Environ 200 adultes mendiants et 90 enfants en situation de rue ont été arrêtés et rassemblés au commissariat municipal en mairie de Bujumbura ce matin du 7 juillet. Certains clamaient haut et fort qu’ils ne sont pas des mendiants et demandaient leur libération. Des poursuites judiciaires seraient envisagées contre les mendiants adultes.
Des enfants, filles et garçons, des femmes avec leurs enfants, des hommes adultes, des personnes vivant avec handicaps étaient rassemblés dans les enceintes du Commissariat municipale en mairie de Bujumbura après coup de filet dans différents quartiers de la capitale économique. Il leur est reproché d’être des enfants en situation de rue ou des mendiants.
« Pour les mendiants adultes, des enquêtes seront menées par la police judiciaire et des dossiers judiciaires seront constitués et transférés à la justice. Pour les enfants, nous avons déjà trois centres qui vont nous aider pour leur encadrement en attendant l’identification de leurs familles », indique Félix Ngendabanyikwa, secrétaire permanent au ministère de la Solidarité Nationale, des Affaires Sociales, des Droits de la Personne Humaine et du Genre.
Et de préciser que la traque visaient des enfants et adultes qui dormaient au bord de la rue et dans les caniveaux ainsi que ceux qui étaient en train de mendier.
Il explique que le travail de retrait des mendiants et enfants en situation de rue a été effectué dans le strict respect des droits humains. Selon lui, ce travail continuera en collaboration avec le ministère de l’Intérieur et celui de la Justice pour qu’il n’y ait plus de mendiants au Burundi et surtout dans les rues de la ville de Bujumbura.
« Que tous les gens qui donnent de l’argent à ces mendiants sachent que le Code pénal prévoit aussi des sanctions contre eux. Ils seront punis », insiste-t-il.
Dans l’après-midi de ce 7 juillet, 72 enfants ont été transférés et accueillis dans les centres d’encadrement et de réintégration CERES et PES basés dans la zone de Jabe en mairie de Bujumbura
Des irrégularités signalées
Parmi les adultes arrêtés, certains disaient avoir été appréhendés alors qu’ils se rendaient au travail. D’autres confient qu’ils étaient dans leurs habitations. Des gens sont vénus aussi récupérer les leurs qui, selon eux, ont été confondus à des mendiants.
« On a arrêté mon frère qui se rendait au travail ce matin l’accusant d’être mendiant. Il avait oublié sa carte d’identité à la maison », indique un habitant de Kanyosha rencontré au Commissariat municipal. Il demande la police et la justice à faire des enquêtes indépendantes pour libérer ceux qui ne sont pas des mendiants.
Yousouf, un habitant de Buterere, témoigne avoir été arrêté à la maison : « Je vis à Buterere, mais travaille dans un garage à Buyenzi. On m’a réveillé tard dans la nuit alors que j’étais endormi. Je ne suis pas mendiant ».
Des mendiants restent toujours dans la rue
Le matin de ce 7 juillet, des enfants en situation de rue et des mendiants adultes sillonnaient les rues du centre-ville de la mairie de Bujumbura.
Pour les mendiantes rencontrées en face de la place de l’indépendance au centre-ville, la rue est devenue leur abri permanent. « Je suis dans la rue depuis 4 ans suite à la pauvreté. J’ai une parcelle dans la commune Isare, mais je n’ai pas de moyens pour construire une maison et subvenir aux besoins familiaux. La rue est mon dernier recours », explique avec amertume une mère de 8 enfants, vivant dans la rue avec ses deux enfants.
Elle demande au gouvernement de construire des maisons pour les mendiants ayant des parcelles ou propriétés. Pour elle, cela serait une solution durable à la mendicité.
Pour une autre femme originaire de la province de Muyinga, elle confie qu’elle est venue à Bujumbura étant encore jeune à la recherche de l’emploi.
Avec deux enfants tous nés dans la rue, elle dit qu’elle ne peut plus regagner sa famille : « Je ne peux retourner à Muyinga avec mes enfants. Ma famille ne peut pas m’accueillir ». Elle appelle les âmes charitables à lui donner un capital pour faire du commerce.
« Il faut d’abord résoudre les causes de la mendicité »
Pour Yves Ishimwe, chargé des programmes à la fédération nationale des associations engagées dans le domaine de l’enfance (FENADEB), le retrait des enfants mendiants de la rue doit être fait conformément aux droits de la personne humaine.
« Nous sommes d’accord que les enfants ne doivent pas rester dans la rue. La place pour l’enfant est dans la famille. Que ce retrait soit une initiative de trouver de trouver une solution durable ».
Pour lui, il faut écouter chaque enfant pour savoir les causes qui se cachent derrière sa présence dans la rue : « Il est important de résoudre ces causes avant de réintégrer ces enfants dans leurs familles. Cela va permettre à une réintégration durable ».
Les causes majeures de la mendicité, poursuit-il, sont la pauvreté et les conflits familiaux. Et de regretter qu’il y ait encore des gens qui exploitent la mendicité en incitant les enfants à la mendicité pour en tirer profit.
La ministre chargée des Affaires Sociales, Imelde Sabushimike, avait donné, dans une déclaration de ce 21 juin, deux semaines aux enfants en situation de rue et aux mendiants pour dégager des rues des centres urbains. Elle a menacé de considérer comme complice toute personne qui sera appréhendée en train de donner de l’argent aux mendiants.
Dans son article 525, le Code pénal burundais prévoit une servitude pénale de 14 jours à deux mois et d’une amende de cinq à dix mille BIF ou d’une de ces peines seulement à toute personne qui exploite la charité comme mendiant de profession ou celle qui, par fainéantise, ivrognerie ou dérèglement de mœurs, vit en état habituel de mendicité.
L’exploitation de la mendicité est punie de trois à cinq ans de servitude pénale et d’une amende de cent mille à cinq cent mille BIF ou d’une de ces peines seulement.
La punition peut aller de cinq ans jusqu’à dix ans et d’une amende de cent mille à cinq cent mille BIF lorsque l’exploitation est commise à l’égard de plusieurs personnes ou des gens particuliers comme, par exemple, les mineurs.
« L’exploitation de la mendicité d’autrui est punie d’une peine de servitude pénale de dix à quinze ans et d’une amende de cent mille à cinq cent mille BIF lorsqu’elle est commise en bande organisée », lit-on dans l’article 526 du code pénal.