Certains hommes sont hostiles à la consultation en cas d’infertilité alors que dans presque 30% des cas, elle est due aux facteurs masculins et 40% aux facteurs féminins. Pour le sociologue Paul Nkunzimana, dans une société patriarcale, l’infertilité ne concerne que la femme.
<img2475|right>B.C, est une jeune femme de 32 ans, habitant la commune de Cibitoke, au Nord de Bujumbura. Mariée depuis novembre 2008, elle n’a pas eu d’enfants. C’est après une année de mariage qu’elle a décidé de consulter un spécialiste. Elle raconte avoir subi des examens médicaux pour connaitre les causes. Après tous les tests, elle communiquait les résultats à son fonctionnaire de mari ; mais celui-ci semblait être moins impliqué. Les tests ne montraient aucune anomalie. Puis vint le moment où le docteur demanda à la jeune femme de faire venir son mari pour faire un spermogramme : « Il l’a mal pris et, après, il m’a dit qu’il n’y mettra jamais les pieds.» Selon elle, son époux affirmait n’avoir aucun problème, qu’il était bien portant. Il refusait tout dialogue. Résignée, B.C reste optimiste et continue à espérer.
« Un cas parmi tant d’autres », précise le gynécologue Barnabé Mbonimpa, puisque représentant entre 10 et 15% des consultations chez les gynécologues pour un problème d’infertilité : « La fertilité fait partie de la féminité. Par ailleurs, ce sont les femmes qui viennent en premier lorsque le couple éprouve des difficultés à concevoir. Certains ne comprennent pas qu’un problème peut venir d’un homme.»
Absence aux consultations, diagnostic partiel
Selon le gynécologue, on parle d’infertilité quand un couple vient de passer deux ans sans grossesse alors qu’il a des rapports sexuels réguliers et n’utilise aucune contraception. En cas d’infertilité, le couple doit consulter, car elle est multifactorielle : « En l’absence du mari, il arrive que les causes ne soient pas établies. Ce qui rend difficile le diagnostic dans ce genre de situation. »
Le sociologue Paul Nkunzimana, explique cette réticence du mari ou ce refus de tester l’infertilité par le fait que toutes les relations sociales génèrent une mentalité liée à la primauté masculine : le Burundi est une société patriarcale. Selon lui, dans tous les secteurs de la vie sociale, y compris même au plan de la compréhension du phénomène de la procréation, l’idéologie de la société attribue la procréation à l’individu mâle qui devient le géniteur biologique dans cette conception. D’où, affirme-t-il, dans la société burundaise, les problèmes d’infertilité ou de stérilité se retrouvent renvoyés à la responsabilité de la femme.
Des répudiées pour infertilité
Ainsi, explique le sociologue, dans la société dite moderne, cette conception continue à prévaloir, car la base matérielle qui la fonde, à savoir la société du patriarcat, continue à être la référence sociale : « Ces situations traduisent la survivance de cette idéologie et justifient les rapports sociaux en place. » Ces rapports, d’après Paul Nkunzimana, ont pour fonction de maintenir un certain obscurantisme qui induit la majorité de la population dans une profonde arriération psycho-sociale et intellectuelle : « Les hommes continuent à croire que seules les femmes peuvent être stériles ou infécondes. »
Pr Paul Nkunzimana ajoute que cet état de fait continue à être appréhendé par la majorité masculine et amène certains hommes à répudier leurs épouses accusées d’infertilité ou de stérilité. Il arrive que la femme nouvellement remariée, ou à l’occasion des relations sexuelles avec un autre homme, parvienne à concevoir alors que son ancien mari qui a une nouvelle épouse n’y parvient pas : « Souvent, c’est à ce stade que se produit une prise de conscience des problèmes de stérilité chez l’homme. »
Pour éviter ce genre de problème, suggère Paul Nkunzimana, il revient à la société, dans son ensemble, de prendre conscience de ce fait et d’éduquer les hommes et les femmes dans ce domaine. Car les problèmes de stérilité ou d’infertilité sont partagés. Il interpelle le gouvernement, à travers le ministère de la Santé, à organiser des campagnes de sensibilisation sur cette problématique.
<doc2476|right>L’infertilité, souvent d’origine infectieuse
Le gynécologue Barnabé Mbonimpa explique que les plus grandes causes d’infertilité, surtout chez la femme, notamment, sont les troubles hormonaux ou les infections sexuellement transmissible (IST) dont la chlamydiase, la blennorragie. Elles sont des germes qui attaquent les voies génitales, enraidissent les trompes et désobstruent les cils qui véhiculent l’ovocyte dans la cavité utérine. Il arrive aussi des cas d’infirmité : absence de l’ovaire, de l’utérus voire du vagin ou des trompes.
D’après lui, les causes peuvent provenir aussi de l’homme : « Il peut aussi souffrir d’infections comme la blennorragie, rarement de la tuberculose, mais aussi de l’impuissance. » Et d’ajouter que des hommes n’ont pas de spermatozoïdes dans leur éjaculat (azoospermie) ou en ont très peu (en qualité et quantité insuffisante) ou pas mobile : c’est l’oligospermie.
Ce spécialiste indique que le traitement de ces causes peut être fait au pays. Pour les troubles hormonaux, il indique qu’il faut connaître l’histoire de la femme, s’assurer de l’intégrité des voies génitales, les examens médicaux, l’échographie et la radiographie pour voir si les trompes sont imperméables ou pas. Chez les hommes, le spermogramme est fait pour s’assurer de la quantité et la qualité des spermatozoïdes : « Il faut que le couple consulte, de préférence chez un spécialiste. L’important, c’est de faire un bon diagnostic. S’il y a des cas complexes, nous référons le couple aux spécialistes étrangers. » Néanmoins, précise-t-il, 10% des cas d’infertilité restent inexpliqués.