L’attente a été longue, interminable, anxieuse. Le réquisitoire de l’audience publique du 30 décembre 2019 est tombé comme un couperet, un cauchemar: une peine de 15 ans de prison ferme avec 5 ans sans droit de voter pour Agnès Ndirubusa, Christine Kamikazi, Térence Mpozenzi et Egide Harerimana, journalistes d’Iwacu. Demande de Jean Marie Vianney Ntamikevyo qui représentait le ministère public.
Selon les us et les pratiques de la Justice, les juges devraient prononcer le verdict endéans trente jours. Cela ne pouvait pas laisser indifférents leurs familles, collègues, amis et connaissances. Nous avons espéré que d’un moment à l’autre, ils pouvaient être libérés. On pensait, par exemple, que le lendemain, à la Saint-Sylvestre, on allait entendre la « bonne nouvelle. » Hélas, ils ont fini l’année en prison à cause d’une mauvaise blague que le ministère public a brandie comme preuve irréfutable d’ « atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat. » Chaque jour qui passait nourrissait espoir et suscitait parfois des spéculations, jusqu’à la dernière date, jeudi 30 janvier.
Il n’y a rien de pire que les cinq à dix dernières minutes d’une longue attente. A 12 h 50, l’information tombe : « Les membres du siège se sont enfermés dans un des bureaux du tribunal, d’après mon antenne à Bubanza. » Je retiens mon souffle, je crois et j’espère. Trente minutes plus tard, la même source envoie un autre message qui fait froid dans le dos : « Sauf le chauffeur qui est acquitté, les quatre journalistes sont condamnés à deux ans et six mois et une amende d’un million pour chacun. » Ô rage, ô désespoir…
Agnès, Christine, Térence et Egide pensaient jouer un rôle essentiel en voulant faire la lumière sur la question qui touchait à l’intérêt général et ne devraient pas être poursuivis pour le travail qu’ils accomplissaient en toute légitimité. Ils n’ont commis d’autre « crime » que l’exercice de leur profession.
Même si je n’ai pas encore une copie du jugement en ma possession, le constat est qu’il y aurait eu une requalification de l’accusation. De la ’’complicité d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat’’, les quatre journalistes sont aujourd’hui condamnés pour « tentative impossible d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat. » Est-ce que la justice a dit le droit ?
Je n’ai pas cette compétence de qualifier, jauger, critiquer la décision de ce troisième pouvoir. Tout de même, Agnès, Christine, Térence et Egide vont passer d’autres jours de trop en prison. Iwacu va interjeter appel. Je ne veux pas jeûner comme une amie d’Iwacu est en train de faire. Je veux seulement prier pour nos juges afin que Dieu leur donne la force et le courage de redire le droit…