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L’Ombudsman, a-t-il raison d’avoir peur ?

05/05/2013 Commentaires fermés sur L’Ombudsman, a-t-il raison d’avoir peur ?

El hadj Mohamed Rukara vient de lancer un pavé dans la mare. Il est menacé de mort pour avoir dénoncé des « groupes corrompus ». Menaces réelles ou manipulation ? Iwacu s’interroge.

<doc4041|left>Mercredi, 9 mai 2012 à 8 heures. Les services chargés de la communication de l’ombudsman contactent différents médias, comme d’habitude, pour leur demander d’assurer la couverture médiatique de deux visites en début d’après-midi: celle de l’ancien président Sylvestre Ntibantunganya et celle de quelques membres de la famille du roi Mwambutsa IV. Vers 16 heures, à la fin de cette activité, Jérôme Ndiho, porte-parole de l’ombudsman burundais brosse en quelques lignes l’objet de ces deux visites.

Pour le premier, il s’agit d’une visite de courtoisie. Pour la famille royale, l’ombudsman évoque la question du rapatriement du corps du monarque enterré en Suisse.

Des journalistes se disent que leur travail est terminé, certains se pressent pour regagner leur rédaction. Soudain, un journaliste de la radiotélévision Salama s’improvise avec la première question en rapport avec la sécurité de l’ombudsman burundais qui serait menacé, relayé par des journalistes de la RTNB et de Rema Fm.

A l’insu et à la surprise de tout le monde, Jérôme Ndiho, porte-parole de Mohamed Rukara, ombudsman burundais, déclare que ce dernier craint actuellement pour sa vie : « Un groupe de malfaiteurs trempés dans des dossiers lourds de corruption l’intimide et planifie de l’assassiner. L’ombudsman burundais demande une autopsie et un test ADN après sa mort pour identifier ses assassins.» Cependant, le porte-parole de l’ombudsman précise qu’il ne cédera pas aux intimidations et qu’il continuera à défendre, d’une manière déterminée, les droits de l’Homme et à lutter contre la corruption au Burundi.
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[Ombudsman : manipulation de l’information et statut de l’institution->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article2755]
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De quels dossiers de corruption s’agit-il ?

Selon Gabriel Rufyiri, cet observatoire a déjà soumis à l’Ombudsman plusieurs dossiers de corruption que l’Olucome a déjà traités, afin que leur suivi soit effectif.
Lors de leur dernière rencontre, se souvient-il, il leur a prouvé qu’il s’en occupait, et ils ont pu constater les étapes déjà franchies. « Je tiens à signaler que c’est la première fois qu’une autorité s’occupe d’un dossier qu’on lui soumet », souligne le président de l’Olucome.

Cependant, continue-t-il, l’Ombudsman n’a pas de mission répressive et ne fait que constater. Il peut, sûrement, utiliser son influence pour faire pression et faire avancer les choses, mais il ne remplace en aucun cas la justice. Selon Gabriel Rufyiri, l’Ombudsman aurait été particulièrement actif dans le dossier concernant la villa du maire et la société BCS, dans lesquels étaient fortement impliqués le maire de la ville, ainsi que certains généraux.

Gabriel Rufyiri, sans affirmer que ces dossiers puissent mettre en danger la vie de l’Ombudsman en danger, n’exclut cette éventualité : « Car, des généraux et des hauts placés de la République y sont cités, et personne n’ignore leur influence. Même le Président de la République peut-être inquiété s’il touche à certains de ces dossiers. » Parce que, poursuit-il, comme je le dis souvent, les corrompus de ce pays sont devenus plus fort que l’Etat.

Une lutte contre la corruption ou un combat politique ?

La déclaration de l’Ombudsman a fait l’effet d’une bombe. Pour sa crédibilité, Cheikh Mohamed Rukara sera obligé de citer des noms. D’après des sources crédibles dans l’entourage de l’Ombudsman, trois personnes seraient dans son collimateur.
Il s’agit du maire de la ville, Me Evrard Giswaswa et des députés du Cndd-Fdd Eric Sindayigaya et Rémy Barampama, élus dans la mairie de Bujumbura.

Dans l’entourage du maire de la ville, on ne comprend pas la raison de cette rancœur, puisqu’il n’existerait aucun dossier de corruption qui mettrait le maire de la ville sur la liste des corrompus dénoncés par l’Ombudsman. On y mentionne les cas des constructions illégales détruites à Kiriri, Kumugoboka et au quartier asiatique, dans lesquels l’Ombudsman a été actif. Mais, dans les milieux proches de Me Giswaswa, ce dernier aurait été plutôt satisfait de l’issue de ces dossiers, parce qu’il avait été induit en erreur en octroyant ces parcelles.

L’autre incident entre les deux hommes aurait été un bar situé près du domicile de l’Ombudsman à Mutanga sud, et que ce dernier considère comme une source d’insécurité. Informé, le maire de la ville a chargé l’administrateur de la commune Rohero de régler cette question. Mais l’Ombudsman a organisé une réunion à laquelle il a convié le maire de la ville pour discuter de cette affaire, rencontre à laquelle Me Giswaswa n’a pas répondu. Et cela n’aurait pas beaucoup plu à Mohamed Rukarara ; pourtant, le maire de la ville participait, ce jour-là, à une réunion de sécurité réunissant tous les gouverneurs.

Quant à Rémy Barampama, il ne voit pas ce qui l’opposerait à l’Ombudsman puisque, déclare-t-il, il n’est pas corrompu. Bien qu’il reconnaisse que M. Rukara n’est pas obligé de l’aimer, il ne voit aucun dossier qui les lierait.
Même cas apparemment pour Eric Sindayigaya. Et si finalement c’était autre chose qui oppose l’Ombudsman à ces trois hommes, et non des dossiers de corruption ?

<doc4042|left>Les « enfants de la ville » contre l’Ombudsman !

Evrard Giswaswa, Eric Sindayigaya et Rémy Barampama sont, en effet, tous natifs de Bujumbura et feraient partie du groupe de jeunes proches du Président de la République. Le ressentiment de l’Ombudsman à leur égard viendrait du fait qu’ils ont été un obstacle dans son désir de placer des gens à lui lors des derniers congrès provinciaux et communaux. Ce qu’ils rejettent catégoriquement.

Pour Rémy Barampama, hutu, sa position dans le parti, son âge, son ethnie et son profil sont différents de ceux de l’Ombudsman pour constituer un obstacle pour ses ambitions politiques. C’est également le cas pour Eric Sindayigaya, lui aussi hutu, et qui ne peut logiquement pas faire le poids contre le numéro deux du conseil des sages du Cndd-Fdd.
Quant à Me Evrard Giswaswa, son entourage ne comprend pas non plus comment son chemin peut croiser celui de l’Ombudsman, et surtout il ne comprend pas de quelle façon il peut bloquer la nomination de ses gens : « c’est le vice-président du conseil des sages où toutes les décisions sont prises, les nominations comprises », s’étonne un des proches de Me Giswaswa.

D’autres vont jusqu’à imaginer un complot ourdi par des ennemis du Cndd-Fdd, en parlant de mauvais conseillers de l’Ombudsman qui profitent de ses réactions à fleur de peau pour créer des brèches dans le parti par la division. Ironiquement, ils déclarent que l’Ombudsman aurait aujourd’hui besoin d’un médiateur pour le réconcilier avec son parti. Dans tous les cas, M. Rukara en veut aujourd’hui à certains hauts cadres du parti.

Historique d’une frustration

D’après nos sources, tout commence quelques jours après son élection par le parlement à la tête de l’institution de l’ombudsman. M. Rukara est soutenu par Pierre Nkurunziza. Mais, le président de la République, en même temps président du Conseil des sages du parti CNDD –FDD souhaite voir l’ombudsman fraîchement élu se dissocier des affaires du parti.
Cependant, Mohamed Rukar estime que c’est une façon de l’écarter du parti. D’après toujours notre source, l’ombudsman choisirait de démissionner de ce nouveau poste au lieu d’abandonner les affaires du parti…

Ce fût la première déception du président Nkurunziza envers Mohamed Rukara, qu’il avait pourtant défendu bec et ongles. Toutefois, le numéro un Burundais n’aurait pas voulu nourrir des polémiques sur cette « désobéissance ». Tout le monde au parti a fermé les yeux.

A la présidence du parti Cndd-Fdd

Mohamed Rukara lui a gardé ses ambitions. D’autres sources fiables indiquent que l’ombudsman aurait même voulu que la présidence du parti soit assurée par quelqu’un de son choix. Mais, le président Nkurunziza brouille les cartes. Il convoque les représentants communaux et provinciaux du parti, les bureaux de la ligue des femmes, des jeunes et le bureau national. Il les invite à démissionner pour laisser place à l’équipe qui sera élue. C’était quelques jours avant le congrès ordinaire du parti, tenu le 31 mars 2012. Ceci marque le premier échec de Mohamed Rukara.

Aux provinciales

L’ombudsman burundais est déterminé à mener son combat. En mairie de Bujumbura, il veut placer Jean Paul Mpawenimana, directeur général des Services Techniques Municipaux (Setemu), natif de la province Cibitoke et ancien représentant de la ligue des jeunes Imbonerakure à Bujumbura. Les Bagumyabanga en mairie le désavouent. Ils portent leur choix sur Evole Bashingwa, un ancien du Cndd-Fdd, ex administrateur de Gihosha (sous le président Ndayizeye, ndlr) et proche de Pierre Nkurunziza. Cependant, pour ne pas frustrer l’ombudsman, précisent nos sources, Désiré Mazimpaka du camp d’El Hadj Rukara est élu comme secrétaire exécutif du parti en mairie.

Aux communales

A Buyenzi, la commune natale de Mohamed Rukara, celui-ci parvient à imposer Sefu Niyonkuru, un présumé Congolais dans les rangs du Cndd-Fdd. Toutefois, la ligue des femmes lui échappe. Rukiya Sekayongwe, une démobilisée et ennemie jurée de Rukara est élue à la présidence succédant à Uzuni Kamikazi, pro-ombusdman. Mohamed Rukara qui, selon des sources dignes de foi, avait tout fait depuis 2005 pour que Mme Sekayongwe ne soit jamais promue au sein du parti présidentiel se retrouve devant une situation « ingérable » dans sa localité. Les frustrations s’accumulent.

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