Lundi 23 décembre 2024

Editorial

L’indépendance du Burundi. A luta continua

30/06/2022 5

Le 1er juillet 2022, le Burundi célèbre ses 60 ans d’indépendance. Des préparatifs vont bon train à Bujumbura comme dans le reste du pays pour commémorer cet événement heureux qui, malheureusement, a tendance de se réduire à un simple moment de fête sans plus. La référence sera faite à des personnes comme le Prince Louis Rwagasore, héros de l’indépendance, et ses compagnons qui portent une signification politique qui caractérise une mémoire collective poussée vers l’unanimité, l’unité. Comme le dit Gilbert Tshilumba Kalambo dans l’Afrique, 50 ans d’indépendance : le sens d’un anniversaire : « Ce rôle folklorique est doublé d’une fonction idéologique indéniable qui consiste à encenser le pouvoir en place, le faire passer pour un continuum, un chaînon continuateur de l’œuvre des pères fondateurs de la société ou pères de l’indépendance, pour engranger quelques motifs de légitimité. » Des arguments qui se vendent le mieux.

Par Léandre Sikuyavuga

Au-delà de ce marketing politique, l’heure devrait être au bilan. Y a-t-il vraiment assez à célébrer ? Qu’avons-nous fait, que sommes-nous en train de faire pour affermir l’autodétermination et la souveraineté cherchées par nos pères de l’indépendance au sacrifice de leur vie ?

« Qui trop embrasse mal étreint », dit-on. Iwacu s’est intéressé sur l’aspect purement économique pour évaluer le soixantième anniversaire de la décolonisation de notre pays. Nos enquêtes montrent qu’au fil du temps, force est de faire un constat amer sur l’essor économique. En guise d’exemple, selon la Banque mondiale, la croissance annuelle du produit intérieur brut (PIB) au moment de l’indépendance en 1962 est de 9,1 %. Elle est de -6,4 en 1972, 12,2 en 1981, -7,9 en 1995 et 0,3 % en 2020. Ces chiffres font froid dans le dos. Pourtant, le peuple burundais est laborieux, travailleur. Question légitime : Comment en est-on arrivé-là ?

Depuis son indépendance, le Burundi n’a pas connu une période de quinze ans continus de stabilité. Des pouvoirs militaires se sont succédé, des massacres ethniques à grande échelle ont déchiré le tissu social. La corruption, l’exclusion à base ethnique et régionale, les malversations économiques, le népotisme, le clientélisme se sont érigés dans les structures de l’Etat. La culture démocratique basée sur la pluralité et le dialogue laisse à désirer.

Tout récemment, le public de Rumonge a adressé des acclamations bruyantes et enthousiastes envers le Chef de l’Etat qui venait de recadrer les responsables de la province impliqués dans des malversations économiques, des détournements, des spéculations sur les produits stratégiques. Certains administratifs ont carrément déserté les bureaux pour se consacrer au commerce.

Cette ovation de la population montre à quel point elle est excédée, exaspérée par l’irresponsabilité de certaines autorités. L’indépendance, c’est aussi l’émancipation des citoyens suite au changement de mentalités des dirigeants qui devraient servir avant de se servir ou d’être servis. Mais le chemin est encore long. A luta continua…

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. Jereve

    Pas besoin d’aides, mais de crédits? Oui, mais personnellement je pense que nous avons avant tout besoin de gestionnaires honnêtes et compétents. Cela fait plus de 60 ans jusque aujourd’hui que nous avons eu des aides, des crédits et des ressources financières du budget de l’état. Malgré ces moyens colossaux, les réalisations sur le terrain en matière de progrès et niveau de vie restent dérisoires. Nous ne pouvons pas en blâmer le colonisateur que nous avons chassé il y a 60 ans. Nous ne pouvons que nous en prendre à nous-mêmes, d’avoir détourné les yeux et laissé certains détourner le gros de ces moyens.

  2. Maningo Jean claude

    « Depuis son indépendance, le Burundi n’a pas connu une période de quinze ans continus de stabilité. Des pouvoirs militaires se sont succédé, des massacres ethniques à grande échelle ont déchiré le tissu social. La corruption, l’exclusion à base ethnique et régionale, les malversations économiques, le népotisme, le clientélisme se sont érigés dans les structures de l’Etat. La culture démocratique basée sur la pluralité et le dialogue laisse à désirer. »e suis d’accord avec vous, M l’éditorialiste. Mais le comble de malheur, c’est que le passé semble ne pas passer.

  3. Ririkumutima

    Mon cher Stany,
    Moi aussi mes oreilles ont sifflé quand j’ai entendu ce que vous écrivez en haut.
    Raisonnons. Si je vous donne (chiffre fantaisiste) 3 milliards de $ pour exécuter un projet X. Le probleme fondamental: est ce avoir le magot par crédit ou par don?
    Un crédit est assujeti à des intérets, ne l’oublions pas.
    Non mon cher watson, le point fondamental ni ukuba wize neza le projet et vous assurer que les Bihangange que vous nommez batayiba nka Barrage de Mpanda.
    Merci à Iwacu au cas ou vous publierez ma remarque outrée.
    Notez que je ne vous tiendrais pas rigueur au cas ou vous omettez de le publier

  4. Stan Siyomana

    1.Dans son discours, S.E. le président Evariste Ndayishimiye informe la communauté internationale que désormais, le Burundi ne veut plus d’aide étrangère, il préfère PRENDRE DES DETTES.
    « Kuburyo jewe sinsaba imfashanyo, mvuga nti nimungurane nzobasubiza.
    Dusavye amakungu atugurane gusa, turonke umutahe wo gutanguza, kuko umutahe turawufise, dufise ubutare, dufise ivu, dufise igihugu ciza cane nyabagendwa ingenzi zose bashobora kuza kuruhukira mu Burundi, ni igihugu c’uburuhukiro… »
    Et puis, le président s’adresse particulièrement au Royaume de Belgique, ancienne puissance coloniale:
    « Nibadufashe lero kudufasha kuduha umutahe kuko murumva Uburundi twabusambuye turikumwe, nibaduhe umutahe twiyubakire kandi turashoboye… »
    https://www.youtube.com/watch?v=RDPMgj9MNc8
    2. Mon commentaire
    a) Le Burundi n’est même pas sur la liste de la notation de la dette souveraine, donc il lui serait presque impossible de lever des fonds sur les marchés internationaux.
    https://fr.countryeconomy.com/gouvernement/ratings
    b). D’après les statistiques pour l’an 2020, le Burundi est déjà très (?) endetté avec une dette publique de 1.786 millions d’euros, soit 65,97% du produit intérieur brut (PIB).
    Burundi: Évolution de la dette
    Date Dette totale (M. €) Dette (%PIB) Dette par habitant
    2020 1.786 65,97% 150 €
    2019 1.614 59,99% 140 €
    2018 1.363 52,97% 122 €
    2017 1.320 46,90% 122 €
    https://fr.countryeconomy.com/gouvernement/dette/burundi
    c). A part l’aide étrangère que la Belgique fait passer par l’ENABEL, je ne vois pas comment le gouvernement belge va donner des prêts à l’Etat burundais.
    Dans les actions de l’ENABEL au Burundi « L’aide belge se concentre sur les activités bénéficiant aux populations et à la société civile, dans les secteurs de l’agriculture, de la santé et de l’éducation… »
    https://www.enabel.be/fr/content/que-fait-enabel-au-burundi

  5. Nkebereza

    M. Sikuyavuga : je ne vous connais pas vous ne me connaissez pas ! Mais quand je lis vos éditoriaux, je me dis que vous êtes un homme formidable. Mon souhait : continuer à porter cette voix des sans voix. Je suis sûr que vous êtes lu « en haut ». Merci de continuer à semer.

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