Une opération de saisie de marchandises au marché de Muyinga le samedi 22 novembre a failli tourner à l’affrontement entre la police et la population. L’OBR a-t-il le droit de combattre la fraude même dans les marchés?
Khalid Hakim, le représentant des commerçants au marché de Muyinga retrace les faits. D’après lui, accompagnés de quelques policiers en tenue civile, les agents de la brigade mobile de l’OBR entrent au marché vers 8 heures.
Sans se soucier de rien, un commerçant ouvre sa boutique pour récupérer un produit qu’il a oublié la veille. A peine la porte entrebâillée, les agents de l’OBR s’engouffrent dans sa boutique et chargent dans deux camionnettes Hilux tous les produits qui s’y trouvent.
Stimulés par la réussite de saisie des marchandises dans la première boutique, les policiers et les agents de l’OBR tentent de défoncer la boutique voisine. C’est alors que la population se soulève, indique Khalid Hakim. Elle commence à jeter des pierres sur « les intrus ». C’est un tohu- bohu total au marché. Le gouverneur de province et le procureur de la République arrivent.
Exédée par l’action de l’OBR, la population n’hésite pas à lancer des pierres en direction des hautes autorités provinciales. Des véhicules sont touchés. La police anti-émeute intervient. La foule est dispersée à coup de gaz lacrymogènes.
Les griefs des commerçants
Plein d’émotions, M. Hakim s’en prend principalement à l’OBR pour le choix de l’endroit de son opération. Il reconnaît que l’institution a le droit et le devoir de décourager la fraude. Mais il fait observer que de l’avis des commerçants, elle n’a pas le droit de saisir les marchandises à l’intérieur du marché. Et de marteler que les agents de l’OBR n’ont qu’à surveiller la frontière. « D’ailleurs, ils ont des véhicules pour arriver en temps utile à chaque point où est signalé un passage des produits fraudés », poursuit-il.
Un des commerçants du marché ajoute que si l’unité mobile de l’OBR veut être efficace dans sa mission de surveillance de la longue frontière avec la Tanzanie, elle n’a qu’à recruter des informateurs payés pour cela.
Violation de la procédure de saisie
Au nom des commerçants de Muyinga, M. Hakim reproche à l’OBR de faire des saisies en l’absence des commerçants. L’opération n’est pas sanctionnée par un PV de saisie, renchérit-il. Comble de l’arbitraire, l’OBR ne saisit pas que les produits présumés de fraude. « Il fait aussi main basse sur tous les articles trouvés dans les kiosques et boutiques », regrette M. Hakim.
Enfin, ce qui a énervé et choqué même les veilleurs, c’est la tentative de défoncer au marteau les kiosques et les boutiques.
M. Khakim observe que si l’opération a tourné au fiasco, c’est parce que le jour et le moment n’étaient pas idoines. « C’était le jour des travaux communautaires. Les commerçants ou la population du centre-ville ne pouvaient s’maginer que l’OBR puisse conduire une opération à cette heure de la matinée ».
Il déplore le fait que l’OBR ne lui ait pas téléphoné pour superviser l’opération pour le compte des commerçants qu’il représente. « Ma présence aurait légitimé l’opération de l’OBR auprès des commerçants et des employés du marché », dira M. Hakim.
Signalons qu’aujourd’hui l’OBR et les commerçants se regardent en chien de faïence. Pour rétablir la confiance, M. Hakim propose l’organisation des séances de formation au civisme fiscal. Il propose aussi l’organisation des activités sportives mixtes.
Mise au point de l’OBR
Félix Nkurunziza, directeur des douanes indique qu’au sujet des saisies en plein marché, l’OBR a le droit d’intervention partout où il a des informations qu’il peut mettre la main sur des produits de fraude. Et de préciser que celui qui se livre au commerce transfrontalier illicite doit s’en prendre à lui-même si les articles légalement importés sont entreposés ou étalés avec les produits de fraude.
Il indique que l’OBR a droit aussi à la poursuite à vue, c’est-à-dire qu’il peut donner la chasse à tout fraudeur repéré en flagrant délit jusqu’à la saisie de la marchandise.
M. Nkurunziza fait remarquer aussi qu’avant de faire la saisie des produits de la fraude au marché de Muyinga, l’OBR avait pris le soin de se munir d’un mandat de perquisition délivré par le parquet de la République.
Le cadre indique aussi que l’OBR n’a défoncé aucune boutique mais qu’un commerçant à qui on a demandé d’ouvrir sa boutique de son gré a voulu filer à l’anglaise.
Au sujet des séances de formation à l’intention des commerçants, M. Hakizimana affirme que la plupart d’entre eux boudent de telles occasions. Prétexte : le manque de temps.
Il en est de même des activités sportives qui mettraient ensemble commerçants et employés de l’OBR. Il remarque cependant que ce serait une bonne initiative mais doute de la disponibilité des ces mêmes commerçants.
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En compagnie du représentant des commerçants, Muzamil Ntaco, fait savoir que des agents de la brigade mobile de l’OBR arrêtent en cours de route des importateurs qui s’approvisionnent en Tanzanie et qui font passer leurs marchandises par la voie légale.
L’OBR dit que si tel était le cas, cela serait un abus du pouvoir de ses employés.
Il se plaint aussi que les frais de dédouanement du riz montent au jour le jour. « Il y a quelques mois, je payais 3800Fbu par sac. Le prix a été porté à 4700Fbu et aujourd’hui je paie 5200Fbu », se lamente-t-il.
Par-dessus tout, M. Ntaco se plaint que les employés de l’OBR au bureau de Kobero (Muyinga) lui ont demandé de produire l’attestation de non redevabilité s’il veut continuer à aller s’approvisionner en Tanzanie. L’OBR dit qu’il va s’enquérir de la situation.