Des lieux de loisirs, des bars-restaurants inondés et détruits, des déplacements des populations, destructions des infrastructures publiques et privées … Ce sont quelques conséquences de la crue du lac. Heureusement, pas encore de dégâts humains. Les reporters d’Iwacu ont fait le tour.
Gatumba, en partie les pieds dans l’eau
Quartier Kinyinya de la zone de Rukaramu, tout proche de Gatumba, à l’ouest du pays, les gens passent à gué d’un endroit à l’autre ou se déplacent par pirogue suite à la montée des eaux du lac Tanganyika. A part les cultivateurs dans les champs de riz et des palmiers, les habitants ont déserté les lieux. Ceux qui y sont encore vivent un calvaire. “Le niveau de l’eau est monté. Quand je viens dans les champs, elle m’arrive au niveau de la taille et c’est un problème pour pouvoir se déplacer », raconte un cultivateur.
Dans une palmeraie, la situation est terrifiante : « Quand le vent devient violent, les habitations sont presque totalement submergées. Les champs sont dévastés. » Autre menace : les hippopotames et les crocodiles rôdent et sont devenus trop dangereux.
Les infrastructures publiques ne sont pas à l’abri. L’Ecole Fondamentale de Mushasha est inondée, les enseignants, les écoliers vivent un calvaire. Les cours continuent, mais les eaux du lac sont devant les portes, ils doivent patauger pour y accéder. Les habitations sont à moitié submergées, d’autres sont sur le point de s’effondrer. La plupart sont déjà abandonnées, d’autres démolies. « Les enfants étudient dans de mauvaises conditions. Les gens ont déménagé. Ils ne peuvent pas rester ici dans de telles conditions », confie un habitant, sous le choc.
Le quartier Kinyinya est devenu une cité fantôme. Les plages de Gatumba naguère prisées ne sont plus fréquentées. Leurs équipements sont sévèrement touchés, certains détruits. Les vents violents soulèvent les vagues qui à leur tour viennent emporter tout ce qui se trouve sur leur passage.
Kibenga rural : des habitants désabusés
Au sud de Bujumbura, commune Muha, zone Kinindo, la situation est critique. Une partie des rues baigne actuellement sous les eaux du Tanganyika. Des riverains rencontrés sont désespérés.
11h30. Nous sommes au quartier Kibenga rural, à quelque 250 m du lac Tanganyika. Enfin, c’était avant que le lac Tanganyika ne déborde de son lit. Désormais, le deuxième lac le plus profond du monde a envahi la rue où nous nous trouvons et se rapproche des quelques habitations qui s’y trouvent. K.M est gardien de l’une d’entre elles.
Quand nous lui demandons s’il ne craint pas que l’eau inonde assez prochainement l’habitat de ses employeurs, il est résigné. « Si le lac arrive jusqu’à nous, nous lui cèderons le passage ».
En face de la maison dont K.M est le gardien, un chantier gigantesque. A la porte, nous croisons J.T, un maçon. « Le lac est encore assez loin, il n’arrivera pas jusqu’ici », estime-t-il. Les raisons d’un tel optimisme ? Selon K.M, les eaux du lac avaient débordé à la même période l’année dernière, mais ont reflué à partir du mois d’octobre.
Quid du chantier en cours en cas d’inondation ? Pour le maçon, tant que la menace d’inondation est encore loin, comme il le dit, il devra continuer à se présenter sur son lieu de travail. « D’autant que mon patron me paie toujours mon salaire ».
A quelques mètres de là, nous sommes sur la route qui longe le Lacosta Beach. Du sud au nord, d’est en ouest, toutes les rues, y compris la route principale, sont submergées. Pour se protéger des eaux, des habitants ont superposé des sacs remplis de sable le long des clôtures des maisons.
C’est notamment le cas d’U.R. Avec son voile blanc, c’est une femme d’un certain âge qui nous accueille avec le sourire. De la terrasse de sa demeure, nous voyons l’eau qui menace d’envahir sa parcelle. « C’est depuis mars 2020 que le cauchemar a commencé ». D’après la dame, les caniveaux mis en place de l’autre côté de sa maison ont été vite débordés, libérant l’eau du lac dans les rues. Au mois de décembre de l’année dernière, les inondations se sont rapprochées de chez elle. A tel point que ses enfants manifestent aujourd’hui une inquiétude pour la sécurité. « Mes enfants me disent de partir, mais eux disent vouloir rester. Mais je suis une veuve qui n’a nulle part où aller ! »
Quand nous lui demandons ce que les pouvoirs publics pourraient faire, la mère de famille monoparentale ne cache pas son scepticisme derrière ses lunettes. « Je ne vois pas trop ce que l’Etat ferait, car l’eau nous arrive de toutes parts ! Les pouvoirs publics sauraient sans doute mieux ce qu’il y a à faire, mais à mon avis, tout cela me semble très compliqué ! »
U.R admet aussi que sa maison perdra beaucoup de sa valeur et manifeste son désespoir. « Que peut-on faire face à cela ? Rien ! »
Kabondo et Kinindo : des villas inondées
En plus des plages submergées, des pans de route qui s’effondrent, beaucoup de maisons situées dans les quartiers de Kinindo et Kabondo Ouest sont inondées suite à la montée des eaux. « Nos voisins se sont retrouvés obligés de partir. Ils n’avaient aucun accès à leurs maisons. Les routes sont impraticables », indique un habitant de Kinindo. Sur une seule avenue, 4 ménages ont déménagé dans des maisons de location.
Il n’est pas rare de croiser dans ces quartiers, de gros camions lourdement chargés d’équipements ménagers venus pour le déménagement des familles ayant des maisons situées tout près du lac.
Parmi les habitations menacées figurent des écoles et l’Université Martin Luther King. Dans ces localités, des camions remplis de sable font des navettes pour essayer de couvrir les routes inondées et les rendre plus ou moins praticables.
Mais il arrive que ces camions s’embourbent et restent coincés et pour sortir de là, ils sont tirés par des dépanneuses postées dans les parages et qui se tiennent toujours prêts à intervenir.
A Kabondo Ouest, l’immeuble 3 UN Tanganyika House abritant les agences onusiennes telles que Unicef, Fnuap et Onu Femmes est protégé par un mur de protection d’un côté, mais pour l’autre, des ouvriers essaient de bloquer les eaux du lac Tanganyika par des sacs remplis de sable.
Les habitants de ces quartiers se disent inquiets face à cette montée des eaux du lac Tanganyika. Ils interpellent les autorités habilitées à prendre à bras le corps cette question pour trouver une solution à cette situation.
Les activités commerciales paralysées
Les investisseurs qui avaient aménagé les différentes plages pour les visiteurs ne savent pas à quel saint se vouer. Les uns ont diminué le personnel, d’autres ont vidé les lieux. Les pertes sont énormes.
Un bon nombre d’employés des plages sont au chômage depuis la montée des eaux du lac. Le désespoir se lit sur leur visage. « Je vivais de cette activité d’accueillir et de servir les visiteurs. Aujourd’hui, tout est arrêté. Je ne sais plus quoi faire », confie J.K, un serveur au chômage. Il affirme qu’actuellement, il peut passer une journée sans rien manger.
D’après lui, 95 % des personnes qui exercent leurs activités autour du lac sont touchées. B.K., un des responsables du Cercle nautique indique que les dégâts causés par les eaux sont énormes. La salle de réception, les paillotes, sont inondées par les eaux du lac. Il indique que les clients ont déserté le lieu. Le chiffre d’affaires a baissé d‘environ75 %. Il précise qu’avant, les recettes pouvaient atteindre 3 millions BIF par jour. « Aujourd’hui, c’est à peine qu’on arrive à 500 mille BIF. Soit une perte de plus de 75 millions BIF par mois », déplore-t-il. Ici, il ne parle pas du coût des destructions déjà enregistrées. Une partie du personnel est au chômage. Sur 18 employés, il ne reste que 10 travailleurs : cinq pour le bar et une autre partie pour le restaurant.
Pour essayer d’avoir en peu d’argent, un service de livraison des commandes à domicile a été instauré pour les clients fidèles. Néanmoins, déplore-t-il, cela engendre des frais de déplacement additionnel.
Un autre responsable d’un bar riverain du lac dit que les pertes sont vraiment très importantes. Il évalue son manque à gagner à 15 millions BIF par mois. Mis à part les dégâts matériels, les ventes ont été réduites à 95 %. Avant cette catastrophe, il écoulait facilement plus de 10 casiers de limonades par jour. Mais actuellement, il peut passer toute semaine sans vendre même 5 casiers. Pour s’adapter, il a baissé le nombre d’employés. Il ne reste que 11 sur 40 travailleurs.
A Safi Beach, une femme qui était chargée de faire la propreté à cette plage indique qu’elle ne voit plus comment elle va survivre. Toute la plage est inondée. D’une voix douloureuse, elle révèle qu’elle touchait 70 mille BIF par mois. Tous les 11 employés sont au chômage. « Mes enfants vont mourir de faim sans doute. Et qu’en est-il du paiement du loyer ? », se demande-t-elle, ses yeux inondés des larmes.
A cette plage, des travailleurs journaliers durant les week-ends n’ont plus aussi du travail. Ils recevaient 10 mille BIF par jour.
Ils ne sont pas les seuls à se retrouver dans une situation inconfortable. Éric est un intermédiaire entre les clients et les agences de douane. Il indique que si les activités au port de Bujumbura s’arrêtent suite à la montée des eaux du lac, son manque à gagner s’estimerait entre 15 mille et 20 mille BIF par jour.
Le port de Bujumbura menacé
Suite à la montée des eaux du lac, le seul port moderne du Burundi n’est pas épargné. Des infrastructures portuaires sont menacées. Des eaux s’infiltrent jusqu’à l’intérieur. Des tuyaux d’évacuation des eaux vers le lac ne sont plus fonctionnels. Ils sont inondés. Les agents et travailleurs dans ce port redoutent des inondations pouvant paralyser toutes les activités. « Nous avons entendu qu’il y a un port en République démocratique du Congo qui est complètement submergé. Cette situation risque d’arriver », se désolé un des agents de l’Office Burundais des Recettes (OBR). Le talus de rempart érigé pour la protection des infrastructures de ce port subit les assauts des eaux. Une route passant derrière un des bureaux de la marine nationale s’est effondrée. Elle se retrouve en partie submergée.
A Buyenzi, pas de panique, mais…
« Pas d’apocalypse en vue », tranquillise un vieil homme de Buyenzi, croisé à la 8ème avenue. Dans cette zone dont une partie est sous menace selon le DG de l’IGEEBU, les habitants vaquent à leurs activités quotidiennes. Ils affirment avoir entendu que le Tanganyika peut récupérer sa place. Mais, ils ne désespèrent pas. « La peur ne peut pas manquer, mais nous pensons que cela n’arrivera pas », indique Anicet Niyungeko, 45 ans, rencontré chez lui à la 25ème avenue la plus proche du lac. Si cela arrivait, il pense que ce n’est pas pour demain. « Voir le lac arriver à la 7eme avenue, c’est impensable », continue son voisin, Manacet Habonayo, détenteur d’une boutique à la même avenue. Mercredi 21 avril 2021, il faisait son commerce apparemment sans souci.
Il pense que le lac finira par reculer. « Je l’ai entendu comme ça, mais je ne parviens pas à le digérer», réagit un natif de Buyenzi. Agé de 40 ans, il confie que ses parents et ses grands-parents sont nés à Buyenzi. Pointant du doigt les vieilles maisons du quartier, il pense que si le lac est arrivé un jour à la 7eme avenue, cela date de plus longtemps. Il se dit prêt à vivre ce que ses grands-parents ont vécu à leur époque. « Si cela est arrivé à l’époque de nos grands-parents ça peut nous arriver nous aussi, mais on n’y peut rien » a-t-il commenté.
Cet homme dit que s’il advient que leur quartier soit inondé, la population va se déplacer pour revenir avec le recul de l’eau. « Cela se remarque souvent dans d’autres zones déjà touchées».
Pour certains habitants de Buyenzi, le projet de protection du port de Bujumbura peut sauver leur quartier. Ils considèrent que les eaux qui inonderaient cet ancien quartier de Bujumbura ne viendront que des plages proches du port de Bujumbura. « Si le port est protégé, Buyenzi sera sauvé », glisse un jeune du quartier.
Engager des plans de reboisements aux abord du lac, notamment dans les zone de Kinindo ouest, et kabondo, cesse les exploitations de sable, pierre etc . dans les lits de rivières, cela empêchera que celles ci soit détourné de leurs lits initial, l’état doit jouer sont rôle de protecteurs de l’environnement, et faire cesser toute activité humaine à moins de 500 M du lac.
Le bétonnage des cotes doit être interdit, sans cela le niveaux du lac ne cessera de monter.