Par Prime Nyamoya*
« Jacaranda » est le deuxième ouvrage de Gaël Faye, écrivain franco-rwandais, dans lequel il retrace l’histoire de plusieurs générations dans le décor du Rwanda post-génocide. Ayant lu de nombreux ouvrages sur le génocide des Tutsis en 1994, j’ai abordé ce livre avec une certaine circonspection.
L’auteur du Petit Pays m’avait séduit par la candeur et la fraîcheur de son style, évoquant un pays qui m’est familier tant par son appartenance à mon identité qu’à celle du Burundi. J’ai, d’ailleurs, dû lire Jacaranda à deux reprises pour en saisir toutes les subtilités.
Couronné du prestigieux prix Renaudot, ce roman s’impose comme un véritable bijou littéraire par sa capacité à recréer l’atmosphère ambiguë et complexe d’un Rwanda meurtri par les ravages du génocide. Gaël Faye parvient, avec un tour de force, à rendre crédibles les multiples personnages qui peuplent son récit. J’avais redouté que l’œuvre ne s’apparente à un rapport de police, avec des termes de référence prédéfinis et des sous-entendus politiques évidents, mais cette appréhension s’est rapidement dissipée.
Il est vrai que le souffle émotionnel qui animait Petit Pays ne se retrouve pas intégralement dans Jacaranda. Toutefois, ces deux ouvrages diffèrent autant par leur style que L’Étranger diffère de La Peste chez Camus : l’un témoigne de l’insouciance de la jeunesse, tandis que l’autre reflète une maturité littéraire. Gaël Faye s’impose ainsi comme un écrivain de grand talent, aux côtés des géants de la littérature française et francophone qui l’ont précédé. Pour notre région des Grands-Lacs en perpétuelle effervescence et, plus largement, pour l’Afrique, il devient le porte-étendard d’une littérature à la fois combative et engagée, participant ainsi à l’effort de réconciliation des esprits que son talent impose comme une obligation morale. Convaincra-t-il ses compatriotes ? Ce n’est pas une question à laquelle il pourra répondre directement, mais, au moins, il aura fait sa part.
Enfin, ayant vécu et étudié pendant de longues années dans ce pays, j’ai suivi avec délectation l’auteur décrire les déambulations de ses personnages à travers Kigali, et le contraste saisissant entre les quartiers populaires pittoresques de Nyamirambo et les beaux quartiers huppés de Kiyovu que le Rwanda moderne aspire à incarner.
Gaël Faye, Jacaranda
Grasset, Paris – 2024
*Prime Nyamoya, lui-même auteur est un économiste à la retraite, amoureux de la littérature
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