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L’opposition agonise-t-elle ?

05/05/2013 Commentaires fermés sur L’opposition agonise-t-elle ?

Le nouveau statut de l’opposition semble écarter l’ADC-Ikibiri, dont les leaders regrettent de ne pas avoir été invités à Genève. Ces mésaventures liées aux dernières contestations d’Agathon Rwasa semblent sonner le glas de l’opposition extraparlementaire, qui rassure pourtant sur sa réalité.

<doc5638|right>Le projet de statut de l’opposition définit l’opposition comme étant un ou un ensemble de partis politiques qui ne sont pas de la majorité parlementaire ou qui ne soutiennent pas l’action gouvernementale. « Avec cette définition, le risque est qu’il y ait plusieurs oppositions et on ne pourra plus parler de chef de l’opposition », craint Léonce Ngendakumana, président en exercice de l’ADC-Ikibiri. Il souligne que l’opposition parlementaire est issue des législatives et elle est extraparlementaire quand ce sont des partis qui se déclarent membres de l’opposition et qui s’organisent eux-mêmes. Pour lui donc, il ne peut y avoir un chef de l’opposition aujourd’hui, et le pouvoir, en votant cette loi, ne pense pas à la consolidation d’une opposition. « C’est plutôt pour tromper l’opinion, surtout internationale, ou alors maîtriser l’ADC-Ikibiri, notamment en érigeant certaines sanctions » poursuit-il. C’est dans cette optique, indique M. Ngendakumana, que cette loi indique que le chef de l’opposition politique sera élu par consensus entre les présidents des partis non représentés au gouvernement. « Vous ne pouvez pas contraindre 43 partis politiques à être ensemble et s’entendre sur un chef, c’est une absurdité », lance-t-il.

Il souligne que nulle part n’est défini les rapports entre la majorité et l’opposition, et ne comprend pas comment le gouvernement peut être plus intéressé par cette loi que l’opposition elle-même. Pour le président de l’ADC-Ikibiri, comme il a déjà créé des ailes dissidentes aux partis politiques, à la société civile, des médias qui lui sont propres, le pouvoir veut également mettre en place une opposition qui est acquise à sa cause. « Nous sommes donc déjà dans un système de parti unique que vient consolider ce statut de l’opposition », fait-il remarquer.

Une loi inopportune

Jean Baptiste Manwangari considère que le nouveau statut de l’opposition est une loi inopportune : « En dehors d’une opposition parlementaire, cette loi n’a pas de raison d’être, à moins qu’elle ne vise à masquer une démarche politicienne pour donner le titre de chef de l’opposition à un collaborateur du parti majoritaire ». Quant à l’ADC-Ikibiri, indique-t-il, elle n’a pas besoin d’une loi pour la légitimer. Selon lui donc, aussi longtemps que l’Uprona et le Frodebu Nyakuri restent au gouvernement, il aurait fallu surseoir et voter cette loi après les élections de 2015. « Sinon, c’est un jeu de cache-cache et si celui qui est pressenti pour diriger l’opposition devient réel, ce sera une mascarade », prévient-il.

Cette opinion n’est pas loin d’être partagée par Charles Nditije, le président de l’Uprona : « … La difficulté, pour moi, n’est pas le contenu de la loi mais le contexte dans lequel la loi a été élaborée. Le contexte particulier dans lequel se trouve le Burundi (la mésentente entre les partis de l’opposition et la majorité présidentielle, la manière dont l’ADC s’est constituée. C’est cela plutôt qui pose problème. Ensuite, le meilleur moment de mettre en place une loi régissant l’opposition aurait été juste après les élections législatives, ou avant. »

<doc5640|right>Une communauté internationale favorable …

« La communauté internationale connaît les réalités du Burundi. Elle sait que ce n’est pas un gouvernement qui crée une opposition, elle se crée », indique M. Ngendakumana. Il ajoute que l’alliance a des contacts avec cette communauté et sait ce qu’elle pense du gouvernement burundais quant à la promotion et le renforcement de la démocratie. « Je ne crois pas que cette communauté internationale va travailler avec une opposition créée de toutes pièces », assure-t-il.

Surtout que, poursuit Léonce Ngendakumana, la même communauté demande au gouvernement de discuter des grands défis de l’heure, notamment les élections de 2015 et la mise en place des mécanismes de justice transitionnelle, avec la véritable opposition. « Nous sommes là et nous allons continuer à jouer notre rôle indépendamment de la volonté du gouvernement. Cela dépendra de notre force et de notre solidarité », tient à préciser le président de l’ADC-Ikibiri.

L’ADC-Ikibiri se prévaut de l’appui de la communauté internationale à laquelle les leaders de l’alliance semblent faire confiance. Cependant, c’est cette même communauté qui a légitimé les élections de 2010 contestée par l’alliance. La communauté internationale souffle donc le chaud et le froid puisqu’elle fait une forte pression sur le pouvoir du Cndd-Fdd qu’elle a reconnu.

Une communauté mitigée …

Cependant, comme l’indique le politologue Jean Salathiel Muntunutwiwe, la conférence de Genève a été organisée par le gouvernement du Burundi qui est libre d’inviter qui il veut. Cela n’exclut pas l’opposition, qui existe de fait et qui revendique une idéologie contraire à celle du pouvoir, raison pour laquelle elle n’a pas été invitée. Pour le politologue, comme le processus d’élaboration de la conférence a pris en compte les différents points de vue de l’opinion, dont l’opposition, le pouvoir a privilégié des personnes bien vues par la communauté internationale, comme les associations de la société civile, même contestataires, pour avoir l’argent escompté. 

Nous sommes dans un contexte où les contestations politiques ne sont pas éteintes, et le gouvernement, le Cndd-Fdd et ses alliés font tout pour baliser le chemin vers 2015, à travers des lois qui les protègent et musèlent tout contestataire. Ainsi en est-il du projet de statut de l’opposition comme du projet de la loi sur la presse. C’est une stratégie politique non conventionnelle dont l’objectif est d’enlever à l’ADC-Ikibiri les moyens de se présenter en 2015, la campagne électorale coûtant ce qu’elle coûte.

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