Suite à la situation politico-sécuritaire prévalant, tous les signes prouvent que les jeunes affiliés aux partis politiques restent instrumentalisés.
A la veille des élections, au mois de mars, Sustainable Democracy Center (SDC-Burundi) avait senti venir le danger. La tension politique montait déjà comme c’est d’ailleurs le cas quand les élections approchent. Des actes de violence étaient observés presque partout entre les jeunes du parti présidentiel « Imbonerakure » et ceux des autres formations politiques de l’opposition.
Soucieux de relever ce défi, SDC-Burundi avec l’appui du Service civil pour la Paix (ZFD/GIZ) organisera du 11 au 13 mars des ateliers d’échange et de réflexion sur le thème ‘Manipulation politique et ses conséquences sur le processus électoral’. 35 jeunes en provenance des partis politiques, de la société civile, des étudiants et des jeunes démobilisés sont conviés à ces assises.
Une série d’engagements sont pris : cohabiter pacifiquement au-delà de leurs différends, sensibiliser et privilégier la non violence, la paix et le dialogue dans la revendication de leurs droits ; être solidaires en tant que jeunes, défendre les priorités communes dans les différentes formations politiques, bien gérer la défaite et la réussite, sensibiliser les jeunes à se faire élire et de voter les programmes, etc.
Des engagements non honorés
10 juillet, quatre mois jour pour jour, les résultats déçoivent. Des actes de violence se généralisent presque partout et surtout dans les quartiers contestataires de la troisième candidature de Nkurunziza, l’intolérance politique gagne de plus en plus du terrain.
Deux tendances se dégagent. Pour certains, la décision du parti Cndd-Fdd de présenter l’actuel président aux élections présidentielles est à l’origine de cette situation qui s’envenime du jour au lendemain.
Pour d’autres, les organisateurs des manifs et les jeunes manifestants sont responsables de la cacophonie politique : « Les manifs illustrent la manipulation politique en ce sens que les leaders ne se sont jamais présentés laissant la jeunesse occuper le terrain des contestations.»
Cependant, Marc Bukuru de SDC-Burundi constate quant à lui que l’impatience chez les jeunes est source de manipulation: « Ils pensent qu’en accédant à certains postes de responsabilités politiques, l’on devient riche. » Selon M. Bukuru, les jeunes se retrouvent d’une certaine manière dépendant des personnalités politiques qu’il leur est difficile de céder cette ambition.
Malgré cette divergence d’opinions, ils se disent tous prêt à œuvrer pour la mise en application des engagements pris au mois de mars. Ils reconnaissent que le contexte politico-social prévalant pendant la période pré- électorale et électorale n’a pas favorisé la réussite des engagements. Tout, rassure-t-ils, n’est pas perdu. Et de proposer quelques stratégies pour une réussite effective.
Entre autres : se faire violence et dépasser leurs différences politiques, assainir le climat politique, adopter un comportement responsable, décourager le port d’armes illégal, etc.
Bonjour M. Bukuru,
Je n’ai aucune objection à discuter avec vous. Je dois dire que ce n’est pas tant la problématique qui m’intéresse que la méthodologie utilisée pour amener les jeunes à adopter un comportement non-violent. Dans le constat que vous faites, vous effleurez juste quelques facteurs directs (la pression sociale et le contrôle) alors qu’il faut identifier les facteurs indirects qui font déraper la situation. Or, à moins que vous ayez fait une évaluation spécifique, il ne vous appartient pas à vous – ni aux autres qui ont commenté – à identifier les raisons qui conduisent à l’intolérance politique. Seule une démarche rigoureuse auprès de ces jeunes peut vous faire comprendre ce phénomène. Dès lors, une fois que vous l’aurez compris, une fois que vous aurez identifié tous les mécanismes indirects et directs qui conduisent les jeunes à l’intolérance politique, vous pourrez déterminer/caractériser leur intention à changer de comportement.
Et là, le travail ne fera que commencer. Il faudra alors, sur de longues étapes, amener les jeunes à adopter la non-violence (si c’est le comportement visé). Si vous êtes consultant, il y a du travail pour vous pour au minimum 5 ans. ce qui vous amène aux prochaines élections.
Il est vrai que mon commentaire découle strictement de la lecture de l’article de madame Ingabire. J’aurais aimé lire personnellement le rapport de Sustainable Democracy Center (SDC-Burundi).
Soyez assuré M. Bukuru que je serais ravi de discuter avec vous, de contribuer même le cas échéant. Je ne crois pas que ce soit permis de donner mon courriel ici. Je vous suggère de transmettre le vôtre à madame Ingabire qui pourra certainement me retracer.
Gabriel Hakizimana, PhD
Quand vous parlez de résister à la violence, il faut prendre en compte le nombre de jeunes qui ont été formés ou incités à lutter contre la violence quelle contrepartie ils ont en agissant de la sorte. Avez-vous pris le temps de penser au niveau de désespoir que ces jeunes ont atteint jusqu »à se laisser aller à la violence en connaissance des conséquences ? Lorsque nous proposons des solutions ou des moyens de prévention à la non violence, nous devons avoir une contrepartie assez solide et sérieuse. Les jeunes aujourd’hui n’ont pas besoin qu’on en parle car ça fait des années qu’on en parle : résultats : pas d’effet. Les jeunes aujourd’hui ont besoin de preuves par actes. Parce que s’il n’y avait pas autant de jeunes chômeurs,il n’y aurait pas autant de laisser aller à la violence. C’est ici que je rejoins l’opinion de Marc Bukuru sur l’impatience des jeunes en matière politique et aussi en matière de développement.
Cher Madame,
Il y a, dans votre analyse, le CNDD-FDD et les autres…n’est-ce pas trop simpliste? Vous dites: « les jeunes du parti présidentiel « Imbonerakure » et ceux des autres formations politiques de l’opposition. » La jeunesse du parti au pouvoir a un nom, donc facilement identifiable en « Imbonerakure », jeunesse qui aurait le monopole du mal et de la violence selon la presse. Les autres, sont neutres!
Ainsi, l’on a vu et entendu toute au long des contestations que la jeunesse contestataire n’avait pas d’identité sauf celle de s’opposer au 3ème mandat, une cause rendu noble par les membres de la société civile, les partis politiques et les amis étrangers de ces derniers..Donc, tout acte pour une cause noble peut se justifier.
Oui la jeunesse est manipulé et l’a toujours été…mais il y a fort à parier que cela ne daterait pas d’avril dernier.. car très rapidement, l’on a assisté à une organisation des manifestations très bien huillée.., armes à l’appui dans certaines situations. Ont-elles été distribué à partir du mois d’avril? Peut-être oui et dans ce cas, cette jeunesse est extraordinaire dans l’apprentissage du maniement des armes. Etait-elle (cette jeunesse) composée des « Imbonerakure »? je tenterai de dire non! Qui est-elle puisqu’elle n’a pas de nom à part le nom noble, celui de « manifestants contre le 3ème mandat »..
Donc pour conclure mon propos que nous sommes un peuple qui ment éternellement et notre jeunesse a été, hélas, contaminée car figurez-vous, et à coup sur, au moment de ce fameux atelier pour parler de cohabitation, les uns aiguisaient stratégie, les autres leurs armes pour en découdre!
Pas de déception dans un contexte où on sait forcement que l’on se ment et c’est ça le mal de mon peuple et de mon pays..A vous les journalistes d’oser dire les choses et ne pas alimenter davantage cet état d’esprit!
Très bonne journée à vous tous.
Bonsoir chère Ngabire!
A vous tous chers lecteurs, salut!
je suis ravi de la manière dont les publications sont commentés, raison pour laquelle j’aimerais m’entretenir avec Gabriel pour juste échanger sur la problématique. S’il ne va pas me convaincre davantage, je ne doute pas qu’l me complétera.
Chère madame Ingabire,
Je suis quelque peu en désaccord avec M. Marc Bukuru de SDC-Burundi qui identifie l’impatience des jeunes comme source de manipulation. Certes, en pointant du doigt l’appât du gain, il touche un élément important dans la mesure où les facteurs socio-économiques constituent la trame de fond de cette manipulation. Malheureusement, il n’est pas le seul, loin de là. Les facteurs qui influencent le comportement de ces jeunes sont très complexes et nécessitent une réflexion plus systémique pour démêler … cette complexité. Désolé pour mon langage très théorique. La théorie nous permet d’éviter l’erreur de conclure à l’inefficacité de l’intervention alors qu’à la base sa conception elle-même était inadéquate.
Cela étant dit, quel impact pourrait-on attendre d’un atelier de 3 jours destiné à 35 jeunes – leaders soient-ils – à la veille des élections? À peu près RIEN!
Nous savons depuis des années maintenant que même si les connaissances peuvent exercer une certaine influence sur l’action, elles ne constituent pas du tout un déterminant direct du changement de comportement. Autrement dit, quand bien même vous auriez formé 35 voire 1000 jeunes pendant un mois, il n’est pas dit qu’ils ne se seraient pas laissés à la manipulation politique et à l’intolérance malgré les connaissances accumulées. Qui ne sait pas qu’une relation sexuelle non protégée constitue un risque à la santé? Qui ne sait pas que la ceinture de sécurité sauve des vies? Pourtant…
Pour changer son comportement, il faut avoir l’intention d’agir, c’est-à-dire être motivé et y mettre de la volonté et de l’effort pour aboutir à ce comportement. Encore faut-il définir CLAIREMENT ce comportement et rechercher les facteurs directs et indirects qui le caractérisent. Voilà la clé.
Les uns et les autres tentent de donner des explications à l’intolérance politique des jeunes et sautent vite aux conclusions (voir M. Bukuru et les deux tendances). En réalité, il faut rechercher ces explications dans les facteurs indirects qui influencent l’adoption du comportement. Il s’agit en l’occurrence des croyances de l’individu et l’importance qu’il donne à celles-ci, la perception qu’il a de ses propres leaders (sociaux, politiques, d’opinion), la motivation à agir dans le sens indiqué par ces leaders ainsi que les facteurs qui facilitent ou nuisent l’adoption du comportement.
Ces facteurs indirects sont très importants, car ils influent beaucoup sur l’attitude, la pression sociale et la perception du contrôle (à l’égard du comportement) qui, eux, sont des déterminants directs de l’intention de changer de comportement. Autrement, les 3 éléments modifient l’intention, laquelle entrainerait à son tour l’adoption du comportement. Mais on agit sur quoi? Sur les facteurs indirects.
Le reste n’est que de la planification. Résumé comme cela, c’est facile. Mais dans la vraie vie, ce n’est pas si simple. C’est un travail de longue haleine qui s’effectue en plusieurs étapes par ailleurs non figées.
Gabriel Hakizimana