La suspension de certaines coopératives minières, des sites inexploités, la hausse du prix du matériel… font chuter la production à Mabayi, province Cibitoke. Les orpailleurs se lamentent.
«La production de l’or a chuté de plus de 70%. Au premier trimestre, nous n’avons extrait que 996 grammes. Au deuxième trimestre, elle se chiffre à 1016 grammes », confie André Giturashamba, le président de la coopérative extractive de l’or « Dukorerehamwe ». Sa coopérative avait enregistré une production de plus 3 kg d’or au premier trimestre de l’année 2018. Au 2e trimestre 2018, la production se chiffrait à plus de 8kg.
Il est 10 h. Sur la colline et zone Ruhororo de la commune Mabayi, une galerie ferme de plus 30 mètres de profondeur. L’obscurité est totale. Elle est éclairée par un groupe électrogène. Une vingtaine de creuseurs couverts, de la tête aux pieds de boue jaunâtre, travaillent à la chaîne. Munis de pioches, de pelles, de casquettes et de bottes, certains creusent et remontent la terre. D’autres se préparent à charger le camion pour acheminer les produits extraits vers le centre de lavage situé à 200 mètres.
Mêmes lamentations chez la coopérative « Dukomezumwuga ». Celle-ci exploite l’or au site minier de Kabere de la même commune. Donatien Bahinyure, son président, ne cache pas sa déception : « Cette année, la production est mauvaise. Au premier trimestre, nous estimons avoir produit 1, 5 kg et 2 kg au second trimestre ».
Une production de loin inférieure à celle des trois premiers mois de l’année passée. Il indique que la quantité produite variait de 7 à 8 kg.
Des causes multiples
André Giturashamba fait savoir que, depuis janvier 2019, le gouvernement a accordé à la société Tanganyika Mining Burundi le contrat d’exploiter les sites miniers jadis exploités par les coopératives. Plusieurs d’entre elles ont été délogées. « Notre coopérative a perdu trois sites miniers : Gahoma, Gitovu et Gasarabuye.» En outre, poursuit-il, le site Ruhororo, exploité depuis plus de dix ans, n’est plus rentable. « Il est presque épuisé. Les minerais se trouvent loin. Les creuseurs ne peuvent pas y arriver. Il nous faut des machines. »
Cet orpailleur déplore que cette société minière n’ait pas encore commencé à exploiter les sites de Gitovu et Gasarabuye, « ce qui réduit la production». Il fait savoir que ces sites étaient exploités par des coopératives. Et Domitien Bahinyuye de compléter : «Les sites miniers de Rwabo, Nyamusumo et Kivogero, jadis exploités, sont aujourd’hui abandonnés. »
Selon lui, l’Etat a diminué la superficie de ces sites. Ainsi, il souligne que les coopératives n’ont pas pris le risque de verser à la BRB la redevance annuelle de 5 000 USD et une contribution annuelle d’un million de BIF pour la réhabilitation du site. « Elles ont peur de travailler à perte. » Elles estiment qu’elles ne peuvent pas récupérer les fonds engagés.
Et certaines coopératives n’ont pas bénéficié de nouveaux contrats d’exploitation. « Faute de moyens, elles n’ont pas fermé les sites comme l’exige le code minier. » D’après lui, on les accuse de laisser derrière des trous béants provoquant des accidents mortels.
Ces orpailleurs assurent que les pluies ont bloqué les creuseurs. « Tous les matins, les galeries étaient remplies d’eau. Ils ne pouvaient pas arriver loin », signale M. Bahinyuye. « L’année dernière, nous pouvions creuser jusqu’à 25 m de profondeur. Au cours du premier trimestre 2019, nous étions bloqués à 10 m».
La hausse du prix du matériel, de l’essence et des vivres est à la base de la chute de la production. Le prix d’achat d’une motopompe, détaille-t-il, est passé de 600 en 2018 à 800 mille BIF en 2019. « Les moins nantis étaient obligés d’arrêter l’extraction». Six chantiers ont jeté l’éponge, suite à la hausse de prix.
Pour augmenter la production, M. Bahinyuye suggère à l’Etat de donner aux coopératives les sites miniers non-exploités accordés à la société Tanganyika mining Burundi. Il propose, en outre, de combiner les sites qui ont été morcelés pour encourager les coopératives à prendre des risques.
Chômage vs réduction du salaire
Plus de 140 creuseurs de la coopérative « Dukorerehamwe » sont au chômage. En 2018, cette coopérative a embauché plus de 250 creuseurs. Aujourd’hui, elle ne compte que 90 creuseurs, précise M.Giturashamba, son président.
Les concernés ne savent plus à quel saint se vouer. Isaac Ndikuriyo, un creuseur, est au chômage, depuis avril dernier. Il confie que son métier était sa seule source de survie. Son employeur lui a expliqué qu’il réduisait le nombre des travailleurs parce que le site était petit.
Ce père de cinq enfants peine à faire vivre sa famille. « Je ne vois pas où trouver l’argent pour payer leur scolarité », lâche-t-il, désespéré.
Une situation différente chez ‘’Dukomezumwuga’’. Au lieu de les mettre au chômage, cette dernière a plutôt revu à la baisse le salaire des creuseurs. Le salaire mensuel varie désormais entre 20 et 25 mille BIF contre 50 mille BIF l’année passée.
D’après la récente publication de l’Institut de Statistiques et Etudes Economiques du Burundi (ISTEEBU), les exportations de l’or ont diminué. Au premier trimestre, le Burundi a exporté 100kg contre 800 kg à la même période en 2018, soit une baisse 700 %.