« Cette matinée du 30 avril est triste et sombre… Il fait froid », raconte l’abbé Zacharie Bukuru, assis à la terrasse d’un petit immeuble situé non loin du séminaire du même nom. L ‘endroit attire des hôtes qui viennent de loin, de d’Europe, des Etats-Unis : « Même le deuxième vice-président a passé une nuit ici », souligne-t-il, avant de nous renvoyer vers son livre-témoignage sur la tragédie qui a frappé son établissement.
Lors de l’attaque , Zacharie Bukuru est Recteur du petit séminaire de Buta, dans le diocèse de Bururi : « Buta dérangeait parce qu’il prenait le contre-pied des positions extrémistes des deux bords qui ne considéraient plus possible la cohabitation pacifique… Tel était probablement l’espoir des assaillants : séparer les élèves et armer les uns pour qu’ils aillent tuer les autres ».
L’attaque a été menée à partir de « 5 h et demie du matin par près de deux mille assaillants », se souvient l’abbé Bukuru. Caché « sous une natte traditionnelle », il a été sauvé par une serrure bloquée et une porte qui ont résisté aux assaillants.
Mais les rebelles sont parvenus à s’introduire dans le dortoir des élèves du cycle supérieur, où 85 jeunes séminaristes « se tortillent de peur sous leurs petits lits de 85 cm de largeur ». Dans un premier temps, raconteront les témoins rescapés de la boucherie, les rebelles du CNDD-FDD tirent dans le tas, avant de lancer : « Sortez du dessous des lits et rangez-vous. Les Hutus ici, et les Tutsi là ». Refus des élèves de se séparer.
Alignés plus tard contre un mur du dortoir, toujours unis, une femme parmi les assaillants tirera de rage dans le groupe, avant que l’on ne jette parmi ceux qui restent une grenade. « Les rebelles resteront dans ce dortoir quatre heures durant pour achever les agonisants et piller leurs pauvres effets », décrit l’abbé Zacharie.
Bilan du massacre : sur les 400 pensionnaires, 43 élèves seront tués. La majorité des séminaristes a pu à s’enfuir aux premières heures de l’attaque. Une soixantaine seront blessés et hospitalisés.
Sur les lieux, on y a construit un sanctuaire dédié aux Martyrs de Buta, « perçu par tous ceux qui y viennent, Hutu et Tutsi, comme un lieu de grâce pour les personnes qui désirent être guéries des blessures de notre histoire », témoigne l’abbé Zacharie. Trois ans après le massacre, il s’est retiré dans la vie monastique. Pour lui, « fondamentalement, la vérité doit être établie. Elle guérit au moins à moitié. Puis, que ceux qui ont tué répondent de leurs crimes : il faut une punition, une réparation, de quelque manière que ce soit », avant de conclure que la plus grande leçon de Buta reste le pardon.
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