La dernière déclaration du ministre de l’Intérieur a jeté le froid dans les rangs du mouvement de réhabilitation de l’Uprona. Malgré son désir de réconcilier son parti, le nouveau président du parti n’aura pas la tâche facile, face au pouvoir et aux ambitions de certains Badasigana.
<doc5642|left>Vendredi 12 octobre. Edouard Nduwimana, le ministre de l’Intérieur, répond favorablement à une correspondance de Charles Nditije, président contesté du parti Uprona, lui demandant de reconnaître les organes de l’Uprona élus à Gitega le 16 septembre dernier. Cette contradiction intervient alors que la Cour suprême n’a pas encore rendu son jugement. En s’expliquant, le ministre, qui se juge incompris et qui trouve que les gens ne veulent pas dissocier une opinion avec une décision, indique qu’il a pris cette décision après que la Cour suprême ait pris une mesure provisoire de suspendre la décision du premier juge de la Cour administrative.
« Je suis très étonné par les différents revirements du ministre qui s’est contredit à trois reprises. Il est clair que, tout en prétendant être le gardien de la légalité des partis politiques, il se moque entièrement de la loi », s’indigne Jean Baptiste Manwangari. Il ne comprend pas le comportement de M. Nduwimana puisqu’il est partie au procès. En effet, indique M. Manwangari, une requête a été déposée auprès de la Cour Suprême, en annulation de l’autorisation écrite qu’il avait délivrée à M. Niyoyankana pour faire tenir le pseudo congrès de Gitega. Pour lui, M. Nduwimana devrait d’abord, venir se présenter devant la cour pour qu’elle se prononce sur la légalité de l’acte qu’il avait posé. « Nous sommes donc dans un domaine purement politicien, où le politique prime sur la justice, ce qui est une véritable négation de l’Etat de droit et de la démocratie », souligne Jean Baptiste Manwangari.
Un ministre partial…
M. Manwangari rejette également, au regard de la loi, l’ordonnance prise par le président de la Cour Suprême, en indiquant qu’ils avaient soulevé une exception de qualité et d’intérêt de Me Gasabanya qui représentait Bonaventure Niyoyankana : « La requête en ordonnance de sursis a, en effet, été réceptionnée le 17 septembre 2012, alors que M. Niyoyankana n’était plus le président de l’Uprona. »
L’ancien président de l’Uprona souligne ensuite que la matière concernée par l’ordonnance de sursis est clairement identifiée par la loi sur la Cour Suprême comme commerciale, civile et sociale, et non une matière de partis politiques. En outre, poursuit M. Manwangari, cette ordonnance suppose une situation d’irréversibilité : « Pourtant, selon lui, c’est eux qui devraient invoquer cet argument puisque le fait de remettre en place des comités illégaux risque de créer une situation irréversible.
Pour Jean Baptiste Manwangari, ce qui est grave, c’est la décision du ministre de « légitimation » des organes illégaux, alors qu’il avait pris l’engagement solennel et public qu’il attendra une décision définitive de la Cour Suprême.
Un président plein de bonnes volontés …
« La 1ère légalité est celle conférée par les Badasigana lors d’un congrès », tient à préciser Charles Nditije, le « nouveau » président de l’Uprona, dont l’un des objectifs majeurs est de réconcilier tous les Badasigana. « Ça ne sera pas du tout facile parce que la crise est assez profonde. Il y a des rancœurs, des inimitiés qui se sont développés, suite à la médiatisation de la crise. Mais comme je ne suis pas directement au centre de la crise comme l’ancien président du parti, je pense que j’ai un peu plus de chance que lui », reconnaît-il.
En rappelant l’importance de la présence de l’Uprona dans les institutions, M. Nditije comprend les critiques de ceux qui veulent que les upronistes, qui sont dans les institutions, fassent mieux, mais fustige ceux qui critiquent par jalousie. Il rappelle, cependant, que le parti n’a plus les moyens et la force d’antan et, sans commenter la manière dont la justice rend les jugements ou dont le ministre de l’Intérieur les apprécie, il indique que les problèmes internes d’un parti comme l’UPRONA ne trouvent pas de solution par voie judiciaire ou médiatique.
<doc5641|left>D’autres acteurs, une autre opinion
« Le parti Uprona est éprouvé. Avant qu’il n’entre dans ce gouvernement, j’avais dit à Bonaventure Niyoyankana de faire attention, au risque de détruire le parti de Rwagasore, et c’est ce qui est en train d’arriver », remarque Léonce Ngendakumana, président du Frodebu. Il indique que, à écouter les déclarations contradictoires du ministre de l’Intérieur, le parti Uprona ne va pas y survivre.
Cependant, pour M. Ngendakumana, ce n’est pas, en définitive, le parti Uprona qui est dans les institutions, mais certains de ses membres et pour des raisons de service, et non de défense des valeurs reconnues au parti Uprona.
Malgré ce que dit Léonce Ngendakumana, l’Uprona reste un seul parti politique. Et c’est un parti de gouvernement, allié au Cndd-Fdd puisqu’il partage son programme politique. C’est une confusion qui naît de l’Accord d’Arusha car, en principe, c’est le Cndd-Fdd qui devrait gouverner seul, et l’Uprona dirigerait l’opposition. Mais nous sommes dans la logique de partage du pouvoir caractéristique du consociationalisme (système politique démocratique). La question qui se pose est de savoir si cette situation n’arrange pas les upronistes, ceux qui sont dans les institutions, car ils prétendent avoir les mains liées par Arusha, tout en protégeant leurs intérêts.