Le Mouvement d’action patriotique (MAP) a organisé ce samedi 6 mars une rencontre en visioconférence sur l’avenir de l’Accord d’Arusha. Les intervenants pleurent cet accord, mais se gardent tout de même à en faire le deuil. Ils espèrent une renaissance éventuelle.
«Il sied que les garants de l’Accord d’Arusha tiennent une conférence d’évaluation de sa mise en application », c’est sur cet appel de Tatien Sibomana, acteur politique de l’Uprona non reconnu par le pouvoir et dernier intervenant, que la conférence a pris fin. Une conclusion qui traduit l’espoir de la plupart des intervenants. Mais Tatien Sibomana n’est pas naïf, il a insisté sur les initiatives « préalables » des Burundais d’abord : « La communauté internationale donne une contribution, mais celle-ci se base sur des actions des nationaux ». M. Sibomana a exhorté tous ceux qui tiennent au respect de l’Accord d’Arusha à agir de concert, sans quoi « la fin complète de l’Accord d’Arusha est prévisible ». Avant de mentionner que l’existence des membres du parti au pouvoir qui comprennent et soutiennent ce combat est un atout de taille.
Abondant dans le même sens, le président du mouvement MAP, Emery Pacifique Igiraneza, a formulé l’obligation de réhabiliter ce « compromis historique » entre Burundais. Il a estimé par ailleurs que cette volonté est soutenue par les Nations Unies. Le Conseil de sécurité en décidant du retrait du Burundi, le 4 décembre dernier, de son agenda politique, a exhorté les garants de l’Accord d’Arusha à se rassurer quant à son application.
De son côté, le professeur Charles Nditije, en exil et se réclamant président de l’Uprona de l’opposition, a tenu tout de même à nuancer quant aux moyens à utiliser : « Le sauveur du Burundi ne viendra pas de l’extérieur. C’est nous-mêmes, car quand les gens ne sont plus capables de défendre leurs droits, c’est qu’ils se résignent à l’esclavage ».
Ainsi, il a appelé à une alliance dont les membres doivent transcender tous les clivages et résister au pouvoir de Gitega hostile à l’accord historique. De fait, le psychologue a parlé de la nécessité d’un « vaste mouvement d’interethnique résistance pour réhabiliter l’Accord d’Arusha ». Et il a prévenu : «tous ensemble, nous pouvons redonner aux Burundais le droit de vivre libre dans leur pays, mais il faut agir maintenant, car demain, cela pourrait être tard ».
Devoir de rassurer les minorités
Pour le professeur Luc Rukingama, président du parti Uprona lors de la signature de l’Accord d’Arusha, il faut inventorier les dispositions non respectées afin d’en prendre connaissance. Il a appelé à la solidarité en vue de constituer un bloc irrésistible. « L’espoir est permis autant que le doute est permis », a fait savoir l’ancien haut fonctionnaire de l’UNESCO qui a occupé plusieurs portefeuilles au Burundi.
Quant à Anschaire Nikoyagize, président de la Ligue Iteka, il a souligné l’urgence « d’apaiser les cœurs brisés, de rassurer les minorités, de protéger tous les Burundais, en vue de faire du Burundi, un pays de paix et du miel. » L’organisation a récemment publié une étude faisant état d’une violation de l’Accord d’Arusha en se basant sur les variables « ethnie » et « partis politiques ». D’après cette étude, au moins 95% des Burundais auxquels le pouvoir confie les postes de responsabilités au niveau des communes et des provinces proviennent d’un même parti, le Cndd-Fdd, et d’une même ethnie, Hutu.
Ces recommandations susmentionnées visant à réhabiliter « le compromis historique »entre Burundais ont été proposées lors de cette rencontre après des diatribes peu amènes à l’égard de Gitega : « Le respect de l’Accord d’Arusha se trouve derrière nous ! », tel est le constat de tous ces intervenants.
Le professeur Luc Rukingama, a rappelé que l’accord a été mis à mal à partir de 2015. «L’Accord d’Arusha et la Constitution du 18 mars 2005 qui en est issue ont été purement et simplement dissous», a constaté l’ancien membre de la commission chargée d’étudier la question de l’unité nationale.
Selon lui, les Burundais s’y sont opposés comme un seul homme. Après, il a parlé de la chasse aux opposants, de l’enlisement du pays dans la crise, « Urwimo ». Cet ancien bras droit du président Buyoya aujourd’hui en exil, « condamné » comme lui dans l’affaire Ndadaye, compare le Cndd-Fdd à un enfant qui, « devenu majeur, renie son père. »
Un compromis entre Burundais
Pour rappel, l’organisation des élections générales de 2005 ayant consacré la victoire du Cndd-Fdd, au pouvoir depuis lors, s’inscrivait dans l’application dudit accord dont l’article 7, alinéa 3 n’autorise que deux mandats présidentiels.
De son côté, Léonce Ngendakumana, ancien président de l’Assemblée nationale et signataire de l’Accord d’Arusha au nom du pouvoir législatif, a souligné d’entrée de jeu son caractère inclusif. « Les institutions nationales, les partis politiques, les mouvements rebelles, même si ce n’était pas en entier en premier lieu, étaient tous présents. Puis, les autres ont pris le train en marche et ainsi, la hache de guerre a été enterrée ».
Un des rares politiciens burundais fidèles jusqu’ici à ses convictions, ce vieux routier de la politique burundaise, que certains surnomment « Bakame » (le lièvre futé de nos contes) n’a pas ménagé le parti aux affaires. Accusateur, il n’y est pas allé par quatre chemins : « Le Cndd-Fdd n’a jamais reconnu l’Accord d’Arusha, plutôt il s’est toujours inspiré d’un autre Accord dont nous ne savons jusqu’aujourd’hui ni le contenu ni l’origine ».
Selon lui, l’Accord d’Arusha fait même en ce moment objet de violation : «Le Cndd-Fdd argue qu’il s’agit d’un accord fondé sur les clivages ethniques, imposé par les étrangers, et consacrant un déséquilibre dans le partage du pouvoir».
Au sujet de « l’accord inconnu », dont M. Ngendakumana a fait mention, Tatien Sibomana a révélé « un texte datant de 2011 du Club Nonoka, inconnu des Burundais, désignant l’Accord d’Arusha comme à la fois une faiblesse et une menace du parti Cndd-Fdd et de son pouvoir». Comme pour illustrer son propos, il a pris à témoin un « Imbonerakure nommé Fidèle ayant prédit la chasse aux opposants à leur tête, les signataires de l’Accord d’Arusha». Celui-ci a été emprisonné et puis rapidement relâché.
D’après lui, les membres de ce club sont des militaires, des policiers et des civils issus du mouvement Cndd-Fdd.
Tombeau pour Arusha…
Les propos du professeur Nditije ne se sont pas éloignés du raisonnement de Léonce Ngendakumana. «L’enterrement de l’Accord d’Arusha a débuté très tôt ». D’après lui, sa supra-constitutionnalité lui a été ôtée arbitrairement par rapport aux autres lois. Aussi, il a affirmé que le projet de révision de la Constitution de 2013 prouvait les intentions du pouvoir d’enterrer l’Accord d’Arusha : «Le texte proposé disposait le vote des lois organiques à la faveur des 50 voix+1. Aussi, il supprimait le Sénat».
Pour rappel, la Chambre haute du Parlement est composée notamment par les Hutu et les Tutsi en nombre égal et les lois organiques étaient adoptées conformément à la Constitution de 2005 à la majorité des deux tiers : « C’était alors une façon de consulter les minorités ». Malgré ce blocage à la révision en 2013, a regretté le professeur Nditije, le pouvoir réussira à faire rédiger une Constitution à sa guise en 2018. « Certes les quotas, 60% et les 40%, ont été maintenus, mais la façon dont les lois sont adoptées ont profondément changé en faveur du pouvoir». Et de soutenir que le Burundi est retombé dans le régime à parti unique.
La signature de l’Accord d’Arusha le 28 août 2000 Burundi a engagé le Burundi dans une période de transition, dirigée successivement par feu Pierre Buyoya et Domitien Ndayizeye, qui a permis aux Burundais de vivre une relative accalmie pendant une décennie après la signature de l’accord de la paix par les derniers mouvements rebelles à se battre, le Cndd-Fdd de Pierre Nkurunziza et le Palipehutu FNL d’Agathon Rwasa.
Enfin, il faut saluer l’initiative de MAP Burundi. Petit à petit, l’organisation est en train d’initier des débats de très haut niveau et ses visionconférences sont de plus en plus suivies et drainent un public varié et de qualité. C’est par le dialogue que les Burundais reconstruiront leur nation déchirée.
Je pense qu’il faut plutot faire un recensement ethnique comme ca chaque ethnie aura son exact pourcentage dans l’arme comme dans les institutitions etatiques de l’etat, parcequ’il n’est pas concevable qu’on decide comme ca le pourcentage a donner aux Hutus et aux Tutsi sans connaitre le pourcentage de ses derniers, qui vous a dit que les Tutsi sont 40 % ou que les Hutus sont 60%, et si les Tutsi sont plus que 40 % ou les Hutus sont plus que 60 %, vous ne voyez pas qu’il y a une pertie de telle ou telle ethnie qui ne sera pas represente.Si on a oser de parler de l’ethnie a Arusha il faut que ca soit suivi par des pourcentages ethniques reels, pour moi les occords d’Arusha ne doivent pas etre pris comme la bible, certe ca nous a aide de sortir de la guerre mais il est temps qu’on pense a modifier les quotas ethniquues prescrits dans ses accords , il faudra un recensement ethnique.
@Benit
1. Vous ecrivez:
« Parcequ’il n’est pas concevable qu’on decide comme ca le pourcentage a donner aux Hutus et aux Tutsi sans connaitre le pourcentage de ses derniers, qui vous a dit que les Tutsi sont 40 % ou que les Hutus sont 60%… »
2. Mon commentaire.
Si l’on veut reellement recourir a cette methode archaique des quotas ethniques, au moins respectons les poucentages issus de la seule sorte de recensement fait par les allemands (MEME S’IL DATE DE PLUS DE 100 ANS): 1% Twa, 14% Tutsi et 85% Hutu.
« Les pourcentages ethniques auraient ete etablis par un recensement sous la colonisation allemande. Ils sont repris dans tous les ecrits relatifs a la question ethnique du Burundi et du Rwanda sans que ces derniers s’interrogent si les memes chiffres gardent la meme force 100 ans plus tard… »
Extrait du livre de De Bogumil Jewsiewicki et al.: Les jeunes a l’ere de la mondialisation: quete identitaire et conscience… pages 195 et 196.
@Benit,
Ben voyons Monsieur,que cela seulement un recensement éthnique?
Je ne vous trouve pas assez ambitieux.Pourquoi pas,ne pas pousser l’idée un peu plus loin ,comme par exemple ,créer un hutuland et un tutsiland.
Au moins,la question sera définitivement résolue.
C’est incroyable à quel point vous et certains autres burundais,vous n’en avez rien à cirer de l’unité,et de la cohabitation pacifique et profitable pour tous les citoyens d’un même pays, le Burundi
Dommage qu’on ne peut pas ajouter des commentaires.
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Merci Antoine, il me semble que les courts messages comme celui-ci partent sans problème. Un message un peu plus long part mais ne réapparait dans « votre commentaire attend… » . Je viens de réessayer. Peut-être un problème de mon côté.
J’en ai fait! Iwacu a préféré les ignorer! Curieux pour un média qui se plaint régulièrement d’évoluer dans un contexte médiatique corseté pat une répression impitoyable de toute forme d’expression non officielle!
Note
Pourriez-vous me renvoyer votre réaction? Je n’en ai pas eu connaissance. Si elle respecte notre charte, elle va être publiée.
Merci
On ne peut plus ajouter des commentaires?
On peut
Les accords d’Arusha? Parlons-en avec lucidité!
Peut-on un jour mettre sur la table que cet accord a été l’aboutissement d’un processus de déni de la démocratie ou plus concrètement un déni de la volonté du peuple? Quelques petits détails avant de poursuivre mon analyse: dits accords contiennent autant de point d’accords que de désaccords appelés « réserves ». Ceci pour dire que même ceux qui l’ont signé en primeur n’y croyaient pas forcément. Des forces en présences ensuite: un parti Frodebu et ses satellites en débande face à l’Uprona et ses alliés qui venaient de décapiter les institutions et fort du soutien de l’armée. Le CNDD-FDD et le PALIPEHUTU-fnl n’y participent pas et n’y sont pas conviés. Les médiateurs préfèrent s’entourer des factions dissidentes ! Et si l’on jette un coup d’oeil sur les revendications du CNDD, puis du CNDD-FDD n’étaient ni moins ni plus que la restitution de la chose volée au peuple: la démocratie.
Tout observateur de bonne foi peut comprendre que ce texte n’a pas l’odeur de sainteté chez certains et qu’à terme, il est condamné à subir de profondes modifications. A mon avis, si le CNDD-FDD a souscrit au contenu de cet texte était par pure stratégie pour ne pas être isolé sur la scène politique internationale mais conscient de l’adhésion de l’opinion burundaise à son programme , la refonte de ce texte ne faisait aucun doute aussitôt que l’occasion se présentait.
Il faut s’attendre à la fin des quotas sous sa forme actuelle et plus tard le démantèlement de ce texte ou du moins le rendre inopérant sauf si l’ensemble de la société fasse une forme d’introspection pour porter un regard plus constructif consistant à ne pas chercher toujours à alimenter l’ethnisme comme on l’observe aujourd’hui à travers les actions de la société civile, celle qui évolue à l’extérieur. Or, Il suffit d’entendre le discours du président dans sa manière de relativiser les appartenances ethniques pour comprendre que la place des quotas est bientôt révolue.
Il a bien compris que le peuple, hutu et tutsi, n’a rien à « cirer » de ces accords, ce qui est du reste vrai. Ce peuple a besoin du pain et de la paix et le reste n’est qu’une affaire de l’élite. De plus, le CNDD-FDD a bien compris que le monde accorde peu d’intérêt aux revendications tendant à mettre en avant les accords d’Arusha mais plutôt reste sensible au respect des droits de l’homme…..
Croyez-vous sincèrement que l’on peut jeter aussi facilement dans la poubelle,tous les accords d’Arusha ,ou du moins sans préserver certains de ses aspects ou textes légaux,sans qu’il y ait des répercussions négatives sur la structure politico socio-économique burundaise?
Les accords d’Arusha peuvent ne pas être parfaits,mais il ne faut jamais oublier que la cause,les veritable raisons de leur existence n’a pas encore disparu complètement.
D’ailleurs,quelle serait la solution parfaite aux problèmes politiques du Burundi?
Créer un hutuland et un tutsiland,pour vivre en toute sérénité,et résoudre pour de bon le problème hutu- tutsi.
Monsieur Nshimirimana, vous dites que le peuple hutu-tutsi n’a plus rien à cirer de ces accords.Vous vous moquez de qui,sincèrement?
Voulez-vous dire sérieusement que les tutsis n’ont plus rien à cirer des seuls accords qui existent les protégeant contre toute forme de discriminations,d’éthnocratie, qui est une insulte pour la démocratie et maladroitement confondue ou prise pour démocratie par certains extrémistes,qui n’en savent rien ou qui ne veulent rien savoir sur la véritable nature de la démocratie?
Voulez-vous dire que les tutsis n’ont rien à cirer du seul texte légal qui reconnaît et préserve leur existence sur le sol burundais?
On ne peut pas faire semblant,comme si la question hutu-tutsi a complètement été résolu ou disparu dans les esprits des burundais .On ne peut pas faire semblant qu’au Burundi les hutus,les tutsis et les twas n’existent pas.
Si c’était le cas ,le CNDD-FDD n’aurait aucun problème à se faire représenter par un tutsi lors des élections présidentielles.
Le jour où cela arrivera ,que le CNDD FDD se fasse representer par un tutsi lors des élections présidentiels,et que vous Monsieur Nshimirimana,et d’autres membres du CNDD-FDD,vous votez pour un tutsi représentant le CNDD FDD lors des élections présidentielles;sans que cela ne vous posez aucun problème,sans que votre coeur ne sursaute.
Alors ce jour-là;on pourra dire avec certitude que les burundais n’ont plus rien à cirer des questions hutu-tutsi.
Il s’agit d’un club de nostalgiques du pouvoir génocidaire UPRONA responsables de tous les maux que le Burundi a connus et qui ne font que s’auto protéger.