Vendredi 22 novembre 2024
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Les souffrances invisibles

Société

Les souffrances invisibles


29/03/2017
Elyse Ngabire Images : Elyse Ngabire

Un ami me disait un peu en rigolant que le Burundi avait aussi besoin de « psy ». Ce n’est pas faux. Je reste convaincu que nous, Burundais, sommes tous affectés à des degrés divers par les crises consécutives qui ont frappé notre pays. Certains ont perdu, parfois de manière atroce, leurs proches.

La guérison commence par la libération de la parole. Aller à l’encontre de ce stoïcisme traditionnel. On nous a notamment seriné depuis tout petit que « les larmes d’un homme digne de ce nom coulent dans son ventre, à l’intérieur ». Les Burundais savent se taire. Sourire, rire si besoin. Mais ils ruminent leur rancœur. C’est un silence mortifère.

Il est temps de parler, de verbaliser, raconter, de sortir du mutisme pour guérir.

Il faut comprendre ce qui est arrivé. C’est aussi une manière de faire le deuil collectif, d’évacuer les émotions. Dans ce dossier, une rencontre qui s’est tenue en Allemagne permet de comprendre l’enjeu. D’après les organisateurs, il faudrait ouvrir au Burundi un centre de traitement du traumatisme.

Le Burundi vit (encore) une grave crise. Il faut avoir le courage de reconnaître que « les traumatismes subis pendant les différentes guerres sont peut-être à l’origine des crises d’aujourd’hui. » Dans ce dossier, on découvrira qu’il faut penser à soigner ces souffrances invisibles, souvent psychiques et spirituelles qui ne se manifestent pas directement, alors qu’elles causent beaucoup de dommages. « Le traitement des traumatismes doit précéder le processus de paix et de réconciliation ». Parole de spécialistes.

Antoine Kaburahe

Freiburg (Allemagne) : s’attaquer au trauma qui ronge des générations de Burundais
Père Déogratias Maruhukiro : « Les traumatismes subis pendant différentes guerres sont peut-être à l’origine des crises d’aujourd’hui.

On peut encore espérer bâtir un Burundi meilleur »Le père Déogratias Maruhukiro, représentant du RAPRED-Girubuntu en collaboration avec l’Institut « Caritaswissenschaft » de l’Université de Freiburg, est déterminé à venir en aide aux Burundais souffrant de traumatismes liés aux différentes crises politiques. Son cheval de bataille : l’expérience des chercheurs et partenaires allemands.

Que de cœurs et de vies brisés au royaume du tambour et du roi Mwezi Gisabo. L’histoire marquée par des tensions et des troubles depuis la veille de son indépendance en 1961 n’a fait qu’accumuler les ravages psychologiques dans la société de ce petit pays de l’Afrique de l’Est.

Comment la famille du Roi Mwambutsa a-t-elle vécu l’assassinat de ses deux fils, le Prince Louis Rwagasore en 1961 et le roi Ntare V en 1972 ? Comment en 1965, la famille de Pierre Ngendandumwe, ancien premier ministre, a-t-elle vécu la disparition de ce père de quatre enfants ? Comment en 1969, certaines familles ont-elles vécu la disparition des leurs, tués parce qu’ils n’étaient pas tout simplement nés à Bururi (au sud du Burundi, province natale de trois ancien chefs d’Etat, ndlr) ? Comment en 1972, des centaines de milliers de familles ont-elles vécu les massacres perpétrés contre les leurs parce qu’ils étaient tout simplement nés Hutu ? Comment ces mêmes familles ont-elles vécu l’interdiction de pleurer les leurs ?

Comment en 1988, à Ntega-Marangara, au nord du Burundi, des gens ont-ils vécu la folie meurtrière entre anciens voisins ? Comment en 1991, dans la capitale Bujumbura et dans la partie ouest du Burundi, des familles ont-elles vécu la disparition des leurs, suite à une ‘pseudo’ attaque des rebelles du mouvement Palipehutu FNL ?

Comment deux ans plus tard, en 1993, la famille de feu Melchior Ndadaye, premier président démocratiquement élu, a-t-elle vécu cette terrible tragédie à trois mois de sa prise du pouvoir ? Comment des centaines de milliers de Burundais pour la plupart Tutsi ont-ils vécu les massacres à grande échelle qui ont suivi comme une sorte de ‘vengeance’ ?

Comment des Burundais ont-ils vécu les dix ans de guerre civile avec comme conséquence la perte des milliers de vies humaines?

Comment en 2013 à Gatumba, une trentaine de familles a ont-elles vécu la disparition des leurs, assassinés alors qu’ils partageaient un verre dominical?

Comment depuis 2008, des familles des militants FNL ont-elles vécu des massacres perpétrés contre les leurs, comme si l’appartenance à ce parti était un péché mortel ?

Comment, depuis avril 2015, plus de mille familles vivent-elles le deuil de leurs enfants, maris, épouses, proches, amis et voisins parce qu’ils ont (ou pas) dit tout simplement ‘basta’ à la violation de la Constitution, la bible républicaine et de l’Accord d’Arusha? Une pensée spéciale est dédiée aux familles de tous ces innocents comme Jean Népomucène Komezamahoro, un jeune adolescent étranger à la politique, au petit Don, assassiné avec son père à Ngagara et aux deux frères jumeaux assassinés le 1er juillet à Mutakura avec leur père.

L’heure de soigner les blessures a sonné

C’est dans la grande salle de l’archevêché de Freiburg, dans le sud de l’Allemagne, que Père Déogratias Maruhukiro, du Réseau Africain pour la Paix, la Réconciliation et le Développement durable (RAPRED-Girubuntu), a organisé en ce début de décembre 2016, la première journée de réflexion sur le traumatisme.

La salle accueille de nombreux chercheurs, universitaires, médecins, psychologues, représentants des associations allemandes, partenaires de RAPRED-Girubuntu, de l’Etat de Baden-Württemberg ainsi que de l’association allemande de développement, SEZ, partenaire incontournable du Burundi en matière de développement.

Ce thème est rarement abordé et le Père Schoensttatien a choisi d’en parler parce qu’il estime que c’est plus qu’urgent : « Les traumatismes subis pendant différentes guerres sont peut-être à l’origine des crises d’aujourd’hui. » Selon lui, on pense moins à soigner ces souffrances invisibles, souvent psychiques et spirituelles qui ne se manifestent pas directement, alors qu’elles causent beaucoup de dommages.

A la tête d’une association qui prône la paix et la réconciliation, Déogratias Maruhukiro indique qu’il s’en voudrait de parler de paix alors qu’il y a des gens qui vivent au quotidien le traumatisme.

Plus de 300 000 Burundais en exil, déplore cet ancien recteur du Sanctuaire marial du Mont Sion Gikungu, qui pour la plupart souffrent de traumatisme physique et psychique, méritent d’être assistés et accompagnés : « Tout le monde devrait hausser la voix. Ce n’est pas le seul travail des églises, et pas non plus celui de la seule église catholique dont je fais partie. »

« Au camp de Mahama, j’ai été re-traumatisé »
Gérard Birantamije, celui de gauche : « Au camp de Mahama, j’ai vu des gens traumatisés, dans une situation d’extrême dénuement, laissés à eux-mêmes, sans aucune structure d’écoute institutionnalisée et de prise en charge psychologique. »
Gérard Birantamije, celui de gauche : « Au camp de Mahama, j’ai vu des
gens traumatisés, dans une situation d’extrême dénuement, laissés à
eux-mêmes, sans aucune structure d’écoute institutionnalisée et de
prise en charge psychologique. »

Pour être concret, le RAPRED-Girubuntu a fait appel à Gérard Birantamije, spécialiste des questions de sécurité, aujourd’hui en recherches postdoctorales à l’Université Saint Louis de Bruxelles. Il a mené onze entretiens dans le camp de Mahama qui a accueilli plus de 50 000 réfugiés burundais.

« J’avais mes propres traumas liés à la crise burundaise actuelle. Quand j’ai vu mes compatriotes, j’ai été re-traumatisé », confie ce professeur à l’Université du Lac Tanganyika. Son traumatisme à lui, explique-t-il, est en quelque sorte un message qu’il lui faut prendre en considération pour voir ce qui peut être fait pour ces personnes.

Il indique qu’il a vu des gens dans une situation d’extrême dénuement, laissés à eux-mêmes, sans aucune structure d’écoute institutionnalisée et de prise en charge psychologique.

Honnêteté scientifique oblige. M. Birantamije reconnaît que onze entretiens sur plus de 50000 réfugiés, ne peuvent pas faire l’objet d’une globalisation. Et de se ressaisir : « L’idée centrale, c’est de pouvoir faire une extension en termes d’effectif et de catégorisation pour mieux comprendre le phénomène. »

Ce qui est évident, rassure-t-il, c’est que ces gens sont réellement traumatisés et que beaucoup d’autres sont dans la même situation.

D’après lui, ces onze entretiens reflètent ce que les gens ont vécu, une forme d’inspiration pour enfin comprendre de fond en comble le phénomène des réfugiés à Mahama (Rwanda), en Tanzanie, en Ouganda, au Congo, etc. Et tout semble lui dire qu’il y a plusieurs types de traumatismes selon le parcours de chacun.

Gérard Birantamije qualifie ces onze entretiens d’exploratoires : « Ce travail nécessite une analyse approfondie, c’est ce qui peut permettre de faire une vraie typologisation. »

A côté du traumatisme collectif, précise-t-il, il y a des traumatismes subis individuellement en fonction du parcours de chacun.

Toute une société traumatisée ?

Ce qui a le plus marqué ce spécialiste des questions sécuritaires, c’est que la plupart des gens réfugiés, traumatisés sont des jeunes.

‘Izija guhona zihera mu ruhongore’ ou ‘un pays sans jeunesse est un pays sans avenir’, lâche-t-il. D’après lui, cela induit que des générations entières sont condamnées et sacrifiées. Selon des chiffres dont M. Birantamije s’est procurés, la plupart dans ce camp est jeune soit 46% dont l’âge est compris entre 19 et 40 ans et 51% d’enfants. D’après ces statistiques, note-t-il, c’est une société complètement traumatisée.

Il n’y a pas que les réfugiés, il y a également leurs familles restées au pays : « Il y a un transfert de traumatisme, que l’on soit acteur public, privé ou sociétal, il y a une dose de traumatisme qu’on reçoit au quotidien. »

Sur le plan analytique, ce spécialiste indique que des travaux ont été réalisés sur les effets des première et deuxième Guerres mondiales. Même Hitler, confie-t-il, est un résultat du traumatisme.

Des autorités républicaines aussi traumatisées ?

Ces traumatismes, ajoute Gérard Birantamije, touchent tout le monde, les bourreaux comme leurs victimes. Ils sont en plus « recyclés ». Dans le camp de Mahama comme ailleurs, des gens ont vécu le trauma des années 60, 70, 80, 90, etc. Le trauma se recycle au rythme des crises. Et ce recyclage de traumatisme ne s’arrête pas dans les camps, il va jusqu’à affecter toute la société burundaise. Gérard Birantamije va plus loin et constate que même les ‘autorités’ républicaines vivent ce genre de trauma. Il suffit d’analyser leurs interventions où elles déclarent à qui veut l’entendre que des Burundais qui ont quitté le pays lors de la crise de 2015, ils ont fui la paix : « Un dirigeant digne de ce nom ne peut pas tenir de tels propos. » C’est un paradoxe.

L’incontournable expertise allemande
Dr. Andrijana Glavas
Pr. Dr. Klaus Baumann
Pr. Dr. Klaus
Baumann

Cette première journée a vu la participation des associations partenaires du Réseau Africain pour la Paix, la Réconciliation et le Développement durable, et le soutien de l’Institut « Caritaswissenschaft » de l’Université de Freiburg, représenté par son directeur Dr. Klaus Baumann. Le souhait de Père Déogratias Maruhukiro, c’est que toutes ces ressources humaines et intellectuelles viennent aider les gens traumatisées à retrouver une vie saine. Leur expérience s’impose donc.

Dr. Andrijana Glavas, est médecin, assistante du Pr. Dr. Baumann et membre de l’organisation RAPRED-Girubuntu. Elle vient de Croatie et son expérience porte sur la guerre civile des années 1990 dans l’ancienne Yougoslavie, en Croatie, Bosnie- Herzégovine et en Russie.

En Croatie, raconte-t-elle, il y a eu 14 000 morts, 1200 disparus et 550 000 réfugiés, selon les chiffres du Haut-Commissariat pour les Réfugiés

Dr. Andrijana Glavas
Dr. Andrijana Glavas

(HCR). En Bosnie, 10000 tués, 10 000 disparus et 2,2 millions de réfugiés pendant la guerre qui a duré trois ans (de 1992 à 1995). Ces chiffres, signale Dr. Glavas, sont un indicateur des traumatismes qu’ont subi ces populations : « Les conséquences se font toujours sentir et c’est toute une société qui est traumatisée. » Des survivants de cette guerre, renchérit-elle, souffrent de troubles qui les empêchent de mener une vie normale aujourd’hui.

Selon Dr. Andrijana Glavas, des cauchemars, des flashback dans des souvenirs, l’agressivité, la peur, la dépression, etc., sont les symptômes du trauma.

Le trauma : un danger vital

Le trauma, précise Dr Andrejana Glavas, traduit la gravité de ce que l’on a vécu : des bombes, sirènes, etc.

Des gens s’en souviennent, certains dépriment. Pour ce médecin, l’expérience montre que cette situation de stress diminue l’espérance de vie et conduit dans certains cas au suicide. Selon une enquête, 30 000 soldats se sont suicidés après la guerre de 1974 dont 68% avaient moins de 50 ans.

Dr. Nadja Jacob
Dr. Nadja Jacob

En outre, elle signale l’existence d’une autre forme de traumatisme : le traumatisme secondaire. Pour Dr. Glavas, les enfants l’héritent des parents. Toutefois, cela ne veut pas dire que les enfants nés de parents traumatisés le deviennent forcément, mais la probabilité est grande.

Et le Dr. Glavas cite une étude selon laquelle 1/3 des femmes mariées à des hommes souffrant de troubles traumatiques sont également traumatisées : « Il y a donc transfert des troubles entre conjoints. »

Elle ajoute enfin que selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) 400 000 personnes dans le monde vivent avec un traumatisme.

Dr. Nadja Jacob, représentante de l’organisation Victimes’ Voice (Vivo), en sait aussi quelque chose puisqu’elle est membre du réseau des organisations « Net » travaillant sur les traumatismes des réfugiés en Allemagne et dans plusieurs pays. Cette psychologue de formation a également été sur le terrain au Burundi, au Rwanda et en Ouganda.

Elle fait savoir que les réfugiés sont plus exposés à toutes sortes de stress : ils sont souvent victimes de la violence, soit là où ils sont installés, soit dans leurs pays d’origine, soit dans leurs familles. Les violences, précise-t-elle, renforcent les troubles psychiques : le réfugié se dit que la société du pays-hôte ne veut pas de lui, la séparation avec des membres de sa famille, l’apprentissage d’une autre langue, etc. sont des éléments qui l’affectent dans son for intérieur.

Dans pareille situation, la psychologue indique que le corps humain produit beaucoup d’adrénaline et l’individu cherche à se défendre contre toute agression. Or, indique-t-elle, l’excès d’adrénaline est nuisible pour la santé : « Plus il y a d’événements traumatiques, plus l’activité physique est réduite. »

Et d’insister sur le besoin d’une assistance permanente pour toute personne souffrant de trauma car les chiffres montrent que 30% des victimes sont exposées au suicide.

« La dignité humaine est sacrée »

Dr. Peter Birkhofer
Dr. Peter Birkhofer

Dr. Peter Birkhofer, directeur de l’Eglise Universelle dans l’Archidiocèse de Freiburg, cite le premier paragraphe de la Constitution allemande où il est bien stipulé que la dignité humaine est intouchable. Et à la création, poursuit-il, Dieu a donné à chaque homme sa propre dignité. Le prélat constate que nul n’a le droit de la détruire pour un quelconque motif. Le Burundi offre pourtant à la face du monde ce spectacle désolant et horrible.

Pour Philipp Keil, représentant de l’association SEZ (Stiftung Entwicklungszusammenarbeit) chargée de la coopération au développement dans l’Etat de Baden-Württemberg, aucun jour ne passe sans mauvaises nouvelles du Burundi. A la tête du SEZ depuis une année, M. Keil confie qu’il garde un intérêt pour ce petit pays : « Nous sommes aux côtés des Burundais dans leur souffrance. » Il ne doute

Philipp Keil
Philipp Keil

pas qu’avec l’appui de la SEZ, les Burundais pourront survivre à cette crise, et aux traumatismes qui y sont associés. Et de réitérer son soutien au RAPRED-Girubuntu et à son représentant : « Des gens comme Père Maruhukiro sont à encourager car il contribue à construire des ponts entre cultures et pays. »

Debout, Dr. Helmout Scherbaum (à gauche) et Elisabeth Schneider (modératrice
Debout, Dr. Helmout Scherbaum (à gauche) et
Elisabeth Schneider (modératrice

Même son de cloche chez Dr. Helmut Scherbaum, représentant l’organisation « Refugio Stuttgart » qui est une Organisation basée en Allemagne et qui travaille avec les réfugiés et les aide dans le traitement de leurs traumatismes.

Pour Dr. Klaus Baumann, même si la religion peut être dans certains cas à la base des crises, elle est également une force qui peut aider à les traiter. Et ainsi, précise-t-il, contribuer au rétablissement de l’ordre dans la vie : « C’est une ressource incontournable. »

Le soutien des Allemands : cheval de bataille du RAPRED-Girubuntu
Joyce M. Muvunyi assure la médiation
Des Burundaises résident en Allemagne font valoir notre culture
Des Burundaises résident en Allemagne font valoir notre culture

Avec la médiation de Joyce M. Muvunyi, une burundo-allemande, et du Dr. Elisabeth Schneider, un échange s’engage entre experts, chercheurs et participants. Compte tenu de la situation qui se dégrade au pays, des participants estiment qu’il faut réagir vite.

Comment faire pour que l’accompagnement soit effectif dans les camps de réfugiés dans un proche avenir? Y a-t-il dans les pays-hôtes des gens qui ont des compétences pour venir en aide dans l’immédiat à ces personnes ? Les associations œuvrant en Allemagne dans le domaine des réfugiés, sont-elles prêtes à partager leur expérience dans la formation des accompagnateurs ?, etc.

Ces questions trouvent vite leurs réponses : Le RAPRED-Girubuntu a le soutien de tous: de l’Eglise de Frieburg, des Universités de Constance et de Freiburg, de toutes les associations représentées ainsi que de l’Etat de Baden-Württemberg.

A la fin de la journée, des participants sont surpris de rentrer avec des certificats
A la fin de la journée, des participants sont surpris de rentrer
avec des certificats

Interrogé pour savoir si l’on peut s’attendre, dans les prochains jours, à l’ouverture d’un centre de traitement du traumatisme, Déogratias Maruhukiro se veut sincère : « L’idéal serait la création d’un ou de plusieurs centres pour commencer déjà à traiter des cas. Cependant, nous avons encore une série de conférences à organiser pour sensibiliser et mobiliser tout le monde. » En tout cas, conclut-il, le traitement des traumatismes doit précéder le processus de paix et de réconciliation.

A la fin de l’atelier, une surprise attend les participants : un certificat de participation délivré par les organisateurs : le Réseau Africain pour la Paix, la Réconciliation et le Développement durable et l’Institut « Caritaswissenschaft » de l’Université de Freiburg.


 

« Au Burundi, le traumatisme est omniprésent »

Philippe Ziser : « Malgré le traumatisme qui se lit dans le visage des citoyens, le Burundi reste un pays magnifique à vivre. »
Philippe Ziser : « Malgré le traumatisme qui se lit dans le visage des citoyens, le Burundi reste un pays magnifique à vivre. »

Outre les chercheurs, experts, associations, etc., l’atelier a vu la participation d’amis du Burundi et de politiques : une délégation des Forces Nationales de Libération (FNL-pro Agathon Rwasa) conduite par Aimé Magera, porte-parole de M. Rwasa.

« Le Burundi est l’un des plus magnifiques pays que j’ai jamais connus », lâche Philipp Ziser, un ancien du Burundikids, une ONG allemande de soutien aux plus vulnérables. Le traumatisme, il l’a senti durant les quelques années qu’il a passées, avec les populations les plus démunies à travers le pays. Un passé violent, raconte-t-il, qui laisse toujours des séquelles voire des blessures chez certaines personnes. Il évoque les nombreux souvenirs qui lui viennent l’esprit avant de déclarer qu’il reste attaché à ce beau pays, malgré tout ce qui s’y passe aujourd’hui.

‘Le temps guérit les plaies ‘, dit un adage allemand. Philipp Ziser, se qualifiant d’ami du Burundi et des Burundais, garde un brin d’optimisme : « Il faudra du temps pour que les esprits s’apaisent, mais ils s’apaiseront tout de même. » Son seul espoir : la jeunesse qui continue à se battre et à mourir pour un Burundi meilleur.


« Nous sommes les premières victimes »

La délégation du parti FNL conduite par Aimé Magera (2ème à droite) : « Nous sommes les premières victimes »
La délégation du parti FNL conduite par Aimé Magera (2ème à droite) : « Nous sommes les premières victimes »

Selon Aimé Magera, les militants FNL devraient être les premiers à bénéficier de cette thérapie parce qu’ils continuent à être les premières victimes de la ‘répression’ aveugle du parti au pouvoir et d’autres régimes qui l’ont précédé. Des ‘milliers’ de leurs militants ont été assassinés, décapités et jetés dans les rivières entre les années 2000, 2006, 2008, 2009 et 2016. En moins de deux mois, son camp a déjà recensé plus de 150 cas des personnes assassinées, emprisonnées et torturées. Plus traumatisés que les FNL, réalise-t-il, tu meurs ! Pour ce porte-parole du FNL-Pro-Rwasa, au moment même où il parle, d’autres militants FNL sont en train de se faire massacrer ou d’être torturés au pays.

Il regrette que les tortionnaires des Burundais en général et des militants FNL en particulier, se la coulent douce : « Les victimes du trauma doivent être réparés et leurs bourreaux jugés. » Justice, insiste-t-il, doit être rendue.

Interrogé pour savoir si son ancien mouvement le PALIPEHUTU-FNL n’est pas responsable également du traumatisme dont certains Burundais sont victimes, Aimé Magera est direct : « Il n’appartient à personne de nous accuser.

Seule la Commission Vérité Réconciliation a les prérogatives d’établir les responsabilités de chacun tel que défini par l’accord d’Arusha». Le FNL, rassure-t-il, est parmi ces gens qui veulent que la vérité soit connue au grand jour.

*Malgré toutes les accusations- tortures, enlèvements- assassinats- portées contre le gouvernement de Bujumbura, ce dernier se tient droit dans ses bottes. « Ce sont les ennemis de la paix, clament toujours les autorités burundaises, qui veulent salir l’image du pays ».

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8 réactions
  1. GIHUGU

    Merci de cet article

  2. b

    Merci à tous ceux qui enfin osent le dire, et à Antoine d’avoir permis que cet article paraisse pour que les choses évoluent. Oui personne ne peut nier que lorsqu’un malheur arrive , il laisse des traces à vie, mais pour le Burundi, c’est une accumulation de malheurs depuis des dizaines d’années, je crois qu’on peut dire que toutes les familles du Burundi sont concernées, quelle que soit leur côté. C’est un peuple tout entier qui a subi et subi encore la sauvagerie gratuite d’un certain nombre, oh très petit, mais tellement manipulateur. La pire des choses est sans aucun doute d’être obligé de se taire, sous peine de perdre la vie soi-même ou pire faire courir le risque à ceux de la famille qui n’ont pas été touchés. Alors nous trainons tous et toutes derrière nous des dizaines d’années de non dits, nous étouffons avec. Pour le comprendre, il faut l’avoir vécu et pour certaines restés au pays, le vivre encore et encore, tant d’espoirs déçus de pouvoir vivrer enfin en paix tous ensemble. Je crois qu’il faudra beaucoup, beaucoup de psy pour aider le Burundi, mais aussi la diaspora du Burundi. Je ne connais aucune personne qui a pu se reconstruire à 100 %, même si les apparences le font penser. Il est grand temps de parler, mais aussi de trouver des solutions pour pouvoir agir dans ce pays et libérer la population de ce mutisme. Il faut savoir raconter l’histoire, dire la vérité devant tous, sans honte et sans peur surtout. Il faut absolument que les intérêts d’un petit nombre passent après ceux de tout un peuple qui est formidable. Ceux qui connaissent le Burundi, ou y sont allés, rien qu’une fois, disent toujours la même chose, les gens de ce pays sont adorables, ils sont accueillants, souriant. Mais bien souvent ces visiteurs ne savent même pas ce que ce peuple a vécu et vit toujours. J’ai rencontré des gens qui essaient de faire des bonnes actions là-bas, dans certaines régions et j’ai été stupéfaite de me rendre compte qu’ils ont pu aller au Burundi, quelques semaines, y avoir cotoyé la population de très près, avoir améliorer la vie de certains, puis revenir en France et , on a peine le croire et pourtant c’est vrai, ces gens ignorent tout de ce qui s’est passé et se passe encore là-bas.Preuve que les burundais sont incapables de raconter leur vie et surtout les malheurs qui les touchent. C’est regrettable car cette aide formidable qu’ils veulent apporter aux gens, risque de tourner à rien si quelqu’un décide de ruiner leur entreprise.

  3. Kagabo

    Ce n’est pas facile de n’est pas avoir des traumatisme avec tant de souffrances que les Burundais nous avons souffert. Au moins il y a ces qui voient les leurs dans une cimetière connu avec l’assurance d’aller souvent se recueillir et y poser une gerbe de fleure et autres, Savez-vous qu’il y a plus de 300 milles et plus d’autres Burundais qui n’ont eu même des corps des leurs et les enterrer dignement en 1972? Et savez-vous les soufrances et le traumas qu’ils éprouvent? Le pays souffre et son peuple aussi.

  4. Ernest Ntibareha

    Cet article est un appel de plus à un examen de conscience, tant des dirigeants que des dirigés.

  5. ngabire

    soignez les Burundais , oui.. quand je pense que je viens de faire la levée de deuil de mon père assassiné en mai 1972, 40 ans après parce que durant le règne de Micombero, Bagaza et Buyoya, il ne fallait surtout pas parler de ce génocide des hutus. Toutes les victimes s’équivalent, pas seulement les victimes récentes où on dénombre toutes les ethnies confondues. Les victimes d’hier sont devenues des bourreaux d’aujourd’hui…Allez savoir pourquoi? Je m’insurge contre la haine. Aucun enfant ne devrait perdre ses parents, frères ou soeurs parce qu’ils sont de telle ou telle ethnie.. Ceux qui veulent nous aider , doivent considérer qu’un Hutu = un Tutsi = un Twa.
    Aidez nous à guérir de l’Ethnisme, mais ça , il n’y a peut être qu’un expert: UHORAHO

  6. MUSHITSI

    Merci Antoine. On s’approche de la solution, peut-être, par cette analyse.
    « Les traumatismes subis pendant différentes guerres sont peut-être à l’origine des crises d’aujourd’hui. » Tout est dit : nous reproduisons notre vécu. Il faut absolument briser ces traumatismes pour rebondir sur la voix du progrès.

  7. JOSHUA 2015

    Je trouve la réflexion judicieuse. Aurons-nous suffisamment d’humilité pour reconnaître que la guérison des traumas collectifs et individuels fera partie de la solution aux souffrances cycliques vécues par les Burundais ?
    Mais ce sera un travail de longue haleine !

  8. roger crettol

    C’est peu-être bien une des publications les plus importantes que j’aie lues sur votre site.

    J’espère qu’elle sera largement diffusée et que les personnes qui le liront prendront ce texte comme celui qu’écrirait un ami épris de compassion.

    Aucune souffrance, aucun traumatisme ne devrait pouvoir empêcher de reconnaître que cette même souffrance est aussi celle qui frappe ceux du groupe des « autres », des « criminels », parce que « tout le monde » y a eu droit, en cinquante-cinq ans de troubles et de violences répétées.

    Des violences ajoutées aux violences – ainsi se résume pour moi l’histoire profonde du Burundi. Je serais heureux de voir ce peuple ami choisir un chemin différent … empreint de respect et de compassion.

    Note de la rédaction

    Merci cher M.Crettol

    Antoine Kaburahe

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