Rassemblés à l’intérieur de la Société burundaise pour l’élevage (SOBEL), des milliers de déplacés suite aux récentes inondations mènent une vie difficile. Les couples souffrent doublement. Abstinence forcée, ils déplorent aussi le mauvais encadrement de leurs enfants.
Route Nationale N°5, non loin de l’Aéroport International Melchior Ndadaye vers Gihanga. Juste à quelques mètres du nouveau bureau communal de Mutimbuzi, on fait une bifurcation. Des palmeraies entourent la route en terre battue. Une porte avec des grillages se dresse devant. C’est l’entrée de SOBEL.
De loin, on voit presqu’une ‘’fourmilière’’ humaine : des enfants, des adultes, des jeunes garçons, etc. Comme si de rien n’était, des enfants jouent au ballon. D’autres au chat et à la souris. Des tentes à perte de vue entourées de champs de maïs. On y voit aussi de vieilles constructions en dur. Quelques hauts arbres rafraichissent ce lieu.
Mais, une vraie promiscuité. Ce qui complique la vie en couples. Mais, là, les femmes ne sont pas plus emballées pour ce sujet tabou, murmurent-elles. Après des hésitations, certaines se lâchent. « C’est vraiment très difficile. La vie conjugale n’existe plus. Quand l’envie devient irrésistible, on profite de la journée quand les enfants sont allés jouer », raconte une maman rencontrée sur place. Et là, poursuit-elle, le couple se planque dans une tente. « Pas pour beaucoup de minutes. On ne lâche pas comme on veut. On doit veiller pour ne pas attirer la curiosité. Moindre cri, on alerte les occupants des autres tentes parce qu’elles sont très serrées et trop petites».
Une autre femme dévoile une autre stratégie qui n’est pas aussi facile. « En fait, ici, beaucoup d’hommes passent la nuit dehors. On s’organise pour se rencontrer soit là, ou sous un arbre ou sur un mur. Il n’y a plus des préliminaires quand la situation se présente », confie-t-elle, sourires sur ses lèvres. Selon elle, les tentes sont presque réservées aux femmes, aux enfants. « Par exemple, moi, je n’ai pas encore reçu de tente. Avec mes cinq enfants, on s’abrite dans une tente d’une famille amie. Et là, on est autour de 12 au total». Dans ces conditions, commente-t-elle, l’intimité n’est pas possible. Des hommes interrogés abondent dans le même sens. « C’est difficile. On est redevenu célibataire », répond ironiquement Alexis, un déplacé. Il affirme qu’il vient de passer deux semaines sans trouver une occasion favorable pour des relations intimes avec son épouse. Il signale d’ailleurs que certains hommes ont préféré rester à Gatumba parce qu’il n’y a pas suffisamment d’espaces ici.
L’éducation en pâtit
« La vie dans un site de déplacés ne favorise pas une bonne éducation des enfants, un encadrement des adolescents », déplore une maman, de Gatumba. Ils ne vont même plus à l’école. Leur matériel a été détruit par les eaux, des écoles inondées. Or, la majorité des enfants de Gatumba étudiaient sur place. « Aujourd’hui, il est impossible de quitter SOBEL pour aller étudier à Gatumba », déplore-t-elle. Cette mère de trois et deux élèves rappelle néanmoins que quand ils étaient à Kigaramango, ils pouvaient s’organiser pour envoyer à l’école leurs enfants.
Il faut rappeler que les récentes crues de la Rusizi, Mpanda ont envahi totalement ce site qui était situé tout près de la route Bujumbura-Gatumba, commune Mutimbuzi. Ses occupants ont été obligés d’être délocalisés vers SOBEL.
Du côté de SAD (Social Action for Development), on fait état de plus de 1000 enfants qui ne vont plus à l’école. Bienvenu Magogwa, son représentant légal, estime qu’ils ont besoin d’une éducation d’urgence : « Ils devraient normalement terminer le 3ème trimestre.»
Cette organisation essaie aujourd’hui de les occuper par des activités récréatives. Elle leur apporte aussi un soutien psychosocial. « Ils ont vécu beaucoup de situation malheureuse. Il faut les aider à se détendre et retrouver un peu de confort psychosocial », motive M.Magogwa.
Dans ce site, les occupants déplorent que l’eau soit aussi une denrée rare. Ce qui fait que certains passent des jours sans se laver. « Or, une fille à l’âge des menstruations doit prendre une douche au moins deux fois par jours », confie une jeune femme de ce site. En outre, elle évoque le manque de toilettes appropriées et suffisantes. Ce qui fait craindre des maladies diarrhéiques et infectieuses. Au moment où le monde célèbre, le 28 mai, la journée mondiale sur l’hygiène menstruelle, elle pense que peu de femmes ou filles sont capables de se procurer des serviettes hygiéniques.
Le manque d’assistance alimentaire aussi. Alain Jimmy Igiraneza, responsable du site, indique que ces déplacés n’ont pas encore bénéficié d’une assistance alimentaire. Il affirme aussi qu’il y a un problème de tentes, d’eau, etc.
Dans ce site dit SOBEL, des risques de maladies sont réels. Des moustiques et autres insectes grouillent. D’où la crainte de la multiplication des cas de paludisme et de maladies cutanées.
Le désœuvrement est aussi un sérieux problème. « Nous vivions de l’agriculture. Aujourd’hui, c’est très difficile de quitter ici pour aller y travailler et pouvoir rentrer ici », raconte Nadia, une déplacée venue de Rukaramu. Elle demande aux bienfaiteurs de leur trouver en peu de capitaux pour entreprendre des petits commerces. Ou leur enseigner des petits métiers, comme la couture, tressage, vannerie, etc. « C’est très fatigant de passer toute une journée en étant désœuvrée».
L’assistance s’organise
« Nous demandons à ces déplacés d’être patients. Ils seront bientôt assistés », tranquillise CP Anicet Nibaruta, directeur général de la Protection civile et de la gestion des catastrophes. Selon lui, ce retard a été dû à un lent travail d’identification : « Ce n’est que ce mercredi que l’administration provinciale nous a donnés les chiffres réels. »
Il s’agit de 2226 ménages composés de 7791 personnes en provenance de Gatumba et 731 ménages comprenant 2541 ménages venus de Rukaramu. En tout, 10.332 personnes répartis dans 2.957 ménages. Néanmoins, M.Nibaruta souligne que l’assistance se focalise prioritairement sur les propriétaires des maisons détruites. Ces derniers sont au nombre de 362 ménages de Gatumba et 387 de Rukaramu. Ils s’ajoutent aux 585 ménages qui étaient déplacés depuis 2020. Il annonce que 150 parcelles sont déjà identifiées à Buhomba, zone Maramvya, pour leur installation. L’OIM est à l’œuvre pour l’adduction d’eau potable. Il ajoute que 135 maisons semi-durables y seront aussi érigées par l’OIM via le Fond CELF.
Il n’y a pas de surprises que ces pauvres gens passent des mois dans ces conditions , et je ne pense pas qu’ils attendent beaucoup du gouvernement alors que apparemment il y a une direction générale chargée de la gestion des catastrophes ( sic) .
Au Burundi chaque fois qu’il y a un problème …..les gens qui sont au pouvoir ont toujours des réponses très bizarres : » que les gens patientent ….la solution est pour bientôt ….ou encore ….une commission est à l’oeuvre » .
Admettons que la préparation/ prévention des incidents n’est pas dans notre culture .
Mais dans ce genre de situations le minimum serait de se fixer des priorités étant donné qu’elles sont très exceptionnelles