La résidence d’auteur de ces 3 et 4 octobre à l’Institut Français du Burundi a tenu ses promesses grâce à un invité de marque, l’écrivain haïtien Lyonel Trouillot, de passage au Burundi.
<doc5460|left>Volubile, franc du collier, drôle, … Un verre de Whisky à la main, une cigarette nichée au coin des lèvres, en attente d’être fumée, Borsalino sur la tête, tout de noir vêtu, Lyonel Trouillot est incontestablement « cool ».
Cela nous donne une autre idée de ces fameux « auteur », terme qu’il affectionne autrement : « Il y a ce personnage farfelu que l’on appelle l’auteur auquel je ne veux pas ressembler. C’est un monsieur qui raconte éternellement sa vie, sa biographie à la télévision. Je déteste parler de moi. Si en plus des livres qu’on écrit, on se met à parler de sa vie privée, ça devient deux fois le même ‘’strip-tease’’ et le ‘’strip-tease’’ ça demande un peu de variété. » L’assistance est pliée en deux suite à une telle anecdote.
Lyonel préfère parler des réalités haïtiennes, de la littérature, des choses de la vie plutôt que de s’étaler sur sa propre vie. Et des choses de la vie, indique-t-il, on va en parler, quitte à en froisser certains : « Je n’ai aucun attachement envers l’Afrique, je ressens un besoin d’Afrique, précise t-il. Il y a une Afrique derrière moi au sens créole du terme. En créole cela veut dire le lieu fondateur, le repère ultime. »
L’Afrique qui l’intéresse, souligne-t-il, n’est pas celle d’hier mais celle d’aujourd’hui, avec ses réalités actuelles. Et c’est avec ces réalités qu’il aimerait dialoguer : « Je ne veux pas savoir si mon grand-père était béninois ou sénégalais. Ca ne m’intéresse pas. Par contre ce qui m’intéresse, c’est ce qui se passe aujourd’hui au Bénin ou au Sénégal. »
La littérature en Haïti
La littérature haïtienne est éditée, à 90%, grâce à l’argent propre de l’auteur : « On écrit un recueil, on en est le correcteur et le graphiste, on emprunte de l’argent, on va chez un imprimeur, on lui avance de l’argent, … .Encore un intellectuel dont personne ne lira le livre », murmure-t-il.
L’imprimeur, continue Lyonel, vous remet cinq cent exemplaires sur mille. Et ce n’est pas fini, nous explique le citoyen haïtien. « Vous faites le tour des trois, quatre librairies qui sont en ville. Vous organisez des événements littéraires et si vous êtes plus brave que les autres, vous sortez de chez vous, vous prenez deux, trois exemplaires et une fois que vous croisez quelqu’un, vous lui demandez: voulez-vous acheter mon livre ? » Nouvel éclat de rire dans la salle.
Pour lui, la littérature est le lieu où l’on propose des vérités sur le monde. « Je n’ai pas beaucoup d’imagination. La plupart des anecdotes qui sont dans mes livres sont vraies. C’est des anecdotes que j’emprunte à la réalité, je vais simplement les bricoler, les réunir et les rendre autrement au lecteur. Pour moi ce n’est pas avec soit que l’on écrit mais avec des fragments de vie que l’on vole aux autres. » Chez soi, on dîne.
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{Lyonel Trouillot est issu d’une famille d’avocat. Il fait des études de Droit, mais sa passion pour la littérature prend le dessus. C’est en tant qu’écrivain qu’il fera carrière.
Il collabore avec différents journaux et revues d’Haïti. Il publie également beaucoup de poèmes. Il se lance dans l’écriture de textes de chansons pour des artistes comme Tambou Libète ou Manno Charlemagne. Lyonel Trouillot est codirecteur du collectif de la revue Cahiers du vendredi.
Il se bat également pour la démocratie dans son pays et pour la résistance face à une dictature oppressante, comme en témoigne son roman Bicentenaire, paru en 2004.
Il publie ensuite L’Amour avant que j’oublie, en 2007, puis Yanvalou pour Charlie en 2009. Lyonel Trouillot aborde ainsi le registre de l’intimité et du sentimental tout en confirmant son engagement social, une richesse de son talent et de ses écrits qui le place parmi les plus grands auteurs francophones.
Il est fait Chevalier des Arts et des Lettres en juin 2010. En 2011, il publie {La belle amour humaine} aux éditions Actes Sud.}
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