Où sont passées les valeurs morales et humaines, l’« Ubuntu » chanté par les Burundais à longueur de journée ? Depuis un certain temps, avoir accès aux chambres froides dans les hôpitaux publics de Bujumbura relevait d’un parcours du combattant. Des gens qui ont perdu les leurs étaient même obligés d’aller à l’hôpital de Mpanda ou à Ijenda pour conserver les dépouilles mortelles en attendant les funérailles. Les agents préposés à la gestion des morgues rétorquaient que « les chambres froides étaient pleines. »
Pour une fois, on peut applaudir les réseaux sociaux. Une audio sur WhatsApp (qui a fait le buzz) va mettre à nu un odieux trafic. A l’hôpital Roi Khaled comme à l’hôpital militaire, une personne qui n’avait pas trouvé une place pour un membre de sa famille décédé a été sommée par les agents des morgues d’appeler un patron d’une entreprise de pompes funèbres, pour avoir une place. En d’autres mots, on a appris que les morgues publiques étaient gérées par un opérateur privé !
Le 22 février, les ministres en charge de la Santé publique et de l’Education ont réuni les directeurs des hôpitaux publics et les gestionnaires des morgues. A l’issue de la rencontre, plusieurs mesures ont été prises pour une meilleure organisation des morgues. Les ministres invitent notamment « les directeurs des hôpitaux à s’impliquer davantage dans la gestion quotidienne des morgues en instruisant à leurs gestionnaires à transmettre un rapport quotidien sur les entrées et les sorties des corps ; informatiser la gestion des morgues. »
Fallait-il une audio sur WhatsApp pour mettre sur pied toute une panoplie de mesures afin de mettre de l’ordre dans les morgues ? Soit.
Le respect pour les familles éprouvées et surtout pour les défunts est une valeur morale chère aux Burundais. Le respect de nos morts est un devoir.
Certes, les services des pompes funèbres sont nécessaires. Cependant, ce « business de la mort » doit s’exercer dans le respect de la loi. Et n’oubliez pas que les hôpitaux publics fonctionnent avec nos impôts. Il est d’une impérieuse nécessité pour le gouvernement de veiller à ce que de tels scandales ne se reproduisent plus en mettant un accent particulier sur le contrôle des opérateurs économiques qui veulent faire main basse dans l’exploitation des services publics. Jusque dans la mort
Cher Léandre, merci de votre éditorial et vous avez tout à fait raison de faire un clin d’œil pour le secteur privé opérant dans le domaine des services mortuaires.
Toutefois, votre conclusion devait aussi interpeller en priorité, le Gouvernement. Vous savez, la qualité des services publics a un impact positif direct sur le reste des autres acteurs y compris le secteur privé. Dans le cas d’espèce, il me parait évident que l’audio, précurseur de toute la cascade de résolutions, n’a été que la partie visible de l’isberg. Sinon, le problème réel se trouverait aussi de la faible qualité de l’offre des services de santé.