Alors que nombre de gens se pressent dans les cabinets médicaux privés pour un accès rapide au médecin, une pratique s’est érigée en règle, dans certains établissements. Moyennant une somme de 30,000 BIF, un patient ‘’ VIP ‘’ est consulté sur le champ. Au grand dam des patients ‘’ordinaires’’.
Dans les halls d’entrée de ces cabinets, une affiche. Placardée, souvent derrière la réception, elle fixe les prix. Consultation normale 10,000BIF, consultation express 30,000BIF(VIP).
En cette matinée du 16 avril, tout semble normal dans un cabinet privé d’ophtalmologie à Bujumbura. Dans le hall de la réception, une trentaine de personnes attendent patiemment d’être consultées. Les jeunes, têtes baissées, chattent sur leurs smartphones, tandis que les moins jeunes papotent.
Vers 8h30, le médecin arrive. Le temps de mettre sa blouse, la réceptionniste commence à appeler les patients pour la consultation, en fonction de leur ordre d’arrivée. Tout se déroule à merveille jusqu’à ce qu’arrive le tour de Zacharie. Venu de Mwaro, il prévoit de faire un aller-retour : « Juste le temps de faire l’examen du champ visuel, après, je vais acheter les médicaments, puis retourner chez moi.»
Une illusion de courte durée.Car,quand vient son tour, un homme, la quarantaine, bien vêtue, de silhouette élancée se pointe. Trop pressé visiblement. D’un pas sûr, il s’adresse à la réceptionniste. L’instant même, d’un ton calme, celle-ci se lève. Elle chuchote quelque chose dans l’oreille de Zacharie : «Vous allez entrer après le monsieur. Il est trop pressé, il vient pour une consultation express. »
Désarçonné, il n’en revient pas. Il pense à son ticket retour qu’il a acheté. Dépité, il lâche : « Ils n’ont qu’à nous dire qu’ils ne soignent que des gens riches. Après tout,le serment qu’il prête de soigner tout le monde, sans distinction aucune, n’est que pire utopie.»
« L’ordre d’arrivée est respecté »
De leur côté, les responsables de ces cabinets réfutent ces allégations. « Une mauvaise foi sans nom de certains patients qui veulent que notre image soit écornée», déplore l’un d’entre eux. Avec plus de trois spécialistes, explique-t-il, dans un même cabinet, comment ne serions-nous pas en mesure de consulter une cinquantaine de patients par jour ? Tout en acceptant que de pareils cas peuvent survenir, il soutient qu’ils consultent en fonction de l’ordre d’arrivée des patients. Quant aux patients VIP, il assure que ce genre de consultations se fait, dans la plupart des cas, en dehors des heures de service.
«De la poudre aux yeux », rétorque Sylvain Habanabakize, chargé de la communication au sein du Cadre d’Expression pour les Malades au Burundi. Il juge que ces catégorisations de patients est une autre forme de corruption. Et d’en appeler à l’inspection du ministère de tutelle : « Au plus vite, elle doit se saisir de la question au risque que la situation se généralise ».
Dr Bosco Girukwishaka, son porte-parole, promet que « d’ici peu, nous allons nous concerter avec les responsables incriminés pour voir dans quelle manière agir ». A la question de savoir dans quelle mesure, le conseil l’ordre des médecins du Burundi peut agir, Jean Kamana, son vice-président, explique: « Du moment où nous n’avons pas encore reçu officiellement de plaintes pour manquements à l’éthique et à la déontologie professionnelles du métier de médecin, nous ne pouvons pas agir. »
Toutefois, il estime que si de telles pratiques tendaient à se généraliser, le ministère devrait diligenter une mission d’inspection.