Mardi 05 novembre 2024

Politique

Mandela dur avec tout le monde

20/07/2018 Commentaires fermés sur Mandela dur avec tout le monde
Mandela dur avec tout le monde
Personne n’osait remettre en question une décision de Mandela.

Le 18 juillet, le monde célèbre la naissance de Nelson Mandela. Au Burundi, cette personnalité a joué un rôle crucial dans la résolution de la crise de 1993.

Nelson Mandela chérissait l’idéal d’une société libre et démocratique dans laquelle tout le monde vivrait ensemble dans l’harmonie et avec des chances égales. Il a succédé à Julius Nyerere, le 1er décembre 1999, comme médiateur dans les pourparlers inter- burundais officiellement ouverts en juin 1998.

Tout en maintenant la structure mise en place par Nyerere, il a poussé le G7 (Partis Hutus) et le G10 (Partis Tutsi) à conclure un accord. Au début, il avait abordé la question burundaise avec une grille de lecture, tirée de son expérience personnelle : celle d’une majorité opprimée par une minorité. Cette allusion faite à l’apartheid avait suscité la méfiance des Tutsis. Mais avecle temps, Mandela a compris que la situation burundaise était plus complexe, que ce n’était pas « une minorité qui opprimait une majorité ». Il n’hésitait pas à se montrer ferme vis-à-vis des deux camps.

Madiba n’accordait pas de répit aux protagonistes de la crise. Il alternait des réunions confidentielles sans témoins ni notes et les interpellations en public. Certaines étant perçues comme humiliantes par les Burundais. « Maintenant, je comprends pourquoi les Tutsis vous ont opprimés pendant quatre siècles, c’est parce que vous n’êtes pas des leaders » s’est-il un jour adressé à Jean Minani et à Léonard Nyangoma. Ils ne sont pas les seuls à avoir subi les foudres verbales du vieux.

L’ancien Président de la République Pierre Buyoya a été accusé de vouloir se comporter comme Pinochet l’ancien dictateur chilien. Quant aux rebelles, Mandela leur disait qu’ils sont faibles pour faire tomber l’armée loyaliste de l’époque et qu’ils déversent leurs colères sur des civils innocents. Cette fermeté a permis de faire bouger les rigides positions des négociateurs burundais.

Un homme sensible aux conditions humaines

A la surprise générale, lors de sa visite au Burundi, le 11 juin 2000, il s’est tout de suite dirigé à la prison centrale de Mpimba. Il a fait fi du protocole pour s’enquérir des conditions carcérales. Les yeux larmoyants, il a dénoncé ce lieu de détention comme impropre à la vie humaine. Pour l’ancien président Sylvestre Ntibantuganya, ce geste démontre l’importance qu’il accordait à la dignité humaine et aux droits de l’homme.

S’exprimant devant le commandement de l’armée, il leur a signifié que les réclamations des rebelles sur l’armée d’alors avaient une part de crédibilité.

D’autant plus que l’armée était taxée de mono ethnique. «Si vous acceptez l’intégration, vous occuperez une meilleure position morale qu’eux. En retardant votre engagement, vous leur donnez par contre matière à continuer les combats », a-t-il déclaré.

Mandela a imposé une date butoir pour la signature de l’accord. Bien qu’elle fût considérée comme irréaliste par nombreux observateurs, celle-ci n’a jamais été modifiée. « Personne n’osait remettre en question une décision de Mandela », écrit l’ancien président Buyoya dans son livre.

L’accord a été finalement signé, avec des réserves, le 28 août 2000 au terme de 26 mois de débats publics entre 17 partis politiques, le gouvernement et l’Assemblée nationale. Seul bémol : l’absence des groupes rebelles à la signature.
Sa notoriété a permis d’arracher un accord qui a permis de trouver la stabilité du pays. 2015, plus d’une année après sa disparition, le Burundi est retombé dans une nouvelle crise. La médiation actuelle peine à imprimer ses marques. Elle patine.

Mais, c’est peut-être l’ancien président Buyoya qui résume mieux le rôle de cet homme dans le processus de paix d’Arusha : « C’était un Médiateur difficile, très dur, mais par contre, honnête. Il a apporté un plus aux négociations, notamment cet aspect d’intégrité : s’il était dur, il l’était avec tout le monde. S’il faisait pression, il la faisait sur tout le monde, avec le seul objectif de faire avancer la cause de la paix. » Intégrité. Tout est dit.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Réactions

Léonce Ngendakumana : « L’héritage de Mandela reste bel et bien vivant »

L’esprit de l’accord d’Arusha reste gravé dans les cœurs et la mémoire des Burundais, de la région et de la communauté internationale» explique Léonce Ngendakumana, vice-président du parti SahwanyaFrodebu. D’où l’héritage de Mandela existe toujours. Il estime qu’il y a des signes qui ne trompent pas. Notamment la résistance de la grande majorité des Burundais jusqu’à accepter la mort, la prison et l’exil. Les efforts de l’EAC, de l’UA, de l’ONU et de l’UE. Et d’ajouter que la récente déclaration du président Nkurunziza n’est pas le fruit du hasard. Sur la question de savoir si les divergences d’interprétations sur la Constitution en 2015 auraient eu lieu de son vivant. M .Ngendakumana estime qu’il est difficile de répondre spontanément à cette question. Cependant, il pense qu’il n’aurait pas accepté que les acquis d’un accord qu’il a parrainé soient remis en cause.

Pancrace Cimpaye : « Il faut sauver l’héritage de Nelson Mandela au Burundi »

Pour le porte-parole du Cnared, cette journée est célébrée dans la douleur. Le pacte qu’il a légué a été enterré le 7 juin 2018. Faisant allusion au référendum de la nouvelle constitution. Pour ce, il en appelle aux garants de l’accord d’Arusha d’honorer leur engagement. Protéger l’accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation. Il déplore également le manque d’un Mandela dans la résolution de la crise burundaise. «Mandela remuait ciel et terre pour la cause de la paix au Burundi et n’hésitait pas à réveiller le président des Etats unis pour soumettre une requête de fonds» se désole-t-il.

Abel Gashatsi : «Nous sommes dans les pas de l’héritage de Mandela »

Selon le président du parti Uprona, l’héritage de l’ex président sud-africain est toujours visible. « Nous avons les institutions qui sont issues du consensus d’Arusha parrainé par Mandela» indique-t-il. Les quotas ethniques dans l’armée sont respectés. Il indique que toutes les commissions recommandées par les accords d’Arusha sont à l’oeuvre. Il cite la commission de vérité et réconciliation qui va permettre aux burundais de parachever le processus de réconciliation tel que l’avait prôné Mandela.

Sylvestre Ntibantunganya : « C’est l’architecte de l’Accord d’Arusha »

« L’héritage du président Nelson Mandela ne se limite pas seulement au Burundi. Il va au-delà de son propre pays. Un héritage mondial, de l’humanité », déclare l’ancien président Sylvestre Ntibantunganya. En outre, raconte-t-il, cette icône mondiale de la liberté avait une carrure lui permettant de s’adresser dans des termes sans équivoques à n’importe quel négociateur burundais à Arusha.« Il suffit ici de voir comment il s’adressait au président Buyoya, aux autres chefs de délégation quand il voyait qu’il traînait les pieds ». Et ce, pour prendre des décisions qui s’imposaient pour la paix des Burundais. Ce qui ne l’empêchait pas qu’en cas de gestes positifs, il était disposé à valoriser ces avancées. D’aprè s le pré s i dent Ntibantunganya, le Burundi a bénéficié une grande figure mondiale. « Et c’est cela qui donne de la valeur, de l’importance à cet Accord d’Arusha qu’il nous a aidés à conclure ».

Editorial de la semaine

Enrôlement des électeurs. Entre fatalisme et pessimisme

Alea jacta, les dés sont jetés. La période d’enrôlement qui avait officiellement commencé le 22 octobre a pris fin ce 31 octobre. Se faire enrôler est un devoir hautement civique et citoyen en vue de reconduire ou renouveler la classe (…)

Online Users

Total 3 422 users online