Les commerçants de petit bétail déplorent de payer la taxe au détriment des vendeurs. Le marché n’est pas clôturé, se justifie le commissariat du marché, raison pour laquelle la taxe est payée à la sortie. Ce dernier déplore qu’une partie de recettes soit détournée par des commissionnaires.
Mardi 23 juillet à 10 heures, c’est le jour du marché de bétail. En face du stade en construction, l’effervescence règne au marché de Gatwaro. Sous un soleil de plomb et un nuage de poussière, des centaines de personnes marchandent. Les cris des chèvres, des moutons et des porcs s’entremêlent. Ce marché n’est pas clôturé. Tout le monde est pressé. Le temps file. Le marché se ferme à 13 heures. Dans ce marché grouillent plusieurs commissionnaires.
A cette heure, Claude Niyongere, commerçant originaire de la colline Mparambo, a déjà acheté quatre chèvres à 180 mille francs. Il lui reste encore deux. Mais, il n’a pas encore payé la taxe communale. D’après lui, la taxe est de 1.500 francs par bête. Ce dernier déplore que la commune lui applique une taxe injuste. «Normalement, c’est le vendeur de la bête qui paie la taxe communale. Ici, c’est l’inverse ».
Ce commerçant se dit confus. Il ne comprend pas la philosophie derrière la taxe sur le bétail. Il fait savoir qu’ailleurs, c’est le propriétaire ou le vendeur du bétail qui paie la taxe. « Allez voir au marché de Gashikanwa, le vendeur ou le propriétaire paie la taxe à l’entrée du marché.»
S’il vend la bête, il donne la quittance à l’acheteur. Ce dernier la présente aux percepteurs à la sortie. «Je vais acheter six chèvres. Je paie à la commune 9 mille francs. C’est énorme. Un tiers du bénéfice. Si c’était à Gashikanwa, je n’aurais pas dépensé cet argent».
Pour payer moins, révèle-t-il, les commerçants malhonnêtes donnent un pot-de-vin aux percepteurs pour ne pas payer la taxe. D’autres attendent l’heure de la fermeture du marché. Dans ce cas, ils ne paient pas la taxe. Ils se faufilent dans les bêtes qui ne sont pas vendus.
Les commerçants grognent
À cet instant, un autre commerçant curieux interrompt notre conversation. C’est Sylvestre Ntahondi, originaire de la colline Musave. Ce dernier ne décolère pas. Ce dernier affirme avoir déjà acheté dix-sept chèvres. «J’ai déjà payé la taxe communale qi s’élève à 22.500 francs.» Il ne voit que des conséquences immédiates sur les recettes. L’argent qui aurait pu entrer dans la caisse communale est détourné par les commissionnaires et les percepteurs.
D’après lui, cette stratégie de collecte a, du même coup, provoqué le mécontentement des acheteurs. Ils sont découragés. Ils font tout pour se dérober de l’administration fiscale. En outre, les éleveurs croient qu’ils sont exemptés de la taxe communale.
Ce commerçant indique que les collègues n’évoquent pas la taxe communale lors de la discussion du prix de l’animal. Tout le monde est au courant. «C’est l’acheteur qui paie la taxe».
Il dénonce également les commissionnaires opérant en marge de ce marché. Selon lui, ces derniers influencent les vendeurs de ne pas s’acquitter de la taxe communale. «Ils leur font attendre l’heure de la fermeture du marché. A ce moment, ils les aident à expliquer aux percepteurs que les bêtes ne sont pas vendues.» En retour, les commerçants leur payent une somme de 500 francs par animal.
M. Ntahondi ajoute par ailleurs que les percepteurs travaillent en connivence avec les commissionnaires. Et de conclure que la moitié des recettes provenant de ce marché finissent dans les poches des gens.
Pour les éleveurs, il n’est pas question de payer la taxe communale. Ce sont les acheteurs qui paient. Marie Kankindi vient d’entrer au marché tirant sa chèvre attachée à une corde. Cette dernière salue la décision de la commune. «C’est aux acheteurs de payer, ils ont de l’argent».
Commissionnaires accusés se dédouanent
Du coté des commissionnaires, ils balaient d’un revers de la main ces accusations. Isaïe Ntawibagira, représentant des commissionnaires de ce marché, rejettent toutes ces accusations. «Ces propos viennent de ceux qui ne veulent pas s’acquitter de la taxe communale».
Ce dernier soutient que les commissionnaires ne sont pas des aventuriers encore moins des voleurs. «Nous sommes reconnus par l’administration communale. Chacun paie une taxe commune de 20 mille francs par an. La commune salue notre contribution ».
D’après lui, le rôle d’un commissionnaire est incontournable. Il facilite l’échange entre l’acheteur et le vendeur. Il leur fournit des informations du marché surtout sur le prix. En outre, il joue le rôle de gardiens du marché. Tout voleur qui s’introduit au marché est vite identifié.
Mais la réalité sur terrain est toute autre. Il arrive que les commissionnaires exfiltrent de ce marché des animaux sans payer de taxes. C’est le cas d’un homme, grand de taille bien connu des commerçants à Gatwaro, c’est un commissionnaire.
Quand il sort de ce marché, il semble escorter deux jeunes hommes tirant à l’aide de cordes quatre boucs. Du coup, le percepteur leur demande de s’arrêter et de lui montrer les quittances.
Les deux acheteurs ont la consigne de ne pas ouvrir la bouche. Par un simple clin d’œil au percepteur, ce commissionnaire les tire d’affaire : « Ne t’en fais pas. Je reviens», lancera-t-il avant de s’en aller avec les deux jeunes acheteurs et leurs quatre boucs.
Ces deux hommes empruntent la route passant devant le stade de Gatwaro. A son retour, ce commissionnaire donnera au percepteur un billet de 2.000 francs.
Face à ces accusations, les percepteurs de la commune qui travaillent au marché ne veulent pas s’exprimer. Ils nous renvoient au commissaire du marché.
Selon Antoine Ntirwonza, commissaire des marchés en commune Kayanza, les acheteurs ne devraient pas payer la taxe communale. La loi est claire. Seul le vendeur doit s’acquitter de la taxe communale.
Cette autorité tient à souligner que souvent, la taxe est payée par les acheteurs. «Nous avons adopté cette stratégie de faire payer celui qui sort l’animal du marché. Car, nous ne pouvons pas contrôler l’entrée du bétail au marché».
L’administration nuance
Ce dernier explique pourquoi la commune a pris cette décision. «Le marché n’est pas clôturé. C’est pratiquement impossible de taxer les bêtes à l’entrée».
A propos des pots de vin perçus par les percepteurs, il fait savoir qu’il n’est pas au courant. Et de préciser : « Si l’un ou l’autre est impliqué dans cette pratique frauduleuse, il sera puni conformément à la loi».
Le commissaire du marché accuse surtout les commissionnaires de ce marché d’influencer les acheteurs pour ne pas payer la taxe. «Ces commissionnaires font perdre à notre commune beaucoup de recettes. »
Et d’expliquer comment cette fraude fiscale s’opère. Les commissionnaires parviennent à convaincre plusieurs acheteurs de sortir leur bétail à l’heure de fermeture de marché. Dans ce cas, ajoute-t-il, les acheteurs ne peuvent pas payer la taxe. Car, les commissionnaires les défendent en disant que leurs bêtes n’ont pas été vendues.
D’autres, poursuit-il, vont plus loin. Ils rassemblent plusieurs bêtes. Ils demandent 500 francs par animal. Les acheteurs n’hésitent pas à payer cette somme parce qu’ils gardent 1000 BIF par bête. Ces commissionnaires sont intouchables. Ils sont agréés par la commune. Ils paient l’impôt.
Et de proposer une solution : «Pour arrêter cette manœuvre frauduleuse, il faut construire la clôture du marché. Ainsi, les percepteurs pourront taxer les animaux à l’entrée du marché».
D’après un des employés de la commune, ce projet n’est pas pour demain. Pour preuve, il ne figure pas dans le plan de développement communal de cette année.
Il signale en outre que le marché de Gatwaro fait entrer dans les caisses communales entre 300 mille et 500 mille francs par semaine.