Plus de 870 cas de violences sexuelles et basées sur le genre(VSBG) en 20 mois. De 40 à 50 nouveaux cas chaque mois. Les VSBG sévissent dans la province Makamba.
Viol et violences domestiques, voilà les principales violences que subissent certaines femmes. A l’hôpital de Makamba, leur souffrance ne passe pas inaperçue.
Il est 9h, il pleut des cordes. Avant d’accéder à l’entrée principale de l’hôpital, en bifurquant vers la gauche, une pancarte indique la direction du centre intégré de prise en charge de victimes de violences.
A l’intérieur, deux femmes, bien couvertes de pagnes, regards assombris, elles attendent d’être reçues. L’une d’elles a les larmes aux yeux. Elle se couvre le visage à chaque fois qu’elle croise un regard. C’est à peine si l’on remarque qu’elle est enceinte de 8 mois. Difficile de la convaincre de témoigner. Certaines violences restent taboues.
Isidore, 26 ans, confie finalement qu’elle a été chassée par son mari. Leur 3ème enfant âgé de 2 ans, la pomme de discorde. Le mari accuse que l’enfant n’est pas le sien. La grossesse aussi. Battue, menacée de mort, contrainte de dormir toute nue à la belle étoile… elle décide de jeter l’éponge et quitte le foyer.
A quelques mètres, une jeune fille, pieds nus, évitant de croiser tout regard attire l’attention. Encore sous le choc, Jeanine, 14 ans, habitante de la commune Nyanza-lac, confie qu’elle a été violée toute la nuit de ce dimanche dernier. Elle vient de passer deux jours à l’hôpital pour des soins. Une femme âgée vient la récupérer. C’est une maman des plus désespérée qui confie que la victime est sa 2ème fille. « Il ne me reste que deux filles parmi dix enfants. Tous les autres sont morts », lâche-t-elle, au bord des larmes.
D’autres victimes continuent à débarquer. Divers cas. Un mouvement de va-et-vient s’observe dans le bureau de l’officier de la police judiciaire (OPJ). Ce dernier indique qu’il convoque les auteurs de ces violences pour établir les dossiers qui seront envoyés à la justice.
Des chiffres qui parlent
Le directeur de l’hôpital Makamba, Dr Clément Havyarimana, affirme que ce centre intégré a été mis en place en février 2017. Il a reçu 871 cas de VSBG jusque-là, parmi lesquels 388 cas de violences sexuelles. « Chaque jour, le centre reçoit des victimes ». Dr Havyarimana parle de 40 à 50 nouvelles victimes chaque mois. Des hommes y compris.
D’après lui, les cas de viol diminuent au fil du temps. Les violences domestiques et économiques l’emportent aujourd’hui. La diminution des violences sexuelles s’explique par la répression et la sensibilisation, selon ce directeur. « Le viol n’est plus un tabou, les victimes osent en parler ».
Ce centre intégré offre la prise en charge psychologique, médicale et juridique. Une fois les dossiers établis, ils sont envoyés au parquet pour jugement des auteurs. Mais l’OPJ de ce centre, Vincent Ndayishimiye, affirme qu’il ne fait pas de suivi pour s’assurer que l’affaire a été jugée. La balle est dans le camp du parquet.
Briser les tabous
Bien que les violences restent un tabou chez certaines femmes, d’autres se lâchent. Dans les communautés, des épouses, des mères, des victimes de VBG révoltées.
Une mère de six enfants confie qu’elle est battue presque chaque jour par son mari. « Chaque soir, je vis l’enfer», lâche-t-elle, montrant les blessures à la jambe et au dos. Elle raconte qu’elle dort dans la cuisine, depuis plusieurs jours. Maçon, son mari ne nourrit jamais sa famille. Il consomme tout ce qu’il gagne au bistrot. « Il a même refusé d’enregistrer les enfants à la commune ».
Une autre jeune maman affirme subir des violences morales. « Il me dit toujours que je ne suis pas une femme. Je l’ai souvent attrapé avec une autre femme dans notre lit ». Quand elle a accouché un garçon, les violences ont diminué. Mais aujourd’hui, son mari a repris de plus belle. « Il y a deux jours, il avait une autre femme dans mon lit ».
Le gouverneur de la province Makamba, Gad Niyukuri, signale qu’il reçoit directement plusieurs victimes de VSBG. D’après lui, les violences physiques et économiques sont les plus fréquentes dans sa province. Il a déjà reçu plus de 4000 cas en trois ans.
M. Niyukuri loue la mise en place du centre intégré : « Grâce à lui, les violences diminuent sensiblement. »