Le roman intitulé L’Homme de ma colline ((Cimpaye, J., L’Homme de ma colline, Bruxelles, Archives et Musée de la Littérature/M.E.O., 2013, 152 pages.)) de Joseph Cimpaye est une œuvre tout à fait exceptionnelle tant dans le cadre de la littérature africaine francophone qu’au sein de la littérature burundaise.
Si le livre emprunte un thème souvent exploité par les auteurs négro-africains, la manière dont il est traité ici lui donne une toute nouvelle dimension. La langue française utilisée est maitrisée à la perfection ; et c’est précisément cette grande connaissance linguistique et littéraire qui permet à l’auteur de l’adapter au génie de sa culture burundaise et créer ainsi une œuvre d’une grande originalité.
L’auteur n’est pas moins exceptionnel : le milieu social dont il est issu, la formation scolaire et académique dont il a bénéficié et les carrières qu’il a empruntées font de Joseph Cimpaye un intellectuel presque hors-pair de son époque au Burundi.
C’est pourquoi, par-delà la prouesse artistique, L’Homme de ma colline ((ire les intéressants commentaires de Colette Braeckman, Marie-France Cros, Isabelle Fable et un anonyme de Iwacu sur le livre sur http://www.meo-edition.eu/homme-colline.html)), se lit intimement lié au destin de son auteur. Ici, la biographie revêt une importance incontournable pour à la fois saisir la portée de l’œuvre et en savourer la profondeur, voire la prémonition …
La thématique
Les romanciers négro-africains qui ont développé le thème de l’exil avec des héros fascinés et attirés par les « lumières de la ville » font florès. Déjà, au Ruanda-Urundi à peu près à la même époque que celle de l’intrigue du livre en question, François-Xavier Nayigiziki ((Lire l’article de l’auteur de ce texte dans la livraison de l’hebdomadaire Iwacu N°220 du vendredi 24 mai 2013 : Le Singe qui a avalé un Français)) avait conté sa propre équipée vers l’Uganda fuyant lui aussi l’iniquité d’une société en pleine mutation. ((Nayigiziki, S.J., Escapade rwandaise, Journal d’un clerc en sa trentième année, Préface de J.-M. Jadot, Bruxelles, G.A. Deny, 1950,208 P.))
Comme chez Nayigiziki, mais à la différence de tous les autres héros négro-africains, les personnages de Cimpaye s’exilent à leur corps défendant. Une des grandes réussites du roman de Cimpaye est sa façon d’aborder des questions graves et qui lui tiennent profondément à cœur sans porter de jugement. Il présente sereinement des situations et c’est au lecteur de comprendre, de juger, d’en tirer les conséquences qui devraient s’imposer.
Le style
Joseph Cimpaye emprunte sa plume à plusieurs auteurs, a différentes cultures. On retrouve le souci du détail qui rappelle Emile Zola. ((Lire, par exemple, la magnifique description de Nkima à l’ouvrage dès la première page du roman.)) La façon de conter les épreuves d’un simple manant poussé à hue et à dia par la cruauté d’une société coloniale nous ramène à l’univers de Ferdinand Oyono dans Une Vie de boy et son héros, le malheureux Toundi. Le plus beau, sans conteste étant ce qu’il emprunte à sa culture orale traditionnelle : les conversations entre Kariyo et la mère de Benedikto ou mieux entre Kariyo et Rukundo ((Cfr P 51-54)), les métaphores toutes inspirées du monde rural ((Aux pages 40 et 41, il écrit ceci : « L’argent se ramasse comme on glane les épis sur un champ gorgé de fumure. Le shilling, (…), se sème et se récolte en toutes saisons »)) et certaines expressions venues tout droit du Kirundi. (( 46 : « c’est un chien tondu » = ni imbwa imoye ! ou ceci : « (…) aucun homme ne peut supporter d’être battu comme une vipère…) = ntawemera gukubitwa nk-inzoka))
Mais par-delà les sources d’inspiration, l’auteur possède sa propre richesse stylistique sobre, dépouillée, mais aussi fleurie et lumineuse comme ce merveilleux passage : « Ils n’engagèrent pratiquement pas la conversation, car le déchaînement des événements plongeait cette humanité tapie au fond de la hutte dans une sorte de terreur muette. C’était une des ces averses drues qui transforment rapidement le fond des marais en lacs bruns, et grossissent à vue d’œil les petits ruisseaux au point d’en interdire le passage à gué.
L’intensité des éclairs, ponctuée par de terrifiants grondements de tonnerre, se conjuguait avec l’ampleur de la tornade, comme si la nature se donnait du plaisir à faire une démonstration de puissance. Pendant une heure environ, la pluie dicta sa loi. Lorsqu’enfin son martèlement sur les larges feuilles de bananiers diminua, le crépuscule s’annonçait déjà. » ((P 28))
L’homme et son œuvre
Peu de personnes de l’âge de l’auteur, né en 1929, ont un père qui sut lire et écrire. Or Michel Cimpaye était déjà à cette époque un Assistant Médical ((Cfr le témoignage de Gasana Ndoba en annexe à l’ouvrage à la page 138.)) ! Le fils, Joseph, est familiarisé à la lecture et à une culture générale dès sa tendre enfance. Formé au prestigieux Groupe Scolaire d’Astrida d’où il sort avec un diplôme d’Assistant Vétérinaire en 1951, Joseph Cimpaye va connaître une ascension professionnelle fulgurante car il est nommé Premier Ministre dix ans plus tard du Gouvernement Intérimaire qui devait préparer le pays à l’indépendance. A l’assassinat du héros national, Louis Rwagasore, il décide d’abandonner la politique et reprend des études universitaire en Europe. A son retour, il est nommé responsable des relations publiques de la société belge Sabena à Bujumbura.
Nonobstant son retrait des affaires publiques, en octobre 1969 il est jeté en prison pour atteinte à la sécurité publique. Il a quarante ans et il est condamné à cinq ans d’incarcération. C’est durant cette période carcérale qu’il écrira son roman et l’achèvera en Avril 1971. Gracié après vingt-huit mois ; il sera de nouveau interpelé après dix mois de liberté et assassiné en mai 1972 en des circonstances encore à élucider…
Compte-tenu de sa stature et de son expérience personnelle, on analyse le roman avec d’autant plus d’attention. Encore une fois, contrairement à beaucoup d’autres écrivains Noirs d’Afrique et d’ailleurs, Joseph Cimpaye n’écrit pas pour les Européens à propos de sa culture et de son pays. Non, il s’adresse visiblement à ses enfants, à toute la jeunesse présente et à venir de sa patrie tant aimée. Il souhaite les voir reconquérir les richesses de leur civilisation pour être mieux équipés à vivre dans le monde. Ceci sans trop d’illusions car il termine son roman de cette manière douce amère… comme fut son propre destin : « (…) cette luxuriante verdure ((Il fait allusion à la tombe de Benedikto en Uganda à la page 123)) symbolisait-elle à cet endroit le vœu d’un meilleur sort pour tant d’autres Benedikto encore en vie, (…). Mais c’est si fragile et si léger, le symbole d’un vœu ! »
Encore une fois une mémoire pour maudire Micombero et les régimes Hima dont il fût le Père. Et pourtant un tel homme aurait pu former les autres burundais, même les enfants de bourreaux. Plus jamais ça, plus jamais ça, plus jamais.
J’ai eu la chance de lire le livre de Cimpaye. C’est un grand homme qui a écrit ce livre sans y mentioner une moindre trace des problèmes hutus-tutsis malgré la situation socio-politique dans laquelle se trouvait le pays à l’époque . Il a certainement compris que l’éthnie en soi n’est pas un problème, le problème ce sont les hommes et les femmes qui l’utilisent pour leurs propres intérets. Il a mis en avant les valeurs humaines: l’amour du prochain, la solidarité, l’amour du travail, la perséverance, … Ses enfants et la nation Burundaise devait être fiers de cet homme. C’est vraiment regrettable qu’il est parti dans des conditions inhumaines, il aurait certainement avancé le pays.
J’ai lu ce roman en une nuit de Kigali à Bruxelles . Il reste un merveilleux moment qui rappelle que notre destin reste individuel quels que soient les événements qui le provoquent et l’issue connue.
De telles richesses sont à disponibiliser pour les enfants du pays. Une renaissance basée sur les pensées de nos grand-parents qui ont écrit objectivement pour le bien de notre cher patrie devrait servir à tous ceux et celles qui sont prets à faire avancer le pays vers une éventuelle renommée.
Merci encore à Iwacu pour cet article.
Il était beau ce mec!
Ico gitabu umuntu yokigura hehe? Angahe? Murakoze.
c’est un problème. ibitabu vyinshi vyanditswe n’abarundi canke ibivuga ivyerekeye uburundi biragoye kumenya aho umuntu yobikura. muri librairie saint paul urahasanga bikebike, sinzi ko ico coba kiriyo. nanje nzoja kuraba. canke nkeka uwogira commande muri iyo librairie hari aho bokimuronderera kuko bobo ni inzobeere mu kurondera ibitabu.
c’est un problème. ibitabu vyanditswe n’abarundi canke ibivuga ivyerekeye uburundi biragoye kuronka. kuri librairie saint paul baradandaza bikebike. kumbure umuntu yobaza ko ico gitabu bagifise canke akabatuma commande, kuko bobo ni inzobeere mu kurondera ibitabu. na jewe nzoja kuraba.
Je pense que l’éditeur du roman viendra bientôt au Burundi presenter le livre. Il aura sans doute avec lui une série d’ouvrages à vendre et il en laissera certainement à Saint-Paul et ailleurs. En attendant, je me demande si vous ne pourriez pas trouver un exemplaire auprès du groupe de presse IWACU à Rohero I avenue Mwaro dans le quartier appelé « INSS ». Fraternellement
Merci pour le bel article. Le Burundi a mange ses propres fils et on s’etonne de la malediction dont il est victime, plus de 40 ans apres au moment ou les bourreaux continuent a faire la pluie et le bon temps dans la sphere politique burundaise sans s’inquieter. Jusqu’a exiger de force une force politique que les elections ne leur ont pas pourtant accordee. suivez moi de l’oeil!
Michel Kayoya etait un genie et il a fini dans les memes conditions que notre cher Cimpaye. Et Bimazubute! Et Ndadaye!Et Gervais Nyangoma!
L’heure de la repentance devant Dieu et les hommes a sonne. Que chacun s’y prete a sa facon si l’on veut mais Dieu reste Dieu!Omnipresent, omnipotent, omnoscient>