cet assassinat a été classé sans suite par le pouvoir en place. En effet, explique-t-il, en procédant à la libération des présumés coupables, jugés au premier degré, le pouvoir de Pierre Nkurunziza les a du coup blanchis. M. Ngendakumana ajoute que le Ministère public, à l’époque de l’ouverture de ce dossier, l’a qualifié d’assassinat de Ndadaye, comme individu, et non comme Président de la République. D’après lui, cela a été fait exprès pour protéger les commanditaires de son assassinat : « Jean Bosco Butasi, procureur général de la République à l’époque, n’était pas censé ignorer la loi. » Léonce Ngendakumana reconnaît également l’incapacité ou la faiblesse du parti de Melchior Ndadaye, à cette époque ; car on n’a pas pu aller jusqu’au bout de cette affaire : « Nous ne contrôlions pas tous les outils du pouvoir (l’armée et la justice). De surcroît, la guerre s’est alors intensifiée. Il fallait stopper les violences et rétablir la sécurité. » Des actes quand même louables 7 décembre 2006. Le Parlement burundais consacre feu Président Melchior Ndadaye comme Héros National de la Démocratie. Sa famille bénéficiera des avantages octroyés par le gouvernement et qui sont restés secrets. Avril 2006, le Président Pierre Nkurunziza dépose la première pierre pour inaugurer les travaux de construction d’une maison d’habitation des parents de feu Ndadaye. Le chantier durera deux mois, mais Ndadaye père n’en jouira pas, étant mort plus d’un mois (le 18 juillet 2005) après la pendaison de la crémaillère en juin de la même année. Alors que le pouvoir du Frodebu n’y avait pas encore songé, Léonce Ngendakumana lui, estime que tous ces actes relèvent d’une pure et simple manipulation du pouvoir : «Les autorités actuelles agissent contre les traces de l’héritage du Héros de la démocratie : le non respect de la dignité humaine, violations par excellence des principes démocratiques, etc. » Une lenteur suspecte Côté judiciaire toujours, Me Alexandre Simbizi, collaborateur de Me Fabien Segatwa, avocat de la partie civile, assure que le dossier Ndadaye n’est pas encore terminé. Il indique qu’il y a certes eu un jugement au premier degré, rendu par la Cour Suprême, mais ce jugement a été contesté par le Ministère public et, surtout, la partie civile. Un appel a donc été interjeté devant la même Cour, mais cette fois-ci siégeant toutes chambres réunies. Mais, poursuit Me Simbizi, comme à l’époque presque tous les magistrats de la Cour suprême avaient participé à l’instruction de ce dossier, ils ne pouvaient pas siéger en appel. Il a donc fallu attendre qu’il y ait complément de juges pour continuer ce dossier. Mais, jusqu’aujourd’hui, s’étonne-t-il, le dossier n’est pas poursuivi alors que tous les éléments sont là. Me Alexandre ne comprend pas pourquoi les autorités judiciaires ne traitent pas avec célérité ce dossier pour qu’il soit définitivement clôturé. <doc1696|right>En attendant la CVR… ou la prescription Pour lui, une des raisons qui explique cette lenteur serait l’Accord d’Arusha qui a provisoirement mis une croix sur l’instruction des affaires liées aux différentes crises, y compris celles de 1993 : « Par conséquent, ce dossier, qui est lié à cette crise, doit aussi attendre la Commission Vérité et Réconciliation », pense Me Alexandre Simbizi. Pourtant, le président du parti Sahwanya Frodebu indique que cela n’est pas possible dans la mesure où la vérité sur cette affaire est déjà connue. Cependant, en principe, sauf si la partie civile le demande, il n’y a pas de raison qu’un dossier régulièrement introduit devant une juridiction ne soit pas tranché Et, d’après l’ambassadeur Laurent Kavakure, président du Comité technique chargé de la préparation de la mise en place de la CVR, « le Président Ndadaye est mort pour le pays. Donc, le procès reste pendant devant la Cour suprême. » Il croit néanmoins savoir que, sur demande de la partie civile, la poursuite de l’affaire Ndadaye est envisageable: « Toutes les victimes innocentes doivent être réhabilitées, reconnues et réparées. »  Le seul risque est que cette lenteur puisse plutôt entraîner la prescription de l’action publique* dans certains chefs d’accusation. Dans ce dossier, il y a sûrement plusieurs catégories d’infractions. Et, la procédure pénale étant individuelle, certaines personnes qui n’ont pas encore été poursuivies risquent d’échapper ainsi à leur peine à la faveur de la prescription. ___________________________________ { *La prescription est un concept général de droit qui désigne la durée au-delà de laquelle une action en justice, civile ou pénale, n’est plus recevable. En matière pénale, la prescription est variable, selon la qualification de l’incrimination. La prescription de l’action publique est le principe selon lequel l’écoulement d’un délai entraîne l’extinction de l’action publique et rend de ce fait toute poursuite impossible. L’auteur d’une infraction ne pourra plus être poursuivi. Selon l’article 154 du Code pénal burundais, les peines de servitude pénale en matière criminelle se prescrivent par un délai égal au double de la peine prononcée, sans que ce délai ne dépasse vingt ans. Les peines perpétuelles se prescrivent par trente ans.}

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