« En 1996, mon mari m’a trouvé une concubine. Motif, je mets au monde des filles seulement. On avait récolté trente sacs de riz, environ 1,5 tonnes. C’est avec l’argent tiré des ventes qu’il a eu l’idée », raconte Catherine Minani, une femme d’une quarantaine d’années vivant au centre communal de Gihanga. Un cas qui n’est pas isolé, loin de là.
<doc4614|right>Dans la région de l’Imbo, la polygamie est devenue presqu’une habitude pendant la période de moisson. En commune Gihanga, de la province Bubanza, à une vingtaine de km de la ville de Bujumbura, les récoltes du riz se font à partir du mois d’avril. Et comme l’argent rentre dans les poches de propriétaires de champs, presqu’exclusivement des hommes, bonjour l’adultère ! Catherine Minani, victime de cette situation, murmure, larmes aux yeux : « Les hommes nous préfèrent de jeunes filles ». Et c’est la polygamie, avec, en corollaire, des grossesses non désirées (chez les jeunes élènes), le Sida qui touche de plus en plus de gens, une mauvaise cohabitation dans les ménages et une haine inexpiable entre les descendants des femmes forcées d’habiter sous un même toit ! « Les femmes reconnues par la loi vivent alors tous les maux. On est obligée de passer la nuit en dehors de la maison conjugale, on subit des coups et des injures déshonorantes devant les enfants, tout cela parce qu’il y a une jeunette qui ne sait pas d’où toute la prospérité apparente est venue ».
Et, continue Catherine, le mari cherche tous les prétextes pour te chasser. Seul rempart : la loi, car « elle ne reconnaît qu’une seule femme pour un homme », se console-t-elle. D’ailleurs, traditionnellement, la société burundaise est monogamique sauf exception liée aux croyances religieuses et à l’incapacité de remplir les devoirs conjugaux.
Etienne Kibayira, chargé de l’Etat-Civil dans la commune Gihanga, affirme que la polygamie existe bel et bien dans cette commune. « Pendant la période de moisson du riz, les femmes deviennent très nombreuses à venir se plaindre à la commune d’avoir été tabassées par leurs maris. » Pour ce qui est des conséquences, « les risques de transmission du Sida sont d’autant plus élevés que l’utilisation du préservatif féminin ou masculin reste inconnu dans ce milieu. Les femmes rurales acceptent à peine son utilisation », notant par ailleurs que « les effectifs des dépistages restent bas. »
Ainsi, « dix personnes en moyenne se font dépister par jour. C’est surtout les couples qui se préparent au mariage, les jeunes et quelques hommes qui acceptent qu’ils ont commis de l’adultère », signale Evelyne Nikunze, laborantine chargée du centre de dépistage au centre de Santé de Gihanga.
Pour pallier à cet étant, M. Kibayira lance un appel au gouvernement d’arrêter des mesures pour réprimer la polygamie : « Les dirigeants devraient multiplier les séances d’explication avec l’objectif de montrer que la polygamie entraine la haine dans les familles, la multiplication des maladies sexuellement transmissibles, etc », précise-t-il. La justice, dit-il, devrait aussi intervenir en sanctionnant les coupables de polygamie.