On peut encore espérer bâtir un Burundi meilleur »Le père Déogratias Maruhukiro, représentant du RAPRED-Girubuntu en collaboration avec l’Institut « Caritaswissenschaft » de l’Université de Freiburg, est déterminé à venir en aide aux Burundais souffrant de traumatismes liés aux différentes crises politiques. Son cheval de bataille : l’expérience des chercheurs et partenaires allemands.
Que de cœurs et de vies brisés au royaume du tambour et du roi Mwezi Gisabo. L’histoire marquée par des tensions et des troubles depuis la veille de son indépendance en 1961 n’a fait qu’accumuler les ravages psychologiques dans la société de ce petit pays de l’Afrique de l’Est.
Comment la famille du Roi Mwambutsa a-t-elle vécu l’assassinat de ses deux fils, le Prince Louis Rwagasore en 1961 et le roi Ntare V en 1972 ? Comment en 1965, la famille de Pierre Ngendandumwe, ancien premier ministre, a-t-elle vécu la disparition de ce père de quatre enfants ? Comment en 1969, certaines familles ont-elles vécu la disparition des leurs, tués parce qu’ils n’étaient pas tout simplement nés à Bururi (au sud du Burundi, province natale de trois ancien chefs d’Etat, ndlr) ? Comment en 1972, des centaines de milliers de familles ont-elles vécu les massacres perpétrés contre les leurs parce qu’ils étaient tout simplement nés Hutu ? Comment ces mêmes familles ont-elles vécu l’interdiction de pleurer les leurs ?
Comment en 1988, à Ntega-Marangara, au nord du Burundi, des gens ont-ils vécu la folie meurtrière entre anciens voisins ? Comment en 1991, dans la capitale Bujumbura et dans la partie ouest du Burundi, des familles ont-elles vécu la disparition des leurs, suite à une ‘pseudo’ attaque des rebelles du mouvement Palipehutu FNL ?
Comment deux ans plus tard, en 1993, la famille de feu Melchior Ndadaye, premier président démocratiquement élu, a-t-elle vécu cette terrible tragédie à trois mois de sa prise du pouvoir ? Comment des centaines de milliers de Burundais pour la plupart Tutsi ont-ils vécu les massacres à grande échelle qui ont suivi comme une sorte de ‘vengeance’ ?
Comment des Burundais ont-ils vécu les dix ans de guerre civile avec comme conséquence la perte des milliers de vies humaines?
Comment en 2013 à Gatumba, une trentaine de familles a ont-elles vécu la disparition des leurs, assassinés alors qu’ils partageaient un verre dominical?
Comment depuis 2008, des familles des militants FNL ont-elles vécu des massacres perpétrés contre les leurs, comme si l’appartenance à ce parti était un péché mortel ?
Comment, depuis avril 2015, plus de mille familles vivent-elles le deuil de leurs enfants, maris, épouses, proches, amis et voisins parce qu’ils ont (ou pas) dit tout simplement ‘basta’ à la violation de la Constitution, la bible républicaine et de l’Accord d’Arusha? Une pensée spéciale est dédiée aux familles de tous ces innocents comme Jean Népomucène Komezamahoro, un jeune adolescent étranger à la politique, au petit Don, assassiné avec son père à Ngagara et aux deux frères jumeaux assassinés le 1er juillet à Mutakura avec leur père.
L’heure de soigner les blessures a sonné
C’est dans la grande salle de l’archevêché de Freiburg, dans le sud de l’Allemagne, que Père Déogratias Maruhukiro, du Réseau Africain pour la Paix, la Réconciliation et le Développement durable (RAPRED-Girubuntu), a organisé en ce début de décembre 2016, la première journée de réflexion sur le traumatisme.
La salle accueille de nombreux chercheurs, universitaires, médecins, psychologues, représentants des associations allemandes, partenaires de RAPRED-Girubuntu, de l’Etat de Baden-Württemberg ainsi que de l’association allemande de développement, SEZ, partenaire incontournable du Burundi en matière de développement.
Ce thème est rarement abordé et le Père Schoensttatien a choisi d’en parler parce qu’il estime que c’est plus qu’urgent : « Les traumatismes subis pendant différentes guerres sont peut-être à l’origine des crises d’aujourd’hui. » Selon lui, on pense moins à soigner ces souffrances invisibles, souvent psychiques et spirituelles qui ne se manifestent pas directement, alors qu’elles causent beaucoup de dommages.
A la tête d’une association qui prône la paix et la réconciliation, Déogratias Maruhukiro indique qu’il s’en voudrait de parler de paix alors qu’il y a des gens qui vivent au quotidien le traumatisme.
Plus de 300 000 Burundais en exil, déplore cet ancien recteur du Sanctuaire marial du Mont Sion Gikungu, qui pour la plupart souffrent de traumatisme physique et psychique, méritent d’être assistés et accompagnés : « Tout le monde devrait hausser la voix. Ce n’est pas le seul travail des églises, et pas non plus celui de la seule église catholique dont je fais partie. »
Merci de cet article
Merci à tous ceux qui enfin osent le dire, et à Antoine d’avoir permis que cet article paraisse pour que les choses évoluent. Oui personne ne peut nier que lorsqu’un malheur arrive , il laisse des traces à vie, mais pour le Burundi, c’est une accumulation de malheurs depuis des dizaines d’années, je crois qu’on peut dire que toutes les familles du Burundi sont concernées, quelle que soit leur côté. C’est un peuple tout entier qui a subi et subi encore la sauvagerie gratuite d’un certain nombre, oh très petit, mais tellement manipulateur. La pire des choses est sans aucun doute d’être obligé de se taire, sous peine de perdre la vie soi-même ou pire faire courir le risque à ceux de la famille qui n’ont pas été touchés. Alors nous trainons tous et toutes derrière nous des dizaines d’années de non dits, nous étouffons avec. Pour le comprendre, il faut l’avoir vécu et pour certaines restés au pays, le vivre encore et encore, tant d’espoirs déçus de pouvoir vivrer enfin en paix tous ensemble. Je crois qu’il faudra beaucoup, beaucoup de psy pour aider le Burundi, mais aussi la diaspora du Burundi. Je ne connais aucune personne qui a pu se reconstruire à 100 %, même si les apparences le font penser. Il est grand temps de parler, mais aussi de trouver des solutions pour pouvoir agir dans ce pays et libérer la population de ce mutisme. Il faut savoir raconter l’histoire, dire la vérité devant tous, sans honte et sans peur surtout. Il faut absolument que les intérêts d’un petit nombre passent après ceux de tout un peuple qui est formidable. Ceux qui connaissent le Burundi, ou y sont allés, rien qu’une fois, disent toujours la même chose, les gens de ce pays sont adorables, ils sont accueillants, souriant. Mais bien souvent ces visiteurs ne savent même pas ce que ce peuple a vécu et vit toujours. J’ai rencontré des gens qui essaient de faire des bonnes actions là-bas, dans certaines régions et j’ai été stupéfaite de me rendre compte qu’ils ont pu aller au Burundi, quelques semaines, y avoir cotoyé la population de très près, avoir améliorer la vie de certains, puis revenir en France et , on a peine le croire et pourtant c’est vrai, ces gens ignorent tout de ce qui s’est passé et se passe encore là-bas.Preuve que les burundais sont incapables de raconter leur vie et surtout les malheurs qui les touchent. C’est regrettable car cette aide formidable qu’ils veulent apporter aux gens, risque de tourner à rien si quelqu’un décide de ruiner leur entreprise.
Ce n’est pas facile de n’est pas avoir des traumatisme avec tant de souffrances que les Burundais nous avons souffert. Au moins il y a ces qui voient les leurs dans une cimetière connu avec l’assurance d’aller souvent se recueillir et y poser une gerbe de fleure et autres, Savez-vous qu’il y a plus de 300 milles et plus d’autres Burundais qui n’ont eu même des corps des leurs et les enterrer dignement en 1972? Et savez-vous les soufrances et le traumas qu’ils éprouvent? Le pays souffre et son peuple aussi.
Cet article est un appel de plus à un examen de conscience, tant des dirigeants que des dirigés.
soignez les Burundais , oui.. quand je pense que je viens de faire la levée de deuil de mon père assassiné en mai 1972, 40 ans après parce que durant le règne de Micombero, Bagaza et Buyoya, il ne fallait surtout pas parler de ce génocide des hutus. Toutes les victimes s’équivalent, pas seulement les victimes récentes où on dénombre toutes les ethnies confondues. Les victimes d’hier sont devenues des bourreaux d’aujourd’hui…Allez savoir pourquoi? Je m’insurge contre la haine. Aucun enfant ne devrait perdre ses parents, frères ou soeurs parce qu’ils sont de telle ou telle ethnie.. Ceux qui veulent nous aider , doivent considérer qu’un Hutu = un Tutsi = un Twa.
Aidez nous à guérir de l’Ethnisme, mais ça , il n’y a peut être qu’un expert: UHORAHO
Merci Antoine. On s’approche de la solution, peut-être, par cette analyse.
« Les traumatismes subis pendant différentes guerres sont peut-être à l’origine des crises d’aujourd’hui. » Tout est dit : nous reproduisons notre vécu. Il faut absolument briser ces traumatismes pour rebondir sur la voix du progrès.
Je trouve la réflexion judicieuse. Aurons-nous suffisamment d’humilité pour reconnaître que la guérison des traumas collectifs et individuels fera partie de la solution aux souffrances cycliques vécues par les Burundais ?
Mais ce sera un travail de longue haleine !
C’est peu-être bien une des publications les plus importantes que j’aie lues sur votre site.
J’espère qu’elle sera largement diffusée et que les personnes qui le liront prendront ce texte comme celui qu’écrirait un ami épris de compassion.
Aucune souffrance, aucun traumatisme ne devrait pouvoir empêcher de reconnaître que cette même souffrance est aussi celle qui frappe ceux du groupe des « autres », des « criminels », parce que « tout le monde » y a eu droit, en cinquante-cinq ans de troubles et de violences répétées.
Des violences ajoutées aux violences – ainsi se résume pour moi l’histoire profonde du Burundi. Je serais heureux de voir ce peuple ami choisir un chemin différent … empreint de respect et de compassion.
Note de la rédaction
Merci cher M.Crettol
Antoine Kaburahe