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« L’incendie du marché » libère ses prévenus, sauf un…

18/06/2013 Commentaires fermés sur « L’incendie du marché » libère ses prévenus, sauf un…

Après la libération provisoire de l’ancien maire de la ville de Bujumbura, Me Evrard Giswaswa, seul Cyprien Horugavye, ex-directeur général de la Sogemac, est encore incarcéré à Mpimba, parmi tous ceux qui avaient été inculpés dans le dossier « incendie du marché central ».

Me Dieudonné Bashirahishize : « Mon client doit être libéré provisoirement, en vertu du principe de l’équité et de l’égalité devant la loi. » ©Iwacu
Me Dieudonné Bashirahishize : « Mon client doit être libéré provisoirement, en vertu du principe de l’équité et de l’égalité devant la loi. » ©Iwacu

Depuis ce vendredi 7 juin 2013, Me Evrard Giswaswa, ancien maire de la ville de Bujumbura, est en liberté provisoire. Incarcéré pendant presque trois mois à la prison centrale de Mpimba, il a été libéré après le paiement d’une caution de 250 millions de Fbu : « Le ministère public a le privilège d’accorder la libération provisoire à un détenu s’il apprécie ses plaidoiries et trouve que ses arguments sont fondés », a annoncé Elie Ntungwanayo, porte-parole du ministère de la Justice, sur les ondes de radio Isanganiro, se prononçant sur la libération de l’ex-maire.

Arrêté le 11 mars dernier sur un mandat d’arrêt émis par la Commission chargée de faire la lumière sur l’incendie qui a ravagé le marché central de Bujumbura le 27 janvier, Me Giswaswa était accusé de « complicité dans la gestion frauduleuse, de concussion, et de prise illégale d’intérêts ».
Pour Me Salvator Kiyuku, avocat d’Evrard Giswaswa, la gestion frauduleuse ne peut en aucun cas être reprochée à son client, dans la mesure où il n’a jamais été nanti d’une mission de service public de gestion du marché central de Bujumbura. Mais aussi, poursuit-il, parce que l’intention de nuire en s’appropriant des redevances de la mairie ne peut être prouvée.
Me Kiyuku explique que la gestion quotidienne de la mairie ne relève pas de la compétence du maire, mais du secrétaire général (article 5 du règlement d’ordre intérieur de la mairie) qui doit rendre compte au maire par des rapports. Ces derniers n’ont jamais relevé la moindre anomalie, et le maire est, au fond, un mandataire politique.

De « complicité d’incendie » à « auteur d’incendie », puis « gestion frauduleuse »

Car, la gestion frauduleuse dont il est question dans ce dossier concerne les redevances qui n’auraient pas été perçues par la mairie, comme stipulé dans le contrat d’affermage signé avec la Sogemac, la Société de Gestion du Marché Central. C’est pour cela que Cyprien Horugavye, ancien directeur général de la Sogemac, reste détenu à Mpimba.
Pourtant, lors de son arrestation, puis de sa détention, le 31 janvier 2012, Cyprien Horugavye était officiellement accusé d’avoir mis le feu au marché. Sur le mandat d’amener, il était ainsi écrit qu’il était accusé de « complicité d’incendie ». Mais, indique Me Dieudonné Bashirahishize, avocat de M. Horugavye, après le premier interrogatoire, l’accusation change en « auteur de l’incendie », alors que rien ne lui avait été demandé sur l’incendie ; toutes les questions ayant porté sur le contrat d’affermage entre la mairie et la Sogemac.

Quelques jours plus tard, la chambre de conseil du tribunal de grande instance en mairie de Bujumbura confirme sa détention, et il fait aussitôt appel auprès de la cour d’appel. Le 21 mars, un rapport officiel conclut à un incendie accidentel du marché, avant que cette cour ait entendu M. Horugavye. Le constat du rapport rendait le premier mandat caduc et l’ancien DG de la Sogemac aurait logiquement dû être relaxé.
Sur tous les inculpés, seul Cyprien Horugavye reste détenu : « Mais, mystérieusement, le mandat originel change et il y est ajouté « gestion frauduleuse du marché », s’étonne Me Bashirahishize. La municipalité de Bujumbura aurait eu un manque à gagner, en termes de redevances, suite aux actes de M. Horugavye durant son mandat à la tête de la Sogemac. Il est à noter que la mairie est en même temps actionnaire de la Sogemac à 38,5%, avec deux représentants dans le conseil d’administration.

L’ancien DG de la Sogemac, Cyprien Horugavye, reste le seul détenu à Mpimba dans ce dossier ©Iwacu
L’ancien DG de la Sogemac, Cyprien Horugavye, reste le seul détenu à Mpimba dans ce dossier ©Iwacu

C’est à ce moment que son dossier est lié à celui d’Evrard Giswaswa qui, lui, est accusé de « complicité de gestion frauduleuse » par la même commission chargée d’enquêter sur l’incendie. Paradoxalement, les sept autres personnes (des policiers, des pompistes, des veilleurs, des commerçants…) poursuivies par la commission dans ce dossier sont libérées.
Après la libération provisoire de l’ancien maire de la ville, l’avocat de Cyprien Horugavye demande que les deux personnes poursuivies dans ce dossier bénéficient des mêmes conditions de traitement, en vertu du principe de l’équité et de l’égalité devant la loi. Et que M. Horugavye soit donc mis en liberté provisoire, et que son dossier soit poursuivi étant libre de ses mouvements.

Une gestion frauduleuse non prouvée …

Mais, pour Me Salvator Kiyuku, le mode de participation retenu par le ministère public n’est pas le même, car M. Horugavye est poursuivi comme auteur, alors qu’Evrard Giswaswa serait poursuivi comme complice. Cependant, l’avocat d’Evrard Giswaswa ne voit aucun inconvénient à ce que Cyprien Horugavye soit libéré provisoirement, parce que les faits qui lui sont reprochés relèvent plus de l’imaginaire que de la réalité.
Me Bashirahishize indique que, même si le préjudice dont est accusé son client venait à être établi, la réparation incomberait à la Sogemac, qui est une personne morale pourvue de son propre patrimoine, et non à Cyprien Horugavye qui n’a fait qu’exécuter fidèlement les ordres du conseil d’administration.

Il ajoute que le tribunal du commerce, sur requête de la mairie, a saisi les comptes de la Sogemac, de plusieurs centaines de millions, à cause des redevances impayées, et en attendant la fin des enquêtes. « La mairie connaît déjà son interlocuteur par rapport à la réparation de ce préjudice hypothétique et non encore avéré », conclut-il.

L’analyse : les dessous de cette « gestion frauduleuse »

En vertu du principe de l’équité et de l’égalité devant la loi, Me Dieudonné Bashirahishize demande la libération provisoire de son client. Mais, sans considérer les arguments de l’avocat d’Evrard Giswaswa sur la différence des chefs d’accusation, il ne faut pas oublier que l’ancien maire de la ville a payé une caution de 250 millions : « Mon client ne peut pas payer de caution parce qu’il n’a jamais été poursuivi comme personne physique, la preuve en est que les comptes de la Sogemac, et non de Cyprien Horugavye, ont été gelés par le tribunal du travail sur demande de la mairie », objecte Me Dieudonné Bashirahishize. Cela voudrait-il dire alors qu’Evrard Giswaswa, en payant cette caution, reconnaît implicitement ce dont il est accusé ? « Non, la caution ne signifie pas une reconnaissance de responsabilité, mais un moyen d’obtenir une libération provisoire », explique Me Salvator Kiyuku.

Quoiqu’il en soit, plusieurs zones d’ombre subsistent dans cette affaire. Les redevances réclamées par la mairie courent depuis 1994, depuis la signature du contrat d’affermage entre la Sogemac et la municipalité de Bujumbura. Et non depuis l’entrée en fonction d’Evrard Giswaswa, ou de Cyprien Horugavye. Et depuis 1994, le calcul de ces redevances a été modifié plus d’une fois, au gré d’un maire ou d’un autre, parfois sans concertation. Mais, si l’on considère que cela ne pouvait pas empêcher le paiement de ces redevances, tant que la Sogemac l’acceptait, il est incompréhensible que ce soit à l’occasion de l’incendie du marché central que le défaut de paiement, depuis 18 ans, ait été remarqué. Car, ne l’oublions pas, depuis 1994, la mairie a toujours été représentée au conseil d’administration de la Sogemac, et pas par n’importe qui. En effet, c’est le secrétaire général de la mairie et le chef de cabinet du maire qui y siégeaient, et qui rendaient compte au maire de la ville. Et, depuis 1994 jusqu’aujourd’hui, leurs rapports n’ont jamais mentionné ce défaut de paiement.
La question est de savoir alors à qui incombe la faute. Quoiqu’il en soit, bien qu’il ait été accidentel, l’incendie du marché central de Bujumbura semble avoir déterré des cadavres que d’autres auraient préféré garder en terre. Mais pas nécessairement Cyprien Horugavye et Evrard Giswaswa.

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