Vendredi 19 juillet 2024

Editorial

L’interdiction de Sapor fait débat

19/07/2024 0

Le chef est une figure singulière dans notre société. Son autorité est principalement exercée par la parole – Ijambo. Dans notre tradition, la parole est respectée, et celle du chef, en particulier celle du Chef de l’Etat, est presque sacrée. Elle incarne le pouvoir, l’autorité et le commandement.

Sapor wine, une boisson à forte teneur en alcool, a rapidement gagné en popularité, malgré ses effets néfastes. Produit vendu à seulement 2 000 francs, il séduit toutes les couches sociales et se consomme sans modération. Les parents, les confessions religieuses, les médias et la société civile ont exprimé leurs préoccupations quant à ses répercussions sur la santé publique. Pourtant, l’administration semblait avoir d’autres priorités.

Par Léandre Sikuyavuga
Directeur du groupe de presse Iwacu

Lors de la tournée de la caravane « Inkebuzo » à Kayanza, le Chef de l’Etat a fermement exhorté les gouverneurs à s’attaquer à ce « poison qui constitue un frein pour atteindre la vision 2040 ». Les réactions furent immédiates et les gouverneurs de Kirundo, Makamba, Mwaro ainsi que le maire de Bujumbura ont publié des communiqués annonçant la suspension de la vente de Sapor wine. Le Bureau burundais de normalisation a suivi en ordonnant l’arrêt de sa production et commercialisation.

Cependant, plusieurs questions émergent quant à cette interdiction. Le producteur de Sapor wine ne possédait-il pas un permis de production ? Si ce permis existait, c’est qu’il remplissait les exigences nécessaires pour obtenir cette licence. Sinon, ceux qui ont délivré ce permis devraient être tenus responsables. De plus, que faire des commerçants qui avaient des stocks de Sapor dans leurs magasins ou boutiques ? Cette interdiction soudaine soulève également des préoccupations sur le climat des affaires au Burundi. Le pays offre-t-il un environnement propice aux investisseurs ?

Il est indéniable que les boissons alcoolisées causent des ravages tant en milieu urbain qu’en milieu rural, perturbant les familles et la société. Les buveurs aux revenus modestes optent souvent pour des liqueurs bon marché mais nocives. Cependant, les mesures prises contre Sapor sont perçues comme brutales, répressives et sans fondement légal, enfreignant potentiellement les droits des Burundais.

L’Etat, garant de l’ordre public, se doit certes d’intervenir pour protéger la population. Toutefois, cette dernière se sent mise devant le fait accompli. Les citoyens auraient dû être davantage sensibilisés et éduqués sur les dangers de ce produit et les avantages liés à son interdiction. Cette approche inclusive aurait permis de favoriser l’adhésion à la décision.

En outre, d’autres boissons avec des teneurs en alcool plus élevées que Sapor continuent d’inonder le marché. Faudra-t-il attendre une nouvelle intervention du Chef pour que l’administration prenne des mesures similaires contre ces produits ?

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