Au village de paix de Nyakazi, 80% des familles rapatriées de Tanzanie ne se rappellent plus de leurs origines. Le village abrite plus de 4000 personnes réparties en 200 familles. Elles vivent dans des conditions précaires.
A presque 20 km du Chef-lieu de la Commune de Kibago, province Makamba, au sud du pays. Dans une pénéplaine, on y trouve des maisons construites majoritairement en briques adobes. Elles sont couvertes de vieilles tôles ondulées. Certains propriétaires ont cimenté les murs.
Sur une parcelle d’environ 20 m sur 15, une hutte sert de cuisine en face de la maison principale. Ces habitations sont dans un état vétuste. Trois se sont déjà écroulées. D’autres présentent des fissures.
Nous sommes au village au village intégré de Nyakazi à 2 km de la frontière burundo-tanzanienne. Le lieu est un peu calme. Des enfants jouent au ballon, d’autres jouent au cache-cache, etc. Tout près des maisons, des arbres fruitiers, les avocatiers, des manguiers, les orangers.
Des palmiers à l’huile bordent les huit ‘’transversales’’ (les rues) que compte ce village. Leur feuillage couvre partiellement les toitures des maisons.
La vie est un vrai calvaire ici. Et la plupart des occupants ne savent plus leurs origines. « J’ignore totalement d’où venaient mes parents, mes arrières-parents … », raconte Jacqueline Ntirijinama, 52 ans.
Son seul souvenir est son appartenance à l’ethnie Twa. Elle regrette néanmoins que sa fille, son seul espoir, a été engrossée. « Elle était en seconde du post-fondamental.»
Fondant en larmes, cette mère crie au secours: « La famine risque de nous emporter. Nous avons besoin d’une aide d’urgence. »
Eric Ndayiziga, 30 ans, affirme lui aussi qu’il ne reconnaît plus ses racines. Il est né dans le camp des réfugiés de Nduta en Tanzanie. « Mes parents sont morts en exil. Je savais qu’ils étaient Burundais. Rien que ça. Et je me suis retrouvé ici. Je n’avais pas d’autres choix. » Et de lâcher : « Vaut mieux vivre en exil que dans ce village. »
Jacqueline Ndururutse, une autre rapatriée confie que la vie y est difficile. « Notre village souffre cruellement du manque de services de santé et d’eau potable. Le centre de santé se trouve à 12 km. C’est un problème pour les femmes enceintes. »
Se revendiquant elle aussi de l’ethnie Twa, elle affirme que l’eau y est très rare : « Nous pouvons passer toute une nuit à la recherche de l’eau.» Ils sont obligés de faire des kilomètres en dehors du village à sa recherche.
Elle décrit une vie en promiscuité: « Nos enfants ont grandi et commencent à se marier. Malheureusement, ils amènent les femmes dans la maison des parents ou dans la cuisine. » .Les parcelles sont petites et leurs enfants sont incapables de se de construire de nouvelles maisons. Et de tendre la main aux bienfaiteurs, à l’administration. Cette femme est aujourd’hui membre du conseil communal pour représenter ces rapatriés.
Ceux qui se rappellent de leurs origines ne sont pas à l’abri de ces difficultés. Cas de Dominique Ndoricimpa, 60 ans, rapatrié du Rwanda en 2009, avec sa femme et ses enfants : « Avant de fuir en 1973, j’avais des immeubles à Bujumbura et des propriétés à Rango province Kayanza. A mon arrivée, j’ai constaté qu’un membre de ma famille les a vendus en mon nom. Je n’y pouvais rien. Et je me suis retrouvé ici. » Désespéré, il déplore qu’en plus de leur petitesse, leur parcelle ne soit pas fertile.
La commune n’y peut rien
Selon Tharcisse Kabura, conseiller technique chargé du développement en commune Kibago, ce village est une initiative du gouvernement pour la réintégration socio-économique de ces personnes « sans adresse ». « Il y a des rapatriés venus de la République Démocratique du Congo, de la Tanzanie et du Rwanda dont les parents sont décédés en exil, qui ne savent pas leur région d’origine. Les autres sont ceux dont les propriétés ont été utilisées pour l’intérêt général.»
Et de déplorer la précarité de la vie dans ce village. L’administratif a dit que la commune ne peut pas répondre à toutes leurs préoccupations. Il cite entre autres les abandons scolaires à cause du manque du matériel, des frais de scolarité et des uniformes. Il trouve également qu’une propriété de 20m sur 25m ne peut pas faire vivre une famille de plus de cinq enfants. « Nous savons que les terres attribuées ne suffisent pas et ne sont pas fertiles. Mais, notre commune n’en dispose pas d’autres. »
M. Kabura signale que le ministère en chargé de la solidarité nationale a été informé de la situation.
Et de promettre que la question d’eau potable sera bientôt résolue : « La croix rouge est en train de répertorier toutes les sources d’eau afin de réhabiliter celles qui ne sont plus fonctionnelles et construire d’autres. »
Le gouvernement s’implique
« La solution durable pour les sinistrées est de les aider à la réintégration socioéconomique afin qu’elles ne sollicitent plus d’assistance », a indiqué Révérien Simbarakiye, directeur général de réintégration des personnes sinistrées au ministère en chargé de la solidarité nationale mercredi 13 février lors d’un atelier de présentation de la nouvelle stratégie nationale de réintégration socioéconomique des personnes sinistrées.
Pour y arriver, le gouvernement a besoin de plus de 347 millions de dollars américains.
M. Simbarakiye a indiqué que les villages de paix et sites de déplacés font face aux multiples problèmes. « Cette stratégie leur permettra d’accéder à un habitant décent, la sécurité alimentaire à travers des activités génératrices de revenus. » Un outil qui, selon lui, leur donnera accès aux soins de santé, à l’eau potable et la scolarité de leurs enfants.