Avec la reprise du second trimestre ce lundi 6 janvier, les enseignants tirent la sonnette d’alarme, ils affirment faire face à de nombreux défis dont le manque criant de personnel. Sur 12 000 enseignants nécessaires, le ministère n’a recruté que 642, soit 5,35 % des effectifs requis.
Dans de nombreux établissements publics, certaines matières ne sont plus enseignées, faute de personnel qualifié. Pour combler temporairement ces lacunes, les directions scolaires font appel tant bien que mal à des enseignants vacataires.
Cependant, ces efforts restent insuffisants pour répondre à la demande croissante. De son côté, le ministère concerné peine à apporter des solutions durables.
Lors d’une séance plénière tenue à Gitega le 24 septembre 2024, le ministre de l’Éducation nationale et de la Recherche scientifique, Dr François Havyarimana, a annoncé un recrutement de 630 enseignants pour faire face aux besoins, alors qu’il en fallait avoir au moins 12 000 nouveaux enseignants.
Actuellement, fait savoir Désiré Hatungimana, directeur général des Ressources humaines au sein du ministère, seuls 642 enseignants ont été engagés au mois de décembre pour l’ensemble des écoles fondamentales et post-fondamentales.
Ce chiffre ne représente qu’une infime partie au vu des besoins, et ce qui est aggravé par des départs récurrents d’enseignants et le manque structurel de personnel qui était déjà observé dans la plupart des écoles.
La situation est tout aussi alarmante sur le terrain. Les établissements doivent faire face à des classes surchargées, un manque de matériel pédagogique, des salles de classe insuffisantes et il faut ajouter à cela l’incompétence de certains enseignants.
La plupart des observateurs sont unanimes : ces conditions dégradent inéluctablement la qualité de l’enseignement. Malgré le recours à des vacataires, les besoins restent largement insatisfaits.
Marie-Claire, enseignante dans une école publique, partage son quotidien : « Ma classe compte 93 élèves. J’essaie de faire de mon mieux, mais c’est épuisant. Il est impossible de s’assurer que tout le monde a compris. Les élèves les plus faibles se perdent et finissent souvent par abandonner. J’aimerais avoir un assistant, mais il n’y a pas assez d’enseignants dans notre école ».
Un autre enseignant, ayant requis l’anonymat, décrit son désarroi face au manque de matériel : « En plus du manque d’enseignants, nous n’avons pas assez de matériel pédagogique, nous manquons de tout. Souvent, je dois improviser pour enseigner dans plusieurs classes en même temps. Les parents et les élèves nous accusent de ne pas faire correctement notre travail, mais comment le faire dans de telles conditions ? »
Dans la province de Kayanza, le directeur provincial de l’Éducation (DPE), Juvénal Mbonihankuye, confirme l’ampleur du problème. « Nous avons commencé l’année avec un besoin de 909 enseignants, avec le récent recrutement, il va falloir se contenter de 54 enseignants. Sur un total de 909 enseignants dont nous avons besoin, c’est à peu près 2 % ».
Dans la province de Kayanza, la direction provinciale avait déjà signalé le départ de 15 enseignants avant la fin du premier trimestre de l’année scolaire 2024-2025 en cours.
En comparaison, durant l’année scolaire 2023-2024, 44 cas de désertion d’enseignants ont été rapportés, selon le directeur provincial de l’enseignement.
« Par après, nous avons observé un mouvement inquiétant de désertion des enseignants. Aujourd’hui, nous enregistrons 17 départs depuis juillet, et pour y remédier, nous avons fait recours aux enseignants bénévoles et vacataires », explique Juvénal Mbonihankuye.
À propos de la gestion de ces enseignants déjà partis, ce directeur provincial de l’Éducation à Kayanza a ouvert un dossier disciplinaire à leur charge. « La gestion consiste à faire suspendre leur traitement pour qu’ils ne puissent pas continuer à recevoir indûment leur salaire. Et puis, nous ouvrons un dossier disciplinaire à leur charge. Et une fois le dossier clôturé, nous allons demander leur remplacement ».
« Étudier est un droit, l’État doit agir »
Face à la situation alarmante du manque d’enseignants au Burundi, les syndicats montent au créneau pour exiger des mesures concrètes de la part de l’État. La Fédération nationale des syndicats du secteur de l’enseignement et de l’éducation du Burundi (FNASEEB) en appelle à un recrutement massif pour combler le manque criant de personnel dans les établissements scolaires.
Selon Antoine Manuma, représentant de la FNASEEB, c’est déplorable : « La situation se dégrade depuis plusieurs années. Par le passé, on recrutait plus de 1000 enseignants par an, et l’effectif diminuait progressivement. Cela provoque aujourd’hui des cas où des élèves ne reçoivent pas une éducation suffisante ».
Les enseignants manquants sont souvent remplacés par des vacataires ou des bénévoles. Toutefois, fait remarquer M. Manuma, ces solutions temporaires présentent de nombreux problèmes. « Comme ces enseignants qui manquent sont remplacés par des bénévoles et des vacataires mal payés, cela impacte leur travail. Certaines irrégularités dans leur rémunération compliquent encore la situation ».
Il cite des cas de malversations constatées dans certaines provinces : « Il y a même des cas où les contributions des parents destinées à payer ces enseignants sont détournées par des directions. Nous avons entendu parler de telles pratiques dans la province de Ruyigi ». Selon lui, ces problèmes remettent en cause le droit à l’éducation pour de nombreux enfants.
Face à cette situation, la FENASEB recommande qu’il y ait une augmentation du budget alloué au ministère de l’Éducation afin de permettre le recrutement des enseignants nécessaires. « Il faut engager les enseignants indispensables. Étudier est un droit pour les enfants, et l’État a le devoir de leur fournir des enseignants et les ressources nécessaires ».
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