La commission de l’Assemblée nationale chargée des questions politiques a procédé à l’amendement du projet de loi sur la presse, selon les recommandations des professionnels des médias. Iwacu était là, pour assister à l’adoption du texte …
<doc6561|left>Il est 9 heures ce 27 décembre 2012 au palais de Kigobe. Un jour important pour les médias burundais. Une séance pour adopter la loi régissant la presse au Burundi doit se tenir.
A 10 heures, seuls les professionnels des médias venus couvrir ce grand événement et une dizaine de députés sont au rendez-vous.
Dans la grande salle des congrès, quelques agents du personnel commencent à tout mettre en ordre. Des documents portant le projet de loi ainsi que le rapport de la commission sur les amendements sont distribués.
Des journalistes ont eu le temps de parcourir ces amendements. A leur grande surprise, presque tous les articles qui causaient problème ont été amendés. En leur faveur. Les professionnels des médias n’en reviennent pas. Certains journalistes gardent des doutes quant à son adoption. « C’est trop beau pour y croire », murmurent-ils entre eux.
A 10h 45 min. Presque tous les députés sont là. Des sources fiables à Kigobe indiquent que ce retard a été dû au travail effectué la veille : « Les députés sont rentrés à des heures avancées lorsqu’ils analysaient le budget de l’Etat pour l’exercice 2013. »
Parmi les députés plus ou moins ponctuels, on peut voir Aimé Nkurunziza, président de la Commission qui a travaillé sur cette loi ainsi que Festus Ntanyungu, membre de la même commission.
Concilie Nibigira, ministre des Télécommunications, de l’Information, de la Communication et des Relations avec le Parlement, est aussi dans la salle. Mais elle disparaîtra un instant. « Pour s’entretenir avec le bureau de l’Assemblée », confient nos sources.
Les députés, comme ils ont l’habitude de le faire, se constituent en petits groupes selon les tendances politiques ou les affinités.
Adoption bloquée
Ceux de l’Uprona ont choisi de rester dehors, dans le hall de l’hémicycle. L’attente a été longue. Les professionnels des médias commencent à s’inquiéter. Des informations qui nous parviennent font état d’un blocage au niveau du Bureau de l’Assemblée et certains élus du parti au pouvoir. Ils seraient en consultation et auraient décidé que la loi ne peut pas passer telle qu’amendée par la commission des affaires politiques, administratives, des relations extérieures et de la Communauté Est Africaine.
Motif : elle donnerait trop de liberté et une occasion de critiquer le pouvoir sans en être inquiétée.
11 h 57 min, les députés de l’Uprona regagnent la salle quand tout à coup Aimé Nkurunziza du Cndd-Fdd et Charles Nditije, président de l’Uprona sortent pour échanger. Suivra Poppon Mudugu, du même parti, qui nous informera du report de l’activité d’aujourd’hui en confirmant l’hypothèse du blocage.
Toutefois, Aimé Nkurunziza tranquillisera : « Le bureau de l’Assemblée va arriver incessamment pour la plénière. » Mais deux minutes après, la séance était levée sans aucune autre forme d’explication.
Déception des journalistes burundais
La séance parlementaire de ce jeudi était très attendue par les professionnels des médias. Chez les journalistes, la déception est grande.
Alexandre Niyungeko, président de l’UBJ, l’Union Burundaise des Journalistes, présent à Kigobe ne cache pas son amertume : « Je suis déçu que ce projet de loi n’ait pas été étudié alors qu’elle figurait à l’ordre du jour. Finalement, on n’a même pas su pourquoi. » Le président de l’UBJ attend la prochaine session de février 2013. Interrogé sur ce report, Alexandre Niyungeko est optimiste : « Je ne peux pas prêter de mauvaises intentions à des députés qui n’ont pas exprimé les raisons de cet ajournement. » Il espère bien que l’adoption a été reportée dans le seul souci d’apporter des avancées positives à ce projet. Autrement, dit-il, ce serait
regrettable.
<doc6564|left>Quid des amendements
Les réclamations des professionnels des médias sur le projet de loi concernant la Presse au Burundi touchaient principalement la protection des sources, les montants des amendes infligées aux journalistes ou organes de presse, le pouvoir juridictionnel accordé au CNC. Après plusieurs réunions et la séance de travail avec le ministre ayant l’Information dans ses attributions, la Commission a fait des amendements sur le Projet et les a motivés.
L’article 10 sur la protection des sources d’information devient : « Le journaliste n’est pas tenu de révéler ses sources d’information. » Selon la Commission, la protection des sources d’information est reconnue universellement comme critère qui détermine qu’une presse est libre. Les articles qui fixaient les montants des amendes ont été supprimés, c’est-à-dire de l’article 57 à 62.
La Commission trouve qu’il y a nécessité de ne pas légiférer en contradiction avec des lois en vigueur, notamment le Code pénal, le Code civil et la loi fondamentale. En plus, elle évite de fixer des montants dépourvus de critères objectifs. Enfin, c’est dans le souci de ne pas doter du Conseil National de la Communication (CNC) des pouvoirs juridictionnels alors que la loi le régissant lui donne plutôt des pouvoirs administratifs. L’article 49 devient : « Tout organe de presse ou de communication qui sert de support à la commission de l’un quelconque des délits visés à l’article 12 et 14, doit réparer les dommages causés et dont les montants et les modalités seront fixés par la juridiction qui aura qualifié et statué sur le délit en question. » Selon la Commission, le CNC n’ayant pas de pouvoir juridictionnel, il faut préciser l’organe habilité pour fixer le montant et les modalités de réparer les dommages.
Même si la Commission a plaidé pour la liberté de la presse au Burundi, madame la ministre n’a pas pu défendre les journalistes et les organes de presse lors de la séance de travail du 20 décembre. Pire : elle a désinformé la Commission. La ministre a affirmé que de fréquentes consultations ont eu lieu entre l’Union Burundaise des Journalistes (UBJ), la Maison de la Presse, le CNC et le Ministère. Or, de l’avis des responsables des médias, le Projet de loi est arrivé à l’Assemblée nationale sans que les professionnels des médias en sachent le contenu.
Le Cndd-Fdd s’en lave les mains : Pascal Nyabenda, président du parti présidentiel, qui n’était pas présent à Kigobe, indique que son parti n’y est pour rien. Et de déclarer que toutes les décisions viennent du bureau de l’assemblée nationale et non de son parti.