Qualifié d’école inclusive, elle accueille les élèves sourds-muets ou aveugles et autres handicapés. Les défis ne manquent pas.
Lycée Notre Dame de la Sagesse, à Gitega au centre du pays. Il est 10h5’, les élèves font la pause, le temps est ensoleillé. En uniformes rouge bordeaux et jaune, des groupes d’élèves se forment dans la cour. D’autres se sont rués dans une boutique attenante au lycée et achètent un verre de lait.
Dans un coin, un élève … en fauteuil roulant. Il souffre d’une malformation au niveau des jambes et des reins. Trois élèves sortent d’une salle de classe. L’un d’entre eux tient les deux autres par la main et semble les guider. Ils sont aveugles. Ils sourient, insouciants.
Près d’eux, deux filles en pleine conversation…en langue de signes. C’est une cour de récréation pas comme les autres. Ce lycée a été choisi pour un projet pilote à l’éducation inclusive. Les élèves dits « normaux » vivent avec ceux en situation d’handicap.
Spès Isabelle Ininahazwe, la vingtaine, étudie en troisième Sciences sociales et humaines. Elle dit qu’elle est aveugle de naissance. Impossible pour elle de se déplacer au sein de l’établissement sans aide. « Dépendre des autres élèves pour aller aux toilettes, chercher de l’eau pour se laver,… alors qu’ils ne sont pas de ma famille est compliqué. Même s’ils sont gentils à la base»
Mais la grande difficulté pour Spès est d’avoir les notes en braille à temps pour bien préparer les interrogations. « Pendant que les autres sont en train de prendre notes, nous essayons juste d’écouter. »
L’école compte plus trente-huit élèves aveugles. Bigirindavyi Régis, jeune garçon souriant et affable, porte des lunettes de soleil qui masquent ses yeux plongés dans le noir.
Mis à part les défis liés au matériel scolaire, Régis relève également l’exiguïté des dortoirs dédiés aux aveugles avec le nombre croissant des élèves. Le grand défi pour lui est lié à une éducation inclusive.
« Nous qui sommes en classe terminale devons avoir les notes à temps pour nous préparer à effectuer l’examen d’Etat dans les mêmes conditions que nos camarades.»
Les enseignants se réjouissent d’enseigner sans discrimination. Ils révèlent néanmoins l’envers du décor d’un projet qu’ils considèrent comme novateur.
Des difficultés souvent sont liées au fait que ces professeurs n’ont pas reçu de formation pour enseigner en braille et en langage de signes. « Ils parlent d’inclusivité, mais aussi longtemps que je ne peux pas parler à mes élèves sourds muets, et que je ne peux pas corriger mes élèves aveugles ce sera plutôt compliqué,» regrette un enseignant sous couvert d’anonymat.
Un autre dira que la grande difficulté pour lui est de se sentir impuissant lorsqu’un malvoyant n’a pas de notes, ou de tablette de braille pour passer son interrogation comme les autres.
Le braille, le langage des signes, encore des défis…
Au fond des salles de classe situées du côté de l’entrée du lycée se trouve une petite salle de 3 mètres carrés. Une table et six chaises et quelques cartons sont entassés, pêle-mêle.
A l’intérieur, cinq personnes sont en train de taper chacune à la machine à écrire le braille dit Perkins. C’est une sorte de machine à écrire mais qui produit le braille à la place. Chacune a un cahier de notes qu’elle retranscrit en écriture pour aveugles.
Languide Hakizimana, s’occupe de la 7 ème avec huit élèves malvoyants. Elle dit courir avec le temps. « Là, je dois retranscrire chaque cours multiplié par le nombre d’élèves que j’ai, c’est très compliqué. »
Viateur Minani indique que le groupe n’a plus de vie sociale. « Nous travaillons sans arrêt alors que d’autres enseignants n’ont que quelques cours dans la journée. »
Télesphore Ndayishimiye, licencié en science psychologique de l’éducation à l’Université du Burundi, déplore être réduit à taper à la machine dans ces quatre murs à longueur de journée. Surtout que primes d’encouragement ne sont pas au rendez-vous. Dans un rire sarcastique il lâche: « Voilà pourquoi nous sommes tous si minces »
Tous demandent des ordinateurs et une imprimante pour accélérer le rythme de travail et pour leur permettre de souffler. « Avec un ordinateur et un logiciel d’écriture braille, il est très facile d’écrire une seule copie et imprimer ensuite une copie pour chaque élève.»
Et les sourds muets…
Léonce Ndayishemeze, interprète en langue des signes indique pour sa part que les élèves sourds muets ont moins de difficulté que les aveugles. « Ils prennent note en même temps que les autres et révisent facilement.» L’école a par ailleurs prévu un interprète dans une classe où il y a un sourd muet.
Léonce Ndayishemeze indique que la grande difficulté c’est lorsqu’un interprète tombe malade et qu’il n’y a personne pour assurer son remplacement.