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Littérature. Roland Rugero : « Quelle actualité de l’interdit au Burundi ? »

05/05/2013 Commentaires fermés sur Littérature. Roland Rugero : « Quelle actualité de l’interdit au Burundi ? »

Rencontre avec le journaliste et écrivain Roland Rugero qui présente, ce jeudi 11 octobre à l’IFB, {Baho !}, son deuxième roman publié aux Éditions Vents d’Ailleurs (France).

<img5502|right>{26 ans, deux romans, et un troisième en vue puisque tu viens de passer trois mois de résidence de création à La Rochelle … Comment te sens-tu ? }

Bien. J’ai l’impression que, dans cet immense puzzle qu’est la société, je remplis le rôle qui est le mien en écrivant. Ce qui me réjouit encore plus, c’est l’intérêt croissant et actif des jeunes burundais pour le fait littéraire, notamment avec le Prix Michel Kayoya et le café-littéraire Samandari. Évidemment, je n’avance que grâce à la somme des critiques et des soutiens apportés à mon travail. C’est pourquoi je tiens à remercier Michèle Rakotoson, écrivaine malgache qui m’a encadré depuis notre rencontre à Beyrouth aux VIème Jeux de la Francophonie jusqu’à la parution de {Baho !} …

{« Baho ! », en quelques mots ? }

C’est l’histoire d’un muet qui est faussement accusé par une foule de tentative de viol, et qui se retrouve devant la justice du peuple. Celui-ci va naturellement droit au "but" : on le tue, ou pas ? La réponse est très vite trouvée …

{Pourquoi avoir ce thème-là de la violence dans ton roman ?}

La violence est l’un des traits de la société qui montre à quel point celle-ci est réconciliée avec son histoire. A travers la violence, émergent des mots et des actes qui permettent de comprendre encore un peu plus l’actualité de l’une des bases de toute vie communautaire, l’interdit. C’est, à vrai dire, la question principale dans ce roman, à mon avis.

{A l’opposé du premier roman qui prenait scène en France, ton second est résolument ancré dans le Burundi profond. Pourquoi ce changement ?}

J’aime dire que c’est parce qu’ayant lu mon premier roman, une grande lectrice que j’apprécie beaucoup m’a toisé, et dit : « Pourquoi tu ne racontes pas ton entourage ? » Depuis, j’ai cette urgence d’écrire sur le Burundi, non par un chauvinisme soudain, mais parce que je me rends compte qu’effectivement en ce moment précis, je le peux (à mon niveau). Donc je le fais.

{Les Burundais qui ont lu « Baho ! » sont surpris pas la liberté que tu uses, parfois, dans la retranscription des proverbes, mais surtout dans leur traduction …}

L’écriture étant fondamentalement un jeu (sur les circonstances, les personnages, les paysages, etc), je revendique la liberté de jouer avec les mots, même ceux qui, par essence, ne devraient pas changer, ici les proverbes (une succession de mots dans un ordre défini, transmis comme tels de génération en génération avec un sens précis). Et puis, je trouve que la lecture se pimente mieux quand on découvre que {« Uw’ivyago vyagiye n’ivyatsi ntibimubisa »} signifie que « quand les drames vous assaillent, même les herbes [des sentiers] ne vous laissent plus passer », au lieu du laconique « le malheur ne vient jamais seul » …

{En fait, vous prenez un malin plaisir à croiser le kirundi et le français, dans ce roman ?}

Voilà ! C’est un jeu, vous disais-je. Et quand on joue, autant y aller franco. Nous sommes alors au milieu de ce bel espace qui s’appelle « la rencontre des cultures », pour autant que la langue définie de manière altière le regard sur le monde pour une communauté, un pays …

{Au fait, pourquoi écris-tu ?}

Parce qu’écrire c’est témoigner.

{Écrire au Burundi : quelle actualité ?}

De l’effervescence, beaucoup d’envie de faire des choses, même si la qualité manque souvent au rendez-vous, pour la simple raison qu’on ne lit pas assez (pour tout un tas de raison, dont le manque de livres), et qu’on ne parvient pas à intégrer le fait qu’écrire un roman par exemple, c’est créer une réalité. Avec ce que cela implique, à la fois, de détachement et d’immersion dans le monde ambiant.

{Justement, en matière de lecture, que recommandes-tu pour ceux qui te lisent ?}

En ce moment, mes oreilles sont tendues vers Kinshasa, où se tient la grand-messe de la Francophonie. Je vous recommande de lire tout ce qui s’écrira sur cette rencontre (la première en Afrique centrale, et dans le plus grand pays francophone du monde). N’oublions pas que le Burundi marche désormais vers l’anglophonie … Comment habiter ces deux mondes ? Une fois terminées ces lectures sérieuses, prenez alors {Mathématiques Congolaises} de Jean Koli Bofane (Éditions Actes Sud, 2008) ! Vous aurez vécu d’intéressants moments.
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{Baho ! (Vis!) est un roman qui tente de démêler, dans les cris et la poussière d’une campagne acculée par la sécheresse, théâtre d’un lynchage populaire, les peurs collectives et individuelles qui habitent un pays traumatisé par la guerre et la perte des « valeurs d’antan ». Un travail qui reste encré dans ce que le Burundi a de plus fidèle miroir de sa complexité et de sa beauté, sa tradition orale. Mêlant les odeurs et les images de la province, proposant une ballade philosophique à travers les proverbes revisités (et défigurés par le temps), parlant de politique, de bétail, de guerre et de nature, avec un ton tragiquement ironique, Baho ! propose une autre façon de vivre une face de l’histoire actuelle des collines burundaises.

Le roman sera en vente à partir de 18h à l’IFB, ce 11 octobre 2012, à 20.000 Fbu l’exemplaire.}
Quelques regards sur le roman …
– {[Roland Rugero, lecture croisée->http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20120330171642/]}
– {[Baho, sans autre alternative->http://www.inspires-u.org/index.php?option=com_content&view=article&id=151:baho&catid=53:culture&Itemid=91]}
– Dans {[Les Cahiers Littéraires de Zacharie Acafou->http://zacharieacafou.ivoire-blog.com/archive/2012/08/13/de-la-justice-muette-baho-de-roland-rugero.html]}
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