La commémoration des massacres des étudiants «Hutu » perpétrés à l’Université du Burundi il y a 25 ans a eu lieu ce jeudi 9 juillet. Les rescapés exigent la justice pour les disparus.
Les cérémonies débutent vers 9h30 par des exposés, des débats et des témoignages des rescapés. 14h30, une messe de requiem est célébrée en mémoire des victimes des massacres survenus le 11 juin 1995 dans les campus Mutanga, Kiriri et ceux du 26 juillet 1996 au campus Zege, en province Gitega.
Organisées par l’Association des rescapés «Zirikana UB-95» en collaboration avec l’Université du Burundi, ces cérémonies ont vu la participation de différentes personnalités. Notamment le président de la CNIDH, le procureur général de la République, des ministres et anciens ministres. L’ancien président de la République, Sylvestre Ntibantunganya aux affaires à l’époque, est aussi présent. Il sera victime d’un coup militaire par ailleurs le 25 juillet 1996.
Une présence très remarquée : des membres et travailleurs de la CVR. Ces derniers portent des blouses blanches à l’effigie de cette commission. Des anciens et étudiants de l’université du Burundi ainsi que les membres des familles des disparus sont aussi sur place.
Vers 19h, les cérémonies se clôturent par le dépôt des gerbes de fleurs au nouveau monument en mémoire des disparus. Il est érigé en plein campus de Mutanga à près d’une centaine de mètres de l’entrée principale depuis le Boulevard de l’Uprona. Il est situé à côté des bureaux du Recteur et la bibliothèque centrale.
Dr François Havyarimana, Recteur de l’université du Burundi explique la représentation de ce monument. Trois livres montrent que les trois ethnies ont droit d’accéder à l’Université du Burundi. Un couteau trempé de sang qui transperce l’un des livres pour montrer comment les étudiants de l’une des ethnies ont été exterminés en raison de leur appartenance à l’ethnie « Hutu ». Et une poutre avec trois côtés tient le flambeau et quatre fenêtres. Celles-ci signifient que les portes de l’Université du Burundi sont ouvertes aux Hutu, Tutsi, Twa et étrangers.
« Plus de 100 étudiants fauchés »
Dans son homélie, Mgr Jean Louis Nahimana a demandé aux fidèles de prier le tout-puissant, afin qu’il épargne le Burundi des cycles de violences. « C’est une journée de commémoration de ceux qui se sont vus ôter toute dignité à cause de la haine de leurs frères. Aujourd’hui nous sommes ici pour témoigner de notre respect et l’amour envers nos frères et sœurs assassinés sauvagement à cause de leur appartenance ethnique. Nous sommes ici pour supplier le bon Dieu pour épargner le Burundi du péché de tuerie. Fixer les yeux sur l’au-delà et l’implorer à sauver notre patrie ».
De son côté l’ambassadeur Joseph Nkurunziza, président de l’association Zirikana UB-95 regroupant les rescapés de ces massacres, se dit outré : « Nous sommes indignés du traitement réservé à cette affaire concernant les auteurs de ces massacres des étudiants Hutu. Il y a un des auteurs qui a été traduit devant la justice mais beaucoup d’entre eux ne sont pas encore inquiétés ». Pour lui, le souhait est de continuer le combat pour que tous les bourreaux répondent de leurs actes devant les instances judiciaires.
Gaspard Banyankimbona, représentant le gouvernement dans ces commémorations, a exhorté toute personne ayant des informations sur ces tueries à en témoigner. « Nous espérons que les témoins oculaires sont encore en vie. Qu’ils prennent le courage de dire la vérité, cette vérité libère ».
Certains parlent du deux poids deux mesures
Pour sa part, Pierre-Claver Ndayicariye, président de la CVR, donne des chiffres, selon lui, provisoires. Au moins 109 étudiants « Hutu » ont été tués dans ces massacres. « La CVR travaille d’arrache-pied pour que la vérité sur les massacres dans les différents campus de l’Université du Burundi éclate au grand jour. Selon certaines sources, les étudiants tués auraient été jetés dans la réserve naturelle de la Rukoko. Les enquêtes sont en cours. D’autres parlent de ce que leurs corps seraient jetés dans la rivière Rusizi car des gens ont affirmé avoir vu des cadavres dans les eaux du lac Tanganyika au lendemain des massacres».
Le professeur Stanislas Ruzenza sera asassiné aussi dans son bureau au campus Mutanga le 21 juin de la même année. Le président de la CVR demande que si possible que sa photo soit accrochée dans ce même bureau et que cet office lui soit dédié.
Certains invités sur place qui ont requis l’anonymat appellent la CVR et le gouvernement à s’impliquer aussi dans d’autres commémorations : « Qu’ils fassent de même à Buta, à Bugendana, à Kibimba, etc. Sinon, il sera difficile de convaincre qu’ils sont au service de la Réconciliation. Ceux qui ont perdu les leurs à l’Université du Burundi ont besoin de la vérité et de la Justice autant que les autres».
Ils s’accordent pour dire que «du deux poids deux mesures va diviser davantage les Burundais au lieu de les rassembler et de les unir».