Au Burundi, la traite des personnes persiste sous des formes modernes, touchant principalement les femmes et les filles migrantes. Alors que le monde commémore l’abolition de la traite négrière, chaque année le 23 août, l’Observatoire national pour la lutte contre la criminalité transnationale (ONLCT) alerte sur l’ampleur de ce fléau.
ONLCT, à travers son initiative « Où est ton frère ? », souligne que la traite des personnes demeure une réalité tragique, même au 21ème siècle. Dans un communiqué de presse publié le 23 août 2024, l’ONLCT affirme que « la traite négrière demeure malheureusement une triste réalité, même actuellement au 21ème siècle, mais sous d’autres formes et cela dans le monde entier en général et au Burundi en particulier ».
Les chiffres compilés dans le Rapport annuel 2023 de l’ONLCT sont alarmants. Selon ce rapport, plus de 16.286 Burundais, principalement des femmes et des filles, ont été victimes de trafic clandestin vers les pays du Golfe arabique, notamment Oman, le Koweït, le Qatar et l’Arabie Saoudite, ainsi que vers des pays africains comme la Tanzanie, la République Démocratique du Congo (RDC), l’Ouganda, le Kenya, la Zambie, le Malawi et l’Afrique du Sud.
Parmi ces victimes, plus de 328 femmes et filles ont été trafiquées vers l’Irak, une destination nouvelle et inhabituelle pour les migrants burundais.
L’ONLCT appelle le gouvernement burundais à « promouvoir une coordination nationale de toutes les actions menées par tous les intervenants en matière de prévention et de lutte contre la traite des personnes au Burundi ». C’est pour assurer une meilleure efficacité des interventions sur le terrain.
L’ONLCT demande également au gouvernement de « développer une coopération judiciaire régionale de lutte contre la traite et les migrations irrégulières ». Objectif : contrer les trafiquants qui opèrent impunément au Burundi.
Merthus Ndikumana, président de l’Association des agences privées de recrutement du Burundi (ORAAB), reconnaît les défis posés par la traite des personnes et les conditions difficiles auxquelles les travailleurs migrants burundais sont confrontés à l’étranger.
Selon lui, plus de 100 travailleurs envoyés à l’étranger par l’ORAAB sont revenus insatisfaits de leurs conditions de travail. Cependant, il note également que certaines agences de recrutement ne communiquent pas le nombre de personnes qui retournent au Burundi, ce qui complique l’évaluation de la situation.
M. Ndikumana ne nie pas le fait qu’il y ait des cas de mauvais traitements infligés aux Burundais dans les pays arabes, mais il souligne que les accords bilatéraux signés entre le Burundi et des pays comme l’Arabie Saoudite, le Qatar et le Gabon ont contribué à réduire ces abus.
« Les cas de mauvais traitements ont diminué, car aujourd’hui, les employeurs de travailleurs burundais craignent de maltraiter leurs employés, sachant que les États qui les accueillent ont signé des accords avec le Burundi et qu’il existe des lois qui protègent ces travailleurs ». Il ajoute que les ambassades burundaises collaborent étroitement avec les agences de recrutement pour résoudre les cas de maltraitance signalés.
La date du 23 août a été choisie pour commémorer les millions de vies brisées par l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire humaine. Elle a été choisie pour honorer l’insurrection des esclaves à Saint-Domingue en 1791 en Haïti, un événement qui a conduit à l’abolition de la traite négrière transatlantique.
L’esclavagisme arabe et transatlantique a profondément marqué l’histoire de l’humanité, avec des conséquences durables. Dès le VIIe siècle, les commerçants arabes capturaient des esclaves en Afrique subsaharienne, soutenus par des chefs locaux qui les vendaient comme prisonniers de guerre.
Cette traite arabe aurait réduit en esclavage entre 3,5 et 14 millions d’Africains. Parallèlement, la traite transatlantique, initiée au XVème siècle, a vu plus de 15 millions d’Africains déportés vers les Amériques pour travailler dans les plantations.
Soumis à des conditions brutales, ces esclaves ont payé le prix fort de la domination coloniale, faisant de ces systèmes d’exploitation deux des pires tragédies de l’histoire humaine.