Les commerçants de Makamba se félicitent du bon climat des affaires avec leurs voisins tanzaniens. Ils ont pourtant maille à partir avec l’Office Burundais des Recettes (OBR).
Benoît Bigirimana, représentant des commerçants au marché de Makamba, dit que les Burundais ne rencontrent aucune barrière non tarifaire quand ils passent la frontière pour aller s’approvisionner en Tanzanie.
« Les Tanzaniens vérifient seulement si nous avons le passeport, les factures et si nous avons été vaccinés contre la fièvre jaune. »
Pourtant, il se plaint de certains agents des bureaux de Mabanda et de Kayogoro qui s’adressent des fois aux commerçants en de termes « discourtois ». Pire, poursuit-il, ils nous font décharger toutes nos marchandises par terre alors que dans le temps la vérification se faisait par échantillonnage. Et d’exploser : « Cela nous fait perdre du temps fou et des frais de manutention ».
M. Bigirimana va même jusqu’à reprocher à certains agents de l’OBR d’être enclins à la corruption. Il s’en prend également aux visites intempestives des agents de l’unité mobile de l’OBR au marché de Makamba pour la saisie des marchandises dites de fraude, sans discernement. Et d’avertir : « Les commerçants sont décidés d’en découdre avec eux s’ils osent de nouveau faire irruption dans le marché. »
A l’OBR, M. Bigirimana reproche l’imposition de taxes que bien des commerçants ne peuvent plus supporter : « Une quarantaine de commerçants ont déjà fui le pays pour s’installer en Zambie, au Malawi ou au Mozambique ». Il affirme aussi que bien d’autres ont été acculés à abandonner le commerce.
Réactions des administratifs
Gilbert Nduwayo, gouverneur de Makamba affirme avoir reçu les plaintes des commerçants au sujet de certains agents de l’OBR qui ne sont pas assez courtois. Il dit avoir rencontré le commissaire général de l’OBR pour lui exposer ses inquiétudes au sujet des opérations improvisées des agents de l’unité mobile. « Ces incursions peuvent être source de troubles publics », estime le gouverneur. Il ne nie pas pourtant l’existence des pratiques de fraude.
Le gouverneur fait siennes les lamentations des commerçants qui s’approvisionnent en pagnes à Bujumbura au marché dit « Chez Siyoni » et qui ont des factures délivrées par les grossistes. Il espère que l’OBR remettra les pagnes saisis à tous les commerçants qui présenteront des factures.
Au sujet des commerçants qui s’expatrient, il dit être au courant de ce phénomène. Il fait vite remarquer que le phénomène date d’avant 1993 et qu’il s’est poursuivi durant les années de crise. Il observe aussi que certains commerçants burundais expatriés continuent à faire tourner leurs business au Burundi parallèlement à leurs activités à l’étranger.
D’après lui, l’OBR organisera en janvier 2015 des séances de sensibilisation des commerçants au civisme fiscal.
Jean Mvuyekure, directeur chargé de la communication à l’OBR ,dit que parmi les raisons qui pousseraient les commerçants à s’expatrier c’est la peur des contrôles de l’OBR. Les commerçants sont pris de panique quand ils apprennent que ces vérifications peuvent porter même sur les cinq dernières années. Il félicite les agents de l’OBR pour la minutie des vérifications auprès des commerçants qui effectuent les déclarations aux bureaux de Mabanda et Kayogoro.
Un petit commerce « illégal »
Une visite dans la province de Makamba, le mercredi 10 décembre, aura permis de constater l’existence d’un commerce illégal mais toléré.
Il se fait à travers la Maragarazi, une rivière qui se traverse à gué. Par exemple, à une cinquantaine de mètres de la berge, dans le marché d’une petite localité appelée « Mu rya Buhinja » de la commune Kibago (environ 50 km du chef-lieu de Makamba) se vendent des produits exclusivement tanzaniens. Il s’agit particulièrement des ustensiles en plastique comme les bassins et les seaux. On y trouve aussi des produits textiles comme les pagnes et les habits prêt-à-porter de toutes sortes et même la friperie. Le marché est approvisionné aussi en vivres tanzaniens comme le maïs, le riz et le haricot, etc. On y trouve aussi du poisson, toujours tanzanien.
Le savon de la société Savonor, c’est quasiment le seul produit burundais que les T anzaniens viennent chercher dans ce petit marché.
De petits commerçants tanzaniens qui s’approvisionnent à Kisulu ou à Kigoma (deux villes tanzaniennes) préfèrent vendre leurs marchandises dans ce petit marché. Pour faire leurs emplettes, leurs compatriotes sont obligés de traverser la Maragarazi.
Si ce commerce de part et d’autre de la rivière témoigne des bonnes relations entre les Baha (Tanzaniens) et les Moso (Burundais), il est à noter qu’il revêt un cachet illégal. Mais les petits commerçants ne sont pas du tout sensibilisés sur cet aspect, comme en témoigne une Tanzanienne qui, aux environs de midi, passe la rivière avec une dizaine de seaux sur la tête. Elle ne se souciait même pas de la présence des journalistes. Comme tous les petits commerçants tanzaniens et burundais, elle avoue innocemment qu’elle n’a jamais entendu parler de l’OBR.
Les petits commerçants de la localité ne payent que la taxe communale.
Petits poissons deviendront grands
L’OBR s’accommode de cette situation pour au moins deux raisons.
D’abord, comme ne cesse de le dire Domitien Ndihokubwayo, commissaire général de l’OBR, les petits marchands finiront un jour par devenir de grands comerçants. C’est à ce moment que l’OBR percevra des droits et taxes sur leur commerce.
Ensuite, l’administration fiscale ne pourrait pas se permettre de placer ses agents dans tous les petits marchés tout le long de la frontière. « Les agents ont des salaires élevés par rapport aux rentrées de fonds qu’ils effectueraient sur ces petits marchés », a dit M. Ndihokubwayo lors de la visite de juillet à Murama (Muyinga) en compagnie des journalistes.