Selon la police et l’armée, deux personnes ont été tuées, depuis dimanche, 26 avril. De son côté, Iwacu a répertorié sept cas de personnes tuées.
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Jean Népomucènne Komezamahoro, le jeune martyre
Il fut la première personne tuée dans ces manifestations. La scène s’est passée au quartier Mutakura en commune urbaine de Cibitoke vers 14 heures à la 12ème avenue tout près de la permanence du parti Msd. Le jeune adolescent de 15 ans habitait la 16ème avenue. Il était parti assister comme tout le monde aux manifestations. Lorsque des policiers ont couru derrière les jeunes, confie un témoin, le jeune s’est retrouvé coincé et s’est assis en mettant les bras en l’air mais un des policiers lui a tiré dessus à bout portant de plusieurs balles dont certaines à la tête. Il est mort sur le champ. Selon ses proches, le jeune Népomucène était élève à l’école fondamentale de Ngagara en 7ème année. Il était scout, membre de la patrouille Aigle de Saint Exupéry.
Le corps sans vie d’un jeune homme d’une vingtaine d’année a été retrouvé à Ngagara au niveau de l’Université Hope dans la soirée. Mais Iwacu n’a pas pu retrouver son adresse ni son identité.
A côté de ces tués pendant les manifestations, d’autres l’ont été dans la soirée de dimanche à la 9ème avenue par un groupe de gens armés des tenues policières.
Jean Marie Mwitaminwa, le soudeur
Né en 1954 en commune urbaine de Kinama, ce père de 6 enfants rentrait avec sa femme à bord de sa moto en provenance du marché dit chez Sion où celle-ci tient un restaurant : « C’était vers 19 heures. Il est arrivé avec sa femme et ils sont rentrés dans la véranda de leur maison. »
C’est à ce moment, précise notre source que trois hommes dont deux habillés en tenue policière et un autre en short avec des casquettes pour cacher leurs visages, ont surgi : « Deux avaient des armes de type kalachnikovs et l’autre avait une machette. »
Celui qui portait la machette lui a assené un coup à la tête, se rappelle notre source : « La victime a crié en suppliant et en disant qu’il n’est pas Burundais et qu’il n’avait rien avoir avec les manifestations. Les assaillants ont répliqué que c’est lui qu’ils cherchaient.»
Sa femme, se souvient l’un des voisins, leur a proposé 200 mille Fbu pour qu’ils ne tuent pas son mari. Les bourreaux ont pris l’argent mais lui ont tout de même tiré deux balles au niveau du ventre et il est mort sur le champ. Un autre a donné un coup de machette à l’épouse sur la tête et celle-ci a perdu connaissance. Elle a été conduite au centre de santé du quartier Bukirasazi en commune urbaine de Kinama. Selon ses proches, Jean-Marie Mwitaminwa était soudeur et vendeur de matériaux de toutes sortes. Il ne s’intéressait pas à la politique.
Vénérant Kayoya (65 ans), l’éleveur
Après leur forfait, les assaillants ont tué un dénommé Vénérant Kayoya à la même avenue. Cet éleveur des vaches venait de rentrer à la maison où il a déposé du lait. Après confie sa voisine, il est parti discuter avec des amis tout près de chez lui : « Ils étaient à trois en train d’échanger lorsque les assaillants qui venaient de tuer le Congolais ont surgi et leur ont tiré dessus. » Vénérant Kayoya est mort sur le champ.
Claude Niyonzima, du garage Toyota
Les assaillants ont continué leur forfait au numéro 41 de la même avenue où ils ont tué Claude Niyonzima (41 ans) devant sa porte. Selon Déodette Havyarimana, sa femme, son époux discutait avec des voisins avec qui il habite dans la même parcelle lorsque les assaillants sont arrivés : « Je venais de rentrer à l’intérieur de la maison avec nos trois enfants lorsque quelqu’un a crié en disant que nous sommes attaqués. J’ai eu le reflexe de fermer la porte. »
Quelques minutes après, confie Déodette Havyarimana, les assaillants ont exigé à son mari et un de leurs voisins de se coucher par terre : « La peur avait envahit les deux hommes qu’ils n’ont pas bougé. Les assaillants ont giflé mon mari.»
Puis, confie toujours la veuve, l’un des assaillants avec la machette a asséné un coup au voisin qui s’est vite couché par terre : « Ils lui ont dépouillé sa porte-monnaie et son téléphone. » Son mari a voulu s’approcher de la porte de sa maison, sa femme lui suppliait de se coucher avant qu’ils ne le tuent : « Je lui disais chérie couche toi sinon ils vont te tuer mais mon mari ne bougeait plus et tout d’un coup ils lui ont tiré une balle dans les côtes. » Déodette Havyarimana s’est refugiée dans la chambre avec ses enfants. Pendant ce temps se souvient la veuve, les assaillants disaient «Mwaranse kumwemera tuzobemeza mwa mbwa zabatutsi» : Vous n’avez pas voulu l’accepter nous vous le ferons accepter par force, chiens de tutsi.
La jeune veuve confie être ressortie 10 minutes après ce meurtre : « Mon mari agonisait et j’ai crié au secours mais personne n’est venue. Il est mort 10minutes après. » L’ambulance est arrivée sur place vers 23 heures.
Léonidas Nibitanga, le vieux sage
L’autre victime de ces trois hommes armés est Léonidas Nibitanga, la soixantaine, père de 7 enfants. Selon un de ses enfants, il a quitté son domicile sis à la 8ème avenue pour se rendre à la 9èmeavenue vers 18h30 pour causer avec des amis. « Les assaillants ont surgi et l’ont frappé trois coups de couteaux au niveau de la tête avant de l’achever avec une balle dans la tête », confie une source. Après poursuit notre source, ils lui ont dépouillé de tous ses biens : « Nous avons retrouvé son téléphone portable le lendemain dans un caniveau. » Selon des proches, le vieux Léonidas comme l’appelaient tous ceux le connaissait, était sociable et encourageait surtout les jeunes à travailler : « Lorsqu’il a tout perdu dans l’incendie du marché central de Bujumbura, il ne s’est pas découragé et a été le premier à aider ses amis. C’était un homme exceptionnel. »
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Manifs : Des blessés des deux côtés
Les manifestations contre la troisième candidature de Pierre Nkurunziza ont fait plusieurs blessés aussi bien chez les manifestants que chez les policiers.
Du côté de la police, on parle plus de 37 policiers blessés dont 10 grièvement. Mais jusqu’ici pas de bilan présenté par les organisateurs de ces manifestations contre le troisième mandat de Nkurunziza. Certains manifestants ont bénéficient de soins ambulatoires, d’autres sont hospitalisés, notamment à l’hôpital Roi Khaled, l’hôpital militaire et dans d’autres établissements hospitaliers.
G.F., la quarantaine, a reçu un coup de machette au devant de la tête. C’était dimanche à 19h. Il habite à Mutakura 9ème avenue. « Nous étions assis devant notre parcelle, tranquilles, en train de discuter avec des voisins des événements de la journée. Du coup, nous avons entendu une personne qui courait à vive allure en criant ‘nous sommes exterminés’, trois hommes en tenue policière étant à ses trousses. » Tétanisés, ils sont restés là. Au bout de quelques minutes, ils se retrouvent en face de ces trois hommes armés. L’un en short et tee-shirt avait une machette et les deux autres armés de kalachnikov portaient des tenues policières. Arrivés à leur niveau, ils les dépouillent de leurs porte-monnaie et téléphone portables : « Ils nous ont ensuite intimé l’ordre de coucher par terre. »
Terrorisé, G.F. commence à s’exécuter lorsqu’il reçoit un coup de machette à la tête. Un voisin, qui était avec lui, a voulu courir et a reçu une balle dans l’abdomen. Ces trois hommes armés leur lançaient : « Chiens de Tutsi, vous refusez la candidature de Peter, on vous forcera à l’accepter. » G.F. indique qu’il a dû attendre trois heures pour que les secours arrivent.
Landry Nimpagaritse, 18 ans, habitant à Cibitoke 11ème avenue n°50, est hospitalisé à l’hôpital Roi Khaled, depuis ce dimanche. Il a reçu une balle à la hanche. « J’étais chez un ami à la 12ème avenue. Nous étions en train de discuter quand un policier est venu. Mon ami a pris la fuite, mais je suis resté assis, car je n’avais rien à me reprocher. Sans aucune autre forme de procès, le policier lui a tiré dessus à bout portant. « Je n’arrive pas à comprendre pourquoi il a fait ca ? », se plaint-il, le visage défiguré par la douleur. Il vient en effet de subir une intervention chirurgicale, car il a un os brisé. L’adolescent affirme ne pas avoir pas participé aux manifestations. Il étudie en 10ème année à l’école St Luc, tout près de la rivière Ntahangwa.
Epimaque Nzohabonayo, la trentaine, est lui aussi hospitalisé à l’hôpital Roi Khaled. Habitant la 3ème avenue à Cibitoke, il a reçu une balle à la hanche. Orphelin et chômeur, il indique ne pas recevoir les soins appropriés faute de moyens : « Je dois être opéré, mais l’hôpital m’exige à payer une caution de 250 000 Fbu.» Ce dernier affirme que c’est un certain Ayubu qui lui a tiré dessus. « Plusieurs personnes étaient dans la rue quand la police a commencé à lancer des gaz lacrymogènes. J’ai pris la fuite, mais Ayubu m’a pourchassé jusqu’à une petite église à Mutakura. Les fidèles en train de prier ont crié, mais il a fini par me tirer dessus », raconte Epimaque. Enfant unique, ce dernier habite avec sa grand-mère. Jusqu’ici son petit-fils subvenait à ses besoins par de petits boulots. Désormais il est cloué au lit, et pour se nourrir, il compte sur les autres malades. Il implore les bienfaiteurs de lui venir en aide, sinon il risque d’être amputé de sa jambe gauche.
Emmanuel Nkurunziza, 17 ans, est vendeur dans une boutique à Mutakura. Dimanche à 14h, il quitte son domicile pour faire des achats « chez Siyoni ». Arrivé à la station-service « Mogas », une balle perdue l’a atteint au bras gauche. Ses jours ne sont pas en danger.
Quant à Abdoul Gasase, la vingtaine, il habite la commune urbaine de Ngagara. Il est aux soins intensifs au centre hospitalo-universitaire de Kamenge. Il a été brûlé au premier degré au visage, au buste et au bras gauche. Lors des manifestations, il était en train de déverser de l’essence sur des morceaux de bois lorsqu’il a été atteint par des flammes.
A l’hôpital militaire, d’autres blessés sont en train d’être soignés.