L’épouse d’Hassan Ruvakuki essaie de tenir. Entre-temps, une petite fille est née en l’absence du journaliste incarcéré.
« Seul Allah nous aidera», prie, les yeux pleins de larmes, Fatuma Nduwimana, épouse d’Hassan Ruvakuki. Le souvenir de son arrestation est encore vif : « C’est comme si c’était hier. C’était autour de 15 heures. Je m’occupais des tâches ménagères. Hassan est venu accompagner de plusieurs policiers. « On vient de m’arrêter. C’est la seule chose qu’il m’a dite. » Selon elle, le journaliste est entré dans la chambre à coucher, il a pris quelques affaires personnelles. Il a embrassé son épouse et a demandé où était leur fille de deux ans. Elle était en train de jouer avec d’autres enfants voisins. Elle est partie la chercher. Tenant sa fille dans mes bras, elle a regardé son mari partir, encadré de policiers. « Je croyais qu’il allait rentrer dans quelques jours. Je pensais que c’était une simple affaire juridique. » Puis, c’est le silence. Pendant un mois, elle n’aura aucun contact avec son mari. C’est sur les radios qu’elle a appris la raison de son arrestation: « Je n’en revenais pas. Je savais seulement qu’il était journaliste à Bonesha FM et correspondant à la RFI. »
L’impossible visite à Cankuzo
L’épouse du journaliste ne savait pas que faire. Hassan est détenu à Cankuzo, à des centaines de kilomètres de Bujumbura. Un long voyage, trop pénible pour la jeune maman qui attendait son deuxième enfant. Elle est au sixième mois de grossesse. C’est la mère d’Hassan qui part à sa place : « J’étais un peu soulagée qu’un membre de la famille puisse partir à Cankuzo. Au moins, il savait que nous ne l’avons pas abandonné. Que sa famille le soutenait dans ces moments difficiles. »
Une naissance en l’absence du papa
Au mois de janvier, après quatre mois d’incarcération, Mirna, la deuxième fille de Ruvakuki est née. Mais c’est seulement en mars que le papa a pu rencontrer son bébé. « J’ai dû attendre l’accouchement et le transfert de mon époux de Cankuzo à la prison de Muramvya pour pouvoir le revoir et ainsi lui présenter sa fille», raconte avec tristesse Fatuma. Fatuma Nduwimana n’oubliera jamais ce moment, quand son mari l’a vue tenir le bébé dans ses bras: « Son visage marqué par la fatigue s’est illuminé. Je me suis approché de lui, il nous a pris dans ses bras pendant plusieurs minutes sans un mot. » La petite famille est restée trois heures. A parler de tout et de rien. Le moment de repartir était le plus pénible. « Je ne comprenais pas comment je repartais sans lui », murmure l’épouse, la gorge nuée, les yeux fermés. Elle se perd dans ses pensées, comme pour effacer cette douleur. La jeune maman de 25 ans ressent chaque jour le vide, la solitude et l’absence de son mari. « J’ai des enfants en bas âge, fragiles. Il arrive que l’une des filles tombe malade. Je dois l’amener seule à l’hôpital. Avant, Hassan m’accompagnait. Quand je me retrouve dans ce genre de situation, ça m’affecte », avoue-t-elle. Malgré son diplôme de niveau A2 en informatique de maintenance, Fatuma Nduwimana est sans emploi. Elle joint les deux bouts du mois grâce à l’employeur de son mari et à des proches. « C’est dur de vivre seule alors qu’on n’est pas veuve. Pour rien au monde, je ne le souhaite à aucune femme. Seul l’espoir de le revoir libre me permet de tenir et de supporter les difficultés de la vie quotidienne. » Une larme coule son visage.