Dimanche 24 novembre 2024

Société

Lusenda : Quand des camions de rapatriés croisent un convoi de réfugiés

10/12/2019 Commentaires fermés sur Lusenda : Quand des camions de rapatriés croisent un convoi de réfugiés
Lusenda : Quand des camions de rapatriés croisent un convoi de réfugiés
Des camions du HCR en partance vers le nouveau camp de Mulongwe.

Loin des enjeux de la campagne de rapatriement menée tambours battants par les autorités burundaises et tanzaniennes, les réfugiés burundais du camp de Lusenda, en territoire de Fizi au Sud-Kivu, voient des camions du HCR passer et repasser. Un phénomène pour le moins intriguant.

«Cela en dit long sur la situation complexe de notre pays», explique Emmanuel Ntirampeba, représentant des réfugiés burundais du camp de Lusenda. Il  abriteaujourd’hui plus de 31.000 âmes contraintes à l’exil après la crise de 2015.

Etabli sur trois zones s’étendant sur plusieurs collines surplombant le Lac Tanganyika, ce camp comporte les sites de Lusenda, Lulinda, Katungulu I, Katungulu II et Katungulu III. Ce véritable nouveau village est aujourd’hui plein.

Tous les nouveaux arrivants sont acheminés vers le camp de Mulongwe non loin de Baraka,  à 80 km au sud d’Uvira. Ils proviennent tous des sites de transit situés dans le Territoire d’Uvira. Il s’agit de Kavimvira, avec une capacité d’accueil de 600 personnes et de Sange qui peut héberger jusqu’à 300 demandeurs d’asile voire plus.  Il arrive que ces sites hébergent plus du double de leur capacité initiale.

C’est pour désengorger Lusenda que ce nouveau camp de plus de 10.000 réfugiés burundais sera installé. Chaque semaine, explique un agent de la CNR (Commission nationale pour les réfugiés), il faut diminuer le trop-plein de demandeurs d’asile accueillis dans ces deux sites de transit pour les acheminer vers  ce nouveau camp.

Parmi ces nouveaux demandeurs d’asile, confie un réfugié de 2015 installé à Lusenda, il y a des anciens locataires de ce camp récemment rapatriés qui se retrouvent contraints à prendre de nouveau le chemin de l’exil.

«Ils ne résistent pas aux moqueries de leurs anciens voisins. Ils leur disent que le ’’mandat’’ qu’ils détestaient tant et qui les avaient poussés àl’exil, est gaillardement là. Et quand à cela s’ajoutent des menaces, ils n’hésitent pas à franchirde nouveau la frontière», révèle-t-il.

Dans ce camp de Lusenda ou même à Mulongwe, explique Emmanuel Ntirampeba, représentant des réfugiés burundais, les gens ont fui le pays de différentes manières. «Mais il y a une sorte de dénominateur commun à nous tous».

Quand des rapatriés se réfugient

Selon lui, la question du retour au pays dépend de l’appréciation de chaque réfugié. «Le camp de Lusenda a déjà enregistré deux vagues de rapatriement. Même aujourd’hui, des gens se font inscrire mais il y a d’autres qui ne veulent pas entendre parler de cette question au moment où d’autres envisagent même de demander la nationalité congolaise».

Mais il y a un autre phénomène plus inquiétant : «Parmi les nouveaux  venus enregistrés dans les sites de transit figurent des anciens réfugiés burundais des camps de Nduta et Nyarugusu et Mtendeli en Tanzanie rapatriés et qui se retrouvent encore une fois sur le chemin de l’exil».

Le représentant des réfugiés burundais du camp de Lusenda témoigne : «J’enai moi-même accueilli. Ils étaient désemparés dans cet immense pays, ne sachant où aller. Rapatriés, ils ont passé quelques jours au pays sur leurs collines d’origine mais la situation est devenue intenable à cause des intimidations et autres menaces. Ils ont par la suite pris la décision de repartir.»

Aujourd’hui, relate Emmanuel Ntirampeba, ils se disent déçus, ils essaient de s’intégrer, de refaire leur vie avec le peu que le HCR donne. «Quand la situation sécuritaire au pays ne les tranquillise pas, la seule option est de partir et de chercher refuge ici à l’Est de la République Démocratique du Congo ».

Avec les élections qui approchent à grands pas, note Béatrice Nimenya, réfugiée à Lusenda rencontrée dans son champ, les gens ne peuvent pas se presser pour rentrer.

Ce que nous observons, fait savoir cette jeune maman originaire de Cibitoke, c’est plutôt le contraire, deux jours ne peuvent pas passer sans voir passer un camion du HCR aller vers Mulongwe. «Il y a parmi nous des réfugiés qui voudraient rentrer mais les nouvelles en provenance du pays avec des attaques d’hommes armés ne nous tranquillisent pas».

Et ce n’est pas tout, ajoute une autre réfugiée sarclant son lopin de terre louée, les élections de 2020 s’annoncent, elles font déjà monter la tension. «Et comme conséquences, d’autres personnes de ma colline natale préfèrent traverser la frontière et venir au Congo pour se mettre à l’abri dans un site de transit ou un camp des réfugiés pour attendre que la tempête passe».

Si tout se passe bien, semble augurer cette native de Buganda, ce qui est souhaitable, peut-être qu’en 2021, les gens vont se faire inscrire en masse pour regagner le pays.

Mais en attendant, fait savoir le représentant des réfugiés burundais du camp de Lusenda, il faut se débrouiller. Aujourd’hui, grâce aux efforts des réfugiés, Lusenda est devenu un centre de négoce dynamique.

Plusieurs réfugiés font du taxi-moto, font du petit commerce, deviennent des orpailleurs ou louent des terres et y cultivent du riz, du maïs, des tomates, des oignons, des aubergines, des choux, du haricot, des cultures que les populations autochtones dont les Babembe découvrent.

«Ces cultures n’étaient pas développées auparavant, maintenant nous n’achetons plus de tomates encore mois d’oignons d’Uvira, en provenance de Bujumbura. Même les commerçants de Baraka s’approvisionnent de plus en plus à Lusenda », fait remarquer François Amissi Mayuto, président de la société civile dans cette localité.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Question à un million

Quelle est cette personne aux airs minables, mal habillée, toujours en tongs, les fameux ’’Kambambili-Umoja ’’ ou en crocs, les célèbres ’’Yebo-Yebo’’, mais respectée dans nos quartiers par tous les fonctionnaires ? Quand d’aventure, ces dignes serviteurs de l’Etat, d’un (…)

Online Users

Total 1 553 users online