Sur 3,3 millions de personnes actives au Burundi, 12,5% détenaient un compte dans une institution financière agréée par la banque centrale en 2012. Ce pourcentage a grimpé à 21, 47 % en 2016, d’après les données de la BRB qu’Iwacu a récoltées.
Selon le rapport sur l’état des lieux de l’emploi des jeunes au Burundi, effectué par les ONG Réseaux des Organisations des Jeunes en Action(REJA) et Appui au Développement Intégral et à la Solidarité sur les Collines(ADISCO) en 2016, 14% de la population active faisaient recours au secteur financier informel (c’est-à-dire, épargnaient sans faire recours à un système financier reconnu par la banque centrale) .
Maman Don, vendeuse de tomates au Marché de Kinindo, utilise un système appelé « Ikirimba » pour épargner son argent. Le système consiste à former un groupe d’épargne et payer une cotisation hebdomadaire qu’ils partagent à la fin d’une période donnée. Le système permet d’octroyer des crédits à des taux très bas. « Avec Ikirimba, je ne suis jamais à court de l’argent, je peux emprunter de l’argent dans la caisse et financer mes petits projets, c’est mieux qu’aller à la banque même. »
Un taux d’inclusion financière qui augmente lentement
Le taux d’inclusion financière, c’est à dire le taux d’accès aux produits des banques et autres institutions financières, a augmenté au cours de ces dernières années, de 12,5% en 2012, il est passé à 23,81% en 2014, puis 25,74% en 2015 et a atteint à 21,47% en 2016.
« L’épargne à la banque est pour les gens qui ont un salaire ou, du moins, un revenu quelque part. Je ne vois pas pourquoi j’irais créer un compte en banque si je ne suis pas sûr d’avoir de l’argent pour l’alimenter», c’est le triste constat de C.N, au chômage depuis la fin de ses études universitaires, il y a deux ans maintenant.
Emile, grossiste en charbon en mairie de Bujumbura, qui doit envoyer de l’argent au moins une fois la semaine pour s’approvisionner, fait recours au service de transferts électroniques, plus cher qu’un service bancaire.
« Certaines régions n’ont pas de point de service d’une banque, je dois alors faire un transfert électronique. Je ne supporte pas aussi les longues files d’attente dans les banques : ça me fait perdre du temps ! »
Le taux de chômage est de plus de 65% chez les jeunes de 15 à 35 ans, lesquels représentent plus de 60% de la population burundaise, alors que le PIB par habitant et par an est parmi les plus faibles au monde (261, 247 USD en 2019). Ces deux facteurs peuvent expliquer pourquoi peu de Burundais ont recours aux services bancaires.
Le faible nombre d’agences bancaires, principalement à l’intérieur du pays, et les frais élevés de gestion des comptes sont aussi deux autres raisons permettant d’expliquer la situation.
Quand tenir un compte devient un luxe…
Ouvrir un compte bancaire, ce n’est pas gratuit. Aux frais d’ouverture du compte s’ajoutent des frais de gestion mensuelle et le coût peut paraître exorbitant pour une population à très faible revenu.
Certaines banques essaient de faciliter l’accès en allégeant les exigences pour certaines catégories de la population à revenu minime, ou parfois sans revenu fixe comme les étudiants, tandis que certaines semblent être réservées à une minorité plus nantie. Iwacu a mené une enquête, sur les frais d’ouverture d’un compte bancaire. Le service est rarement gratuit et, selon l’institution bancaire, les prix peuvent grimper jusqu’à 30.000, voire 100.000 francs burundais.
En 2018, 84% des répondants à un sondage de la banque centrale ont affirmé qu’ils n’avaient pas de comptes en banques, suite à l’insuffisance des revenus et l’incapacité de réunir le montant minimum exigé.
Quant aux frais de gestion, ils varient de 1.500 à 6.500 par mois, selon l’institution bancaire, Interbank étant la plus gourmande de toutes, indique notre enquête.
« Avec les comptes étudiants proposés par certaines banques, la situation est plus ou moins bonne, sinon 3.000 francs chaque mois, quand on n’a pas de revenus fixes, c’est beaucoup », confie Gloria, étudiante à l’Université Lumière de Bujumbura.
Merci pour d’hier Iwaku pour cet article riche.
Je suis entrain de rédigé un article sur les moyens de transfert au Burundi, l’idée est de présenter tous les moyens de transfert disponible au pays (mobile money, banque et autres ) pour faire des transactions au pays et hors Burundi . Afin de présenter Bitcoin et de montrer à quel point il serait une solution pour les défis que vous avez énumérés.
Un très bon article, mais je pense que ce serait mieux pour la prochaine fois, d’ajouter d’autres variables comme la perception du système bancaire, le niveau de scolarité etc…. et faire une regression pour voir quelle est vraiment la variable qui influence plus significativement l’éxclusion bancaire. Donc, juste avec la stat. descriptive, on ne peut pas conclure que c’est la pauvreté qui est le facteur déterminant de l’exclusion bancaire . Je pense par exemple aux gens qui ont beaucoup d’argent, mais qui ne veulent pas ouvrir un compte bancaire ( pourquoi ?) et d’autres qui ont des comptes parce qu’ils sont obligés (pas leur volonté).
Un bon article utile pour l’institut stat. de notre pays, pour la BRB et également pour les banques commerciales qui connaissent la valleur de la stat. dans la prise de décision. un bon début!
Excellent article, et puis, les commentaires sont ouverts ? C’est de nouveau Noël après seulement quelques semaines !!!
Merci pour ce numéro très riche
Merci à Iwacu(tjrs égal à lui même) pour cet éclairage. Iwacu est vraiment une lumière de l’info. Je ne peux qu’être complètement encore une fois admiratif pour cet autre projet datajournalisme.
Merci encore pour tout!
Même pour des sujets plus politiques, on pourra, à partir de cette innovation, construire des opinions fondées sur encore sur le réel chiffré. Merci
Bonjour Tony!
Cher Iwacu,
Ce grand format est tout simplement excellent tant sur le data journalisme que le Directeur présentessi bien dans l’éditorial que sur le sujet traité. La faible inclusion financière et bancaire des burundais est une autre image de leur pauvreté. Et le secteur bancaire (à commencer par la BRB qui semble être là non pas pour le bien de la collectivité, mais comme guichet des banques commerciales) paradoxalement semble ne pas le voir. Et la classe aisée qui, finalement, est la seule à profiter des services bancaires, vit dans une sorte de bulle.
J’ai connu instituteur dans l’actuelle province de Mwaro (la seule banque présente actuellement n’existait pas encore) devait voyager à 40km vers Muramvya où l’unique guichet dans la région était la Cadebu qui avait une petite agence. Et souvent il prenait avec lui des procurations de 5 ou 6 de ses collègues pour toucher leur solde et la leur apporter (avec les risques de voyager avec autant d’argent dans une région où la misère était ambiante…).
Quand j’ai vu que vous avez des gens qui s’occupent de l’open data dans votre équipe, jen ‘ai conclu que vous avez fleuré un bon filon. Les données statistiques sont une mine d’information pour qui sait s’en servir.
J’ai aimé votre clairvoyance de dire que vous n’allez pas nous servir des tableaux indigestes, mais que vous allez les utiliser pour mieux interpréter le vécu des gens. D’ailleurs Mark Twain ne disait-il pas qu’on peut mentir avec les statistiques (3 sortes de mensonges : les mensonges, les sacrés mensonges et les statistiques!).
En vous lisant j’ai pensé à Yves Calvi sur RTL (radio) qui dit avoir des journalistes pour nous informer, des chroniqueurs pour commenter l’actu en posant des questions à des invités. Et il conclut « Et moi je traduis »! J’ai le sentiment qu’avec le data journalisme, vous aurez tout cela, vous ne produisez pas les chiffres, « vous les traduisez »!
Bravo!
Que la BRB uniformise les banques.
Merci pour cet article si riche.
En cas d’un virement étranger, les commissions bancaires sont exorbitantes et elles varient d’une banque à une autre. Pour un virement de 10 000 USD par exemple, les frais bancaires pour certaines banques dépassent 150 USD. Supposez un virement pour un projet de développement de 1 million USD, …Il me semble que les frais bancaires pour un virement étranger découragent certains investissements directs de la diaspora dans leur pays natal (Burundi). J’aurai aimé savoir le commentaire des banquiers sur cet aspect.
Concernant les frais exorbitants concernant l’ouverture et la tenue de compte, le responsable répondant a précisé qu’ils sont gratuits pour les comptes digitaux mais n’a pas commenté sur les autres types de compte alors qu’on avait besoin justement ses points de vue ou ce qui justifie ces frais élevés et pourquoi ils sont variables d’une banque à l’autre? Quels sont les facteurs à l’origine de cette variabilité? Est-ce que la banque centrale ne peut pas réguler sinon uniformiser ces frais pour toutes les banques pour ne pas laisser les clients à la merci de ces dernières?