Dimanche 22 décembre 2024

Société

Logements sociaux : les doléances des déplacés de SOCARTI

19/04/2023 1
Logements sociaux :  les doléances des déplacés de SOCARTI
Vue partielle de SOCARTI.

Le quartier dit SOCARTI, zone Kamenge, commune Ntahangwa, fait partie des sites concernés par le programme de construction des logements sociaux. Les déplacés de ce quartier ne s’opposent pas à ce projet. Mais, ils demandent une aide pour trouver où se loger. Reportage.

« Personne ne s’oppose à ce projet du gouvernement. Mais, il faut qu’on soit consulté pour que nous donnions nos points de vue. Car, nous venons de passer plusieurs années ici et nous n’avons pas où aller », confie B.K., un sexagénaire de ce quartier.

Il précise que la majorité des habitants sont soit des déplacés soit leurs descendants. « Nous demandons au gouvernement de nous aider. Pour ceux qui ont des parcelles, au moins, ils peuvent fabriquer des briques, mais que l’Etat leur donne des moyens pour payer les maçons et les tôles ».

Pour ceux qui n’ont pas une parcelle, ce déplacé estime qu’il revient à l’Etat de protéger sa population : « Je ne pense pas qu’il va nous jeter à la rue, cela serait créer d’autres problèmes. » Il ajoute qu’il y a des vieux qui n’ont personne pour les assister : « C’est à l’Etat de s’en occuper. »

Malgré ces demandes, ces déplacés de SOCARTI reconnaissent que cette propriété ne leur appartient pas. Idem pour la majorité des maisons dans lesquelles ils vivent. « Nous vivons dans ces maisons, mais nous sommes conscients qu’elles ne nous appartiennent pas », confie une maman, rencontrée dans ce quartier.

Les plus âgés sont là depuis 1990. « Avec la crise de 1993, on s’est réfugié dans les quartiers Ngagara 3&4, Nyakabiga et Buyenzi. Et entre 1995-96, nous avons été installés à Kidumburwe et des parcelles nous ont été données », raconte-t-elle. Malheureusement, ils n’avaient pas de moyens pour les mettre en valeur.

Ainsi, poursuit-elle, ils ont installé des huttes pour s’abriter. Elle fait savoir qu’à un certain moment, des maladies inconnues les ont attaqués : « On parlait de mauvais esprits. Et il y a eu des morts. » Des inondations les ont aussi touchés là, suite à de fortes pluies.

Devant une telle situation, les autorités d’alors ont pris la décision de les délocaliser et de les installer provisoirement à SOCARTI.

Ils ont occupé des maisons de la société immobilière publique (SIP) qui étaient destinées aux fonctionnaires. « Normalement, c’était pour une période de trois mois en attendant que le gouvernement nous construise là des maisons en dur. C’était en 1999. Au lieu de nous construire des maisons, des particuliers ont construit dans nos parcelles ».

Manifester le mécontentement

En signe de contestation, poursuit-elle, ces déplacés sont allés installer des tentes, des huttes à Kidumburwe, dans leurs parcelles. Cette mère de six enfants garde un mauvais souvenir de la matinée où ils ont été chassés de là : « Nous avons été chassés à coups de matraque, de lacrymogènes, de balles réelles. » Impuissants, déplore-t-elle, ils se replient encore vers SOCARTI. Et quelques jours après, ils tentent un autre coup pour manifester leur mécontentement.

Cette fois-ci, elle indique qu’un sit-in va avoir lieu dans les enceintes de l’ancien building du ministère des Finances : « Nous y avons passé des jours et des nuits. C’était en 2005. Par la suite, un dialogue va être organisé. Et on est revenu à Kidumburwe avec une promesse d’avoir des parcelles à Maramvya. » Elle affirme que des parcelles ont été données. Ils ont même eu des attributions.

Willy Bosco Nduwumwami : « Des tricheries ont entaché cette opération d’octroi des parcelles à Maramvya. »

Approché, Willy Bosco Nduwumwami, chef du quartier, indique que des tricheries vont entacher cette opération d’octroi des parcelles à Maramvya. Il donne l’exemple d’une femme aujourd’hui en exil : « Elle était parmi ceux qui donnaient ces parcelles. Or, elle était elle aussi déplacée. Vous comprendrez qu’avant de penser aux autres, elle s’est d’abord servie. »

Beaucoup de déplacés n’ont pas pu les mettre en valeur. « Nous avons reçu une injonction de mettre en valeur leurs parcelles dans une période de 12 mois. Et la majorité n’était pas capable de s’exécuter. Et après cette période, la parcelle devait retourner dans le domaine de l’Etat ».
Ainsi, il indique que beaucoup de ces déplacés vont les vendre : « Certains vont acheter des parcelles dans des coins où il n’y avait pas ce genre de pression, d’autres vont utiliser cet argent pour d’autres fins. »

Il signale que les coûts variaient entre 400 mille BIF et 1.500.000BIF. « Moi aussi je l’ai vendue pour acheter une autre à Gatunguru, précisément à Nyakabondo. Malheureusement, c’est là où passera la route qui mène à l’aéroport. J’ai donc moi aussi besoin d’assistance ».

Il ajoute que d’autres se sont vu spoliés de leurs parcelles par des inconnus : « Ils construisaient même pendant la nuit. Etant déplacés, dépourvus de moyens financiers, on ne pouvait rien. D’autres parcelles ont été vendues par ceux qui devraient plaider pour notre cause, des déplacés un peu aisés. »
Willy Bosco Nduwumwami fait état de 420 familles qui étaient concernées. En ajoutant des rapatriés venus de la RDC, des déplacés venus des autres quartiers de la mairie, un total de 609 familles vit là.

La liste contestée

Sur place, des élus collinaires indiquent qu’après avoir entendu que ce quartier est concerné par le programme de logements sociaux, ils ont écrit une lettre aux plus hautes autorités du pays. « Nous remercions le président de la République., car il a pris au sérieux notre préoccupation de trouver d’autres lieux où nous pourrions vivre. Et il a mis en place une commission », confie R.I., un déplacé de la localité.

Ce dernier indique que la liste leur présentée récemment n’est pas conforme à la réalité. Ces déplacés disent que sur cette liste figurent 171 familles qui ont reçu des parcelles, y compris celles dont les leurs ont été « volées ».

Il faut ajouter, selon M. Nduwumwami, 10 familles rapatriées et 25 familles descendantes des déplacés morts. D’après lui, 609 familles ne se sont pas retrouvées sur cette liste. « On ne sait même pas si les propriétaires des parcelles « volées » seront indemnisées ou pas », déplore R.I, un autre déplacé.

Dans ce site dit SOCARTI, on accuse un certain Pierre Ngabonziza d’avoir joué un rôle dans la vente de leurs parcelles, ce qu’il réfute : « C’est un mensonge, car je ne faisais pas partie de ceux qui leur ont donné des parcelles. Je ne travaille pas pour le ministère en charge du foncier. »

Joint par téléphone, il nous a renvoyé aux services de la présidence : « Cette question est à ce niveau. Et ce sont ces services qui vont donner une bonne orientation à cette question en faveur des gens du camp SOCARTI. »
Alors que ces déplacés parlent d’une commission qui est en train de travailler sur cette question, M.Ngabonziza assure qu’elle n’existe pas : « Elle a été mise en place par qui ? Avec quelles missions ? »

Nous avons tenté d’avoir l’avis du ministère en charge des infrastructures sur cette question, en vain.

Forum des lecteurs d'Iwacu

1 réaction
  1. Kanda

    Il semble qu’il y a un proverbe burundais qui dit: So akwanka akuraga ivyamunaniye. Même chez l’Etat c’est pareil, les mauvais pouvoirs ou les mauvais dirigeants lèguent à leurs successeurs les dossiers compliqués.

    Il faut résoudre les questions de façon durable et éviter les arrangements malvenus.
    Il faut prévoir selon une vision, organiser, commander, donner des ordres et des décrets. Il faut aussi coordonner et contrôler pour s’assurer que tout a été fait selon les plans. Sinon, on avance pas et on fait cycle rond avec les mêmes problèmes à résoudre.

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