Deux mois après la campagne gouvernementale pour expliquer à la population le rapport Kavakure et le projet de loi portant mise en place des mécanismes de justice transitionnelle, le processus marque le pas. Une certaine opinion craint que cette affaire ne soit une vue de l’esprit.
<doc4061|left>Le président de la République, dans son discours du 31 décembre 2011, a promis qu’avant la fin de cette année, les mécanismes de justice transitionnelle seront mis en place. Cependant, d’aucuns doutent de la tenue de sa promesse car le processus de mise en place traîne.
Du 12 au 31 mars 2012. L’équipe gouvernementale entreprenait une campagne nationale qui, selon le porte-parole et secrétaire général du gouvernement, visait la contribution de la population après la sortie du rapport Kavakure (du nom du président de la commission technique chargée de la préparation, la mise en place de la Commission Vérité Réconciliation, ndlr). De plus, Philippe Nzobonariba expliquait que le gouvernement souhaitait entendre la population s’exprimer sur le projet de loi en cours d’analyse portant mise en place de ces mécanismes.
L’initiative de cette campagne a été jugée par la société civile et certains partis politiques d’inopportune parce que des consultations nationales avaient eu lieu. Pour eux, cela traduisait l’agenda caché du gouvernement. En effet, ce dernier comptait inclure les recommandations de la population.
Inquiétudes partagées
Le groupe de presse Iwacu a été à Bururi, Rutana et Gitega où les ministres Concilie Nibigira, Sévérin Buzingo et Julien Nimubona faisaient « leurs homélies ». N.M. de Rutana s’étonne de voir que la majorité des participants étaient des conseillers collinaires et communaux du CNDD-FDD. Selon lui, leurs interventions étaient de nature à refuser que ces mécanismes soient mis en place. « Nous nous sommes déjà réconciliés, des mariages entre hutu et tutsi se font au grand jour. La question ethnique n’a plus de place chez nous dans le monde rural », signale-t-il. M.N. estime qu’une exclusion d’une catégorie de la population peut conduire à des conclusions falsifiées : « Des intellectuels ont une autre vision. Une CVR mal pensée peut conduire le pays au chaos.»
R.B. de Bururi constate que le duo Nibigira et Buzingo insistait sur la composition de l’équipe de la Commission Vérité Réconciliation. Sur les 11 personnes, R.B. raconte que la majorité des participants proposaient que six soient des Burundais et cinq autres, des étrangers.
Quant à B.C. de Gitega, il est direct: « Que le gouvernement cesse ses manœuvres dilatoires en nous demandant de nous prononcer sur cela ou ceci. » Pour B.C., il est évident que le gouvernement veut la mise en place de ces mécanismes, après les élections de 2015, pour faire élire certains candidats accusés de crimes.
<img4059|right>« Qu’il pleuve ou qu’il neige, ces mécanismes doivent être mis en place »
Pour Frédéric Bamvuginyumvira, vice-président du parti Frodebu, la campagne gouvernementale a été un effort de trop. Il regrette que dans ces assises, c’est l’administration à plus de 80% CNDD-FDD qui y participe. Le vice-président du Frodebu estime que le parti présidentiel, hostile au tribunal spécial pénal, se trompe : « Si certains membres du gouvernement sont impliqués dans tel ou tel crime, ils devront répondre devant le tribunal spécial conformément à l’Accord d’Arusha. » Selon lui, peu importe les manipulations à l’endroit de la population, personne ne va y échapper.
« Nous restons fermes sur la mise en place du tribunal spécial »
Les Nations Unies, déclare Ivan Šimonović, secrétaire général adjoint aux droits de l’homme (en visite au Burundi au mois de mars, ndlr), ne peuvent pas envisager des amnisties pour des gens qui ont commis des crimes graves : « Il faudrait que les autorités burundaises mettent en place une CVR et un tribunal spécial conformes aux normes internationales »
<img4060|left>« Nous refusons le pardon pour des crimes impardonnables »
Bonaventure Niyoyankana, président du parti Uprona, estime qu’il est grand temps que les Burundais sachent la vérité. Il ose espérer que ce que le gouvernement considère être une contribution de la population est une réflexion partagée par tous les Burundais. Sinon, indique le président de l’Uprona, cela sera de la manipulation pure et simple. M. Niyoyankana demande au gouvernement d’Arusha, le rapport des consultations nationales, la résolution 1606 du Conseil de sécurité de 2005 et le mémorandum d’entente entre la délégation gouvernementale et les Nations Unies. « Tout autre chose n’est que dissuasion », constate-t-il.
<img4058|right>Doucement mais sûrement
Léonidas Hatungimana, porte-parole du président de la République, tranquillise : « Le gouvernement ne craint pas les mécanismes de justice transitionnelle parce qu’il ne s’accuse de rien. » Par ailleurs, il souligne que le gouvernement n’a aucun intérêt à donner des injonctions à la population. Tout simplement, explique-t-il, il voulait élargir l’échantillon. M. Hatungimana souligne que les considérations des partis politiques et de la société civile importent aussi. Ainsi, la loi sur la mise en place de ces mécanismes sera l’œuvre de tout le monde.