Pendant deux jours (du 8 au 9 juillet), l’ambassadeur de Belgique au Burundi a sillonné les six communes de la province de Cibitoke. Ses constats, tant sur le plan du développement ou de la situation sécuritaire…
Vous venez de passer deux jours à Cibitoke : pourquoi ce voyage ?
J’ai entrepris cette descente après une visite de députés de Cibitoke qui étaient venus nous voir, il y a quelques mois, en nous exprimant leur souhait de voir la coopération belge évoluer vers des avancées tangibles. J’ai d’ailleurs beaucoup apprécie cette démarche, où l’on trouve des élus qui suivent de très près le développement de leurs mandataires. L’objectif était donc de voir si notre coopération était en vitesse de croisière. Ensuite, je voulais voir si les équipes que nous avons sur place, composées d’expatriés et de Burundais, peuvent travailler dans des conditions sécuritaires et organisationnelles satisfaisantes. Notamment pour le projet agricole qui se déroule dans les six communes de la province, dont deux frontalières avec la RDC et le Rwanda.
Et quelles sont les conclusions de cette visite ?
La plus importante, c’est qu’aller sur terrain compte beaucoup ! Nous avons circulé pendant deux jours. Ce n’est pas énorme, mais cela permet d’avoir des impressions. Nous avons parlé avec des dizaines de personnes, allant du gouverneur aux commandants militaires (au nord et à l’est de la province, en bordure notamment avec la Kibira), quatre députés de Cibitoke, les ONG ou l’équipe de la Coopération Technique Belge…
Avez-vous rencontré des gens qui viennent des tendances politiques autres que le Cndd-Fdd ?
Oui, mais peu. Dans chaque commune, j’ai toujours demandé la composition du conseil communal. Dans l’ensemble, nous avons une situation où deux tiers des sièges appartiennent au Cndd-Fdd. Dans une des communes, le gouverneur était fier de me montrer un de ses conseillers FNL. De quelle tendance ? Je ne saurai le dire. J’ai tenu à associer le gouverneur précédent de Cibitoke (FNL) à ma démarche et il a participé à une partie du programme. Je regrette l’absence du député de l’Uprona, même s’il était invité.
Après tous ces entretiens, comment résumer vos impressions ?
A la fin, on a une vision assez claire qui m’indique que la situation sécuritaire est bonne. Les quelques incidents survenus ces six derniers mois, notamment sur la RN 5, sont connus. Ils m’ont été très bien décrits, et il n’y a rien qui me fait penser que cette province est sous l’emprise d’une organisation armée qui serait en train de prendre le dessus. Cela ne veut pas dire qu’il y n’a pas d’assassinats, ou un jet de grenade, … qui sont à lier à la criminalité que connaissent malheureusement de nombreux pays.
Mais comment expliquer justement cette insécurité « localisée » ?
Deux éléments m’ont été soulignés par mes interlocuteurs : des armes circulent facilement en provenance de l’est du Congo, où l’on peut y acheter une grenade pour 20.000 Fbu et un kalachinkov pour 100.000 Fbu. La lutte contre la circulation des armes mérite d’être renforcée. J’ai souvent posé les mêmes questions, sur le fait que des éléments pourraient traverser la frontière de la RDC vers ici.
Quelle réponse à cette question ?
Deuxièmement, on m’a parlé des violences faites aux femmes. Les autorités ont été ouvertes pour me dire que ce phénomène est très fréquent à Cibitoke. On a tendance à vouloir régler ces cas très discrètement avec la famille de la victime, et le coupable n’est pas puni.
Et donc, la coopération belge poursuivra ses projets…
Je suis revenu de Cibitoke avec la conviction que non seulement nos programmes de coopération doivent continuer, mais qu’en plus, nous devons être à l’écoute des demandes additionnelles. Notamment la construction d’un pont dans la commune de Buganda qui lierait le Burundi à la RDC, des unités de traitement de légumes et fruits, l’électrification des communes de Bukinanyana et de Mabayi.
Deux communes qui ont retenu votre attention…
Oui, nous les avons visitées en détail, car selon certaines informations, elles seraient sous pression. J’y ai vu les effets de l’érosion, l’appauvrissement des terres et la pression démographique. Dans l’ensemble, il existe à Cibitoke un dynamisme qui permet de décoller économiquement, en s’appuyant notamment sur des associations actives. Ainsi, c’était la première fois qu’on me disait que les démobilisés sont assez bien insérés dans des projets de développement. J’ai malheureusement vu aussi beaucoup de gens qui travaillent comme creuseurs d’or : des formations sont nécessaires.
Pourquoi la présence à Cibitoke ?
Au Burundi, nous avons une double approche : transversale, qui est dans l’appui à un secteur au niveau national. C’est le cas de la santé et l’éducation. Il y a aussi des axes spécifiques dans des provinces estimées vulnérables à cause des séquelles de la guerre et le contexte géographique. C’est le cas de Kirundo, Cibitoke et Ruyigi. On m’a dit aussi que cette province fournissait traditionnellement des tomates et légumes à des Congolais et Rwandais.